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Penser, est-ce calculer?

Publié le 31/01/2020

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Peut-on dire vraiment, comme nous l'avons suggéré en commençant, que les ordinateurs calculent? Et si nous pouvons aller jusqu'à l'affirmer, voulons-nous dire qu'il calcule au sens où nous disons que nous autres humains calculons? Quand nous additionnons deux et trois, nous sommes certains que le résultat est cinq. Cette certitude est constitutive de l'addition, et plus généralement de toutes les opérations que nous désignons du nom de calcul. Or, l'ordinateur n'est jamais certain du résultat du processus mécanique défini par l'algorithme programmé. C'est là une différence majeure entre ce qu'est le calcul mécanique et ce qu'est le calcul humain.

Cette certitude ne résulte pas de l'application d'un algorithme, puisque nous pouvons toujours douter de l'avoir correctement appliqué. Nous sommes certains de notre addition, parce que nous avons appris à additionner de cette manière et parce que notre addition s'accorde avec les pratiques d'autrui : la certitude repose sur l'apprentissage de certaines pratiques et sur l'acceptation par autrui de nos propres pratiques.

« En effet, un algorithme, c'est une procédure mécanique et répétitive permettant de réaliser une opération.

Pourquoi la pensée serait-elle identique au calcul, si le calcul est ainsi défini? Cette thèse remonte, sous forme de slogan, à Hobbes et à Leibniz, mais elle fut ren­ due plus pertinente par les progrès de la logique mathématique au xx• siècle.

Raisonner, c'est déduire des propositions vraies d'autres propositions selon des règles spécifiques.

Or, la logique montre que les règles gouvernant les raisonne­ ments peuvent être décrites de manière purement formelle, sans faire référence au contenu des énoncés sur lesquels portent les raisonnements.

Par conséquent, les déductions sont analogues aux propriétés des calculs que nous avons exposées : en ce sens, comme le font les sciences cognitives, héritières des thèses du logicien Türing sur la nature du raisonnement et de la pensée, le raisonnement doit être compris comme une espèce de calcul.

Mais, n'est-ce pas une position réductrice, qui assimile pensée et raisonnement? La thèse de Türing.

à la suite de Hobbes et Leibniz, repose essentiellement sur l'assimilation non questionnée de la pensée et du raisonnement, ainsi que sur l'analyse du raisonnement en termes de déduction formelle.

Or, la pensée est plus vaste que le raisonnement.

En effet la pensée implique bien des activités intellectuelles qui ne sont pas réductibles au raisonnement.

Aristote, dans les Seconds llnalytiques, distingue deux types de pensée tendant à la connaissance du vrai, la pensée déductive et l'intuition.

La pensée déductive consiste à déduire une conclusion de prémisses connues anté­ rieurement conformément aux règles de la logique syllogistique présentées par ce philosophe.

Mais l'intuition consiste en une connaissance de la nature des essences formelles des êtres sur lesquels portent les sciences : cette connaissance fournit le point de départ, les prémisses dont dépend toute la connaissance déductive.

Autrement dit, même si l'on admet la validité de la thèse de Türing.

le raisonnement dépend d'une connaissance qui est irréductible à toute caractérisation formelle, donc à tout algorithme.

La connaissance des fondements de la science, dont dépend toute déduction scientifique, échappe au calcul.

En outre, la pensée ne tend pas tout entière, ni même peut-être essentielle­ ment, à la vérité : il est possible que la pensée consiste avant tout dans l'appré­ hension de la question du sens de l'existence.

Penser, c'est alors appréhender consciemment sa propre existence et s'interroger sur le sens de cette existence.

Toutes les autres activités couramment qualifiées de pensée supposent cette capa­ cité.

Autrement dit, penser, ce n'est pas accomplir un certain type d'opérations, éventuellement caractérisables en termes de mécanismes formels et récursifs.

Penser, c'est comprendre, c'est-à-dire donner un sens.

Dès lors, la pensée est par nature irréductible au calcul : calculer, ce n'est pas penser, puisque le calcul est réductible à des algorithmes mécaniques formels et. »

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