Devoir de Philosophie

Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal

Publié le 31/01/2020

Extrait du document

nietzsche

Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal

Nous ne voyons pas dans la fausseté d’un jugement une objection contre ce juge-ment ; c’est là, peut-être, que notre nouveau langage paraîtra le plus déroutant.

La question est de savoir dans quelle mesure un jugement est apte à promouvoir la vie, à la conserver, à conserver l’espèce, voire à l’améliorer, et nous sommes enclins à poser en principe que les jugements les plus faux (et parmi eux les juge-ments synthétiques a priori) sont les plus indispensables à notre espèce, que l’homme ne pourrait pas vivre sans se rallier aux fictions de la logique, sans rapporter la réalité au monde purement imaginaire de l’absolu et de l’identique, sans fausser continuellement le monde en y introduisant le nombre. Car renoncer aux jugements faux serait renoncer à la vie même, équivaudrait à nier fa vie. Reconnaître la non-vérité comme la condition de la vie, voilà certes une dangereuse façon de s’opposer au sens des valeurs qui a généralement cours, et une philosophie qui prend ce risque se situe déjà, du même coup, par-delà bien et mal. 

Traduction Cornélius Heim, Gallimard, collection « Folio », partie I, § 4, p. 23

nietzsche

« COMMENTAIRE DE TEXTE B.

Première preuve : la philosophie.

Elle produit des erreurs nécessaires à la vie humaine.

!.'.allusion aux «jugements synthétiques a priori » vise Kant, l'un des adversaires acharnés de l'illusion métaphysique.

Or, Nietzsche qualifie tous ces rai­ sonnements soucieux de vérité de «faux», sans même prendre le soin de les ana­ lyser.

Mais il ne les condamne pas pour autant, puisqu'ils sont indispensables d'un point de vue vital.

C.

Deuxième preuve : la science.

Elle découvre également des vérités sous la forme de lois universelles; qu'il s'agisse du raisonnement, c'est la logique, ou de la nature, ce sont les sciences expérimentales.

Mais ces vérités ne sont qu'illusions, car elles faussent (ligne 9) le monde réel.

En effet, aux yeux de Nietzsche, la volonté scientifique de produire des lois universelles sous forme mathématique («le nombre», ligne 9) repose sur l'illusion que l'on peut extraire de toutes les situa­ tions des éléments identiques, quantifiables.

Or, le monde est toujours différent et les situations toujours originales.

La science crée un monde sans rapport avec la réalité (« monde purement imaginaire », ligne 8) : elle se trompe volontairement, dans l'intérêt de ceux qui la créent.

-3.

La vie est solidaire de l'erreur et de l'illusion (lignes 9 à la fin) A « Renoncer aux jugements faux serait renoncer à la vie même » (lignes 9- 10) : la vie est en effet constituée d'erreurs, de mythes et d'illusions.

!.'.action humaine se contente par exemple d'approximations et se soucie peu d'exactitude.

De plus, le mouvement même de la vie est une création et non une découverte de« vérités».

B.

La nouvelle philosophie prend le risque de proposer de nouvelles valeurs.

Alors que la valeur suprême était la vérité, Nietzsche introduit une nouvelle façon d'apprécier les jugements ou les connaissances.

C'est une position gnoséologique risquée.

C.

Car cette philosophie récuse du même coup les valeurs morales courantes.

Elle conteste l'équation vérité= bien suprême.

Ainsi, elle risque de mettre à bas tout l'édifice traditionnel des «vérités », illusoires, mais utiles à la vie.

C'est parce que la vérité n'est plus le bien suprême que l'apologie nietzschéenne de l'illusion et de l'erreur se situe par-delà bien et mal.

-Discussion Ce qu'il convient de mettre en évidence, c'est à la fois la radicalité et la nouveauté de l'approche nietzschéenne, qui embrasse, dans sa critique, à la fois les questions de connaissance et les questions de morale.

Nietzsche veut mettre en avant la nouveauté de sa philosophie, notamment, dans le même ouvrage, en appelant les nouveaux philosophes les « esprits libres ».

Ces derniers sont en effet capables d'échapper aux valeurs traditionnelles de vérité et de bonté.

Soulignez également le caractère profondément paradoxal de la thèse de Nietzsche pour pouvoir éventuellement débattre sur la question de savoir si la vérité est une valeur et, plus précisément, si elle est une valeur morale.

Car la tra­ dition philosophique introduit une forte césure entre le point de vue de la connaissance et celui de l'éthique.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles