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L'ACTION Humanitaire AU SECOURS DU POLITIQUE

Publié le 14/01/2019

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L'ACTION

 

Humanitaire

 

AU SECOURS DU POLITIQUE

 

La multiplication des conflits régionaux après 1945 et l'émergence de nouvelles formes de guerre (guerre d’indépendance, guérilla révolutionnaire...) qui tendent à faire des populations civiles, et non plus des armées combattantes, les principales victimes, engendrent; à partir des années soixante-dix, sous l’impulsion, notamment, de Médecins sans frontières, organisme créé en 1971 par Bernard Kouchner, un nouveau type d'action humanitaire. Celle-ci bénéficie d'une reconnaissance internationale au moment même où les bouleversements du cadre géopolitique mondial au sortir de la guerre froide étendent son champ d’intervention au point d’en faire l'un des domaines privilégiés de l’action politique des États. Mais cette évolution, dont l’ambiguïté est soulignée par les dissensions qu'elle suscite au sein des organisations non gouvernementales (ONG), ne risque-t-elle pas d'apparaître comme la manifestation d'une démission politique des pays riches au profit de la seule gestion de l’urgence ?

 

De L’ASSISTANCE À L’INGÉRENCE

 

Constatant le poids grandissant des ONG à la fin des années quatre-vingt, Bernard Kouchner et le juriste Mario Bettati sont à l’origine d’une reconnaissance juridique du devoir d’assistance aux populations civiles en danger. Ils veulent ainsi sortir l’action humanitaire du cadre individuel pour l’ériger en réel instrument de politique internationale.

 

Activement soutenue par la France, cette attitude va porter ses fruits à la faveur de la chute du communisme en Europe de l'Est à partir de 1989. En effet, la fin de la guerre froide et de la partition idéologique du monde en deux blocs paraît ouvrir la voie à un nouvel

« L'AGriON HUMANITAIRE ...

Après la gu erre du Golfe, l'ONU impose à l'Irak la création d'une zone de protection pour les réfugiés kurdes.

Si l'intervention pem1 et de sau v er des vies, elle montre assez rapidement ses limites po litiq u es.

© Frank Hmrnier • Conract Press Images ordre international reposant sur un rôle accru de l'ONU et sur le principe de la défense des droits de l'homme, dont le devoir d'assis­ tance humanitaire constitue l'un des piliers.

L'idée d'un droit d'intervention se dessine alors et contri­ bue à l'émergence progressive du concept d'ingérence humanitaire.

Ainsi, après l'adoption en 1988, au lendemain du tremble­ ment de terre en Arménie, d'une résolution reconnaissant l'assis­ tance aux populations victimes de catastrophes naturelles, l'assem­ blée générale des Nations unies en vote une autre, en décembre 1990, relative à l'instauration de corridors humanitaires.

Enfin, en avril 1991, une résolution du Conseil de sécurité dénonçant la répression des Kurdes par l'irak enjoint à Bagdad de faciliter «un accès immé­ diat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les parties de l'Irak».

EUe entraîne la création dans le nord du pays de «zones de protection ,.

pour les réfugiés kurdes, sous le contrôle de soldats de la coalition aUiée, et sert de fondement juridique à plusieurs autres interventions, no tamm ent en Somalie et en ex-Yougoslavie, donnant naissance, semble-t-il, à un nouvel ordre humanitaire international.

Conséquence de cette reconnaissance du droit d'ingérence : les États mettent en place des structures administratives, diploma­ tiques et militaires adaptées à cette nouvelle forme d'intervention­ nisme.

Ainsi la France se dote-t-elle, dès 1988, d'un secrétariat d'État à l'Action humanitaire, qui devient un «ministère» en 1992.

Des " allachés humanitaires » sont également envoyés auprès des ambas­ sades, tandis que l'armée tente de former des unités spécialisées dans ce type de mission.

De même, l'Union européenne, dont le montant des aides passe de 330 millions d'écus en 1987 à 800 millions en 1991, crée l'Office européen d'aide humanitaire d'urgence (ECHO).

Cependant, cette rapi9e institutionnalisation marque l'émergence d'un« humanitaire d'Etat» qui tend à modifier la nature et le sens de l'action humanitaire.

LEs AMBIGUïTÉs DE "L'HUMANITAIRE D'ÉTAT» L'examen de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité en avri1 1991 révèle, en effet, les ambiguïtés d'un tel concept et les divergences qu'il soulève entre les pays membres de l'ONU.

Admettant à la fois l'intégrité de l'Irak et la nécessité d'une intervention internationale visant à protéger les populations kurdes L'ACTION HUMANITAIRE ...

L'intervention tn Somalie a été le plus grave échec essuyé par l'humanitaire d'�tat.

Le travail des ONG en a subi parfois les conséquences.

Ci-comre: un hôpital destiné à la lutte contre le choléra, géré par l'A/CF et MSF.

© Patrick Roberr · Sygma L'ACTION HUMANITATRE ...

À la suite des massacres perpétrés conrre la minorité tutsie, la communauté intemationale esr interv enue a u Rwanda, 1nais n'a pu prévenir le désastre.

Ci-contre : une distribution de nourriture à Kigali assurée par le Croissant-Rouge.

© Liz Gilbm -Sygma contre cet État, la résolution ne parvient à surmonter cette contradic­ tion qu'au prix du contournement du principe de souveraineté, inscrit dans la charte des Nations unies, au profit de celui de sécurité régio­ nale, illustrant ainsi l'étroitesse de la base juridique du droit d'in­ gérence.

En effet, ce dernier ne repose que sur une volonté politique commune des États, principalement des grandes puissances.

susci­ tant, dès lors, l'hostilité de nombreux pays du tiers-monde, qui craignent que ce nouvel interventionnisme ne se traduise, dans les faits, par la remise en cause de leur indépendance.

Ainsi, à mesure que s'éloigne la perspective d'un ordre mondial stable et que la fin de la guerre froide entraîne un changement de nature des conflits, le droit d'ingérence apparaît non plus comme un objectif en soi, à la base d'une nouvelle conception des relations internationales, mais comme un simple moyen au service des États.

L'aide humanitaire tend alors à devenir une arme politique pour dissimuler soit la volonté de domination de certaines puis­ sances, soit une absence de vision d'ensemble commune de la part des membres les plus inftuents au sein de la communauté internatio­ nale.

Seules capables de financer et d'organiser des interventions humanitaires, les grandes puissances peuvent ainsi en user à la fois comme moyen de pression, en choisissant le{s) pays qu'elles vont ou non aider, et comme instrument efficace pour satisfaire des intérêts stratégiques.

Par exemple, l'opéJation " Rendre l'espoir» en Somalie en novembre 1992 permet aux Etats-Unis de restaurer leur image sur la scène internationale.

Mais cette démonstration de force, que sou­ ligne la disproportion entre les dépenses liées à l'action militaire (1 ,S milliard de dollars) et celles relevant de l'aide alimentaire (160 mil­ lions de dollars), vise également à favoriser la relance de l'économie de marché par la vente, à côté des distributions gratuites, de denrées aux commerçants locaux.

Se substituant à l'activité diplomatique traditionnelle, l'hu­ manitaire ne répond plus seulement, ou en priorité, à la nécessité de venir en aide aux populations civiles en danger.

Il correspond plutôt à l'obligation pour les grandes pui.ssances, soumises à la pression de leurs opinions publiques, d'agir face à certains conflits, tout en évi­ tant de s'engager militairement.

li s'agit, en quelque sorte, d'une poli­ tique «du moindre coOt >>, qui donne lieu à de vastes et specta­ culaires opérations rnilitaro-humanitaires, durant lesquelles l'armée a pour mission non plus tant de rétablir l'ordre ou de restaurer la paix, ou même de protéger les populations civiles, que d'encadrer les. »

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