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La belle Gabrielle, vol.

Publié le 11/04/2014

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La belle Gabrielle, vol. 1 La porte extérieure, au contraire, était béante devant lui. Crillon tomba sur un banc de pierre. Sa tête en feu roulait mille vagues projets, mille pensées contradictoires. Irait-il se jeter aux pieds de cette femme offensée? N'était-ce pas un crime de refuser la réparation après l'offense? N'était-ce pas sa bonne étoile, au contraire, qui le sauvait d'un piège où peut-être il eût péri honneur et bonheur. Il fut tiré de sa rêverie par une rauque exclamation. Le barcarol à son poste l'appelait et lui montrait le jour naissant. Crillon obéit, se jeta dans la gondole, insensible désormais à ce spectacle splendide d'un lever du soleil par delà les grèves du Lido. Venise dormait encore tout entière quand la barque aborda au palais Foscari et déposa son passager sur l'escalier de marbre. Crillon glissa sa bourse pleine d'or dans la main du gondolier. Celui-ci, avec un froid dédain impossible à décrire, étendit le bras, et la bourse alla tomber dans le milieu du canal. Le barcarol poussa au large, et, se courbant sur son aviron, disparut en vingt secondes dans l'étroit et sombre Rio del Duca. A partir de ce moment, ce ne fut plus du regret ni du repentir, ce fut du remords et du désespoir qui dévora le coeur du chevalier. Il était amoureux, idolâtre, fou, de cette belle et noble femme; pour la revoir, il eût donné sa vie, il eût donné sa vie éternelle pour retrouver l'beure à jamais envolée de cet amour tel, qu'il était assuré de n'en plus trouver en ce monde. Il courut Venise, il courut les îles voisines sans retrouver ni la gondole ni la petite porte mystérieuse. Il sema l'or, les espions, et pour tout résultat n'obtint pas même le coup de stylet qu'il espérait et invoquait sans cesse. A la cour du doge, aux promenades, aux assemblées, aux fêtes, il épiait, dévorait tous les visages. Jamais il ne retrouva l'inconnue, et lorsqu'il la voulut dépeindre pour aider à ses recherches, les mieux informés lui répondirent qu'assurément une telle perfection n'existait pas et qu'il avait rêvé. Huit jours après, Henri III quitta Venise, rappelé en France, sans avoir pu assister aux fiançailles du fils du doge, que la république voulait marier à une de ses riches héritières, lorsqu'il aurait, disait-on, atteint sa majorité. Crillon suivit son maître; le corps retourna en France, mais le coeur et l'âme étaient restés à Venise, dans cette maison perdue sous les althéas et les grenadiers en fleur. Telle fut cette poétique aventure, à laquelle, vingt ans plus tard, le brave Crillon, le front caché dans ses mains, rêvait, et son généreux sang bouillonnait encore. La lettre que lui avait remise le jeune homme ne contenait que ces mots: « Je fais connaître mon fils Espérance à M. de Crillon, afin que le hasard ne les oppose jamais l'un à l'autre les armes à la main. Il est né le 20 avril 1575. VI. UNE AVENTURE DE CRILLON 49 La belle Gabrielle, vol. 1 « De Venise, au lit de la mort. » Voilà pourquoi la plaie s'était rouverte au coeur du héros; voilà pourquoi il tressaillait en regardant Espérance. VII. CE QU'ON APPREND EN VOYAGEANT Pontis faisait à son sauveur de sincères protestations, lorsque Crillon rappela près de lui Espérance. Au coup d'oeil bienveillant et attendri que le colonel des gardes attacha sur lui, le fils de la Vénitienne sentit que les méditations lui avaient été favorables. --Eh bien! monsieur, dit-il en s'approchant avec son air engageant et poli, avez-vous découvert qu'il soit nécessaire de me faire pendre comme maître la Ramée tout à l'heure? --Oh! si l'on cherchait un peu, répliqua Crillon en souriant, on trouverait bien certaines peccadilles. Et il passa son bras sous celui du jeune homme, heureux et surpris de cette douce familiarité. --Mais, continua Crillon, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Vous courez les aventures, mon jeune maître, et fort imprudemment, ce me semble. Comment, en temps de guerre, un cavalier de votre mine et de votre qualité se risque-t-il à arpenter le grand chemin, seul, avec un cheval et un portemanteau, qui tenteraient tant de gens désoeuvrés? --C'est que, monsieur, répliqua Espérance, pour aller où je vais, je ne puis prendre de valet ni d'escorte. Il ne manquerait plus que d'emmener des trompettes, et de faire sonner fanfares. Crillon l'interrompit. --Vous ne prendrez point mal mes questions, dit-il. On vous a recommandé à moi, et je me crois autorisé, vous sachant orphelin, seul, à vous offrir mes conseils, sinon ma protection. --Monsieur, c'est trop de bontés, et soyez assuré que conseils et protection me sont bien précieux de votre part. --A la bonne heure. Je continue donc: nous avons un rendez-vous et nous y allons? --Oui, monsieur. --Vers Saint-Denis, près d'Ormesson. --A Ormesson même. --Et cela ne peut se remettre? --Oh! monsieur, jamais.... Crillon se retournant vers son quartier: --Un cheval, dit-il. Puis à Espérance: VII. CE QU'ON APPREND EN VOYAGEANT 50

« « De Venise, au lit de la mort.

» Voilà pourquoi la plaie s'était rouverte au coeur du héros; voilà pourquoi il tressaillait en regardant Espérance. VII.

CE QU'ON APPREND EN VOYAGEANT Pontis faisait à son sauveur de sincères protestations, lorsque Crillon rappela près de lui Espérance. Au coup d'oeil bienveillant et attendri que le colonel des gardes attacha sur lui, le fils de la Vénitienne sentit que les méditations lui avaient été favorables. —Eh bien! monsieur, dit-il en s'approchant avec son air engageant et poli, avez-vous découvert qu'il soit nécessaire de me faire pendre comme maître la Ramée tout à l'heure? —Oh! si l'on cherchait un peu, répliqua Crillon en souriant, on trouverait bien certaines peccadilles. Et il passa son bras sous celui du jeune homme, heureux et surpris de cette douce familiarité. —Mais, continua Crillon, ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

Vous courez les aventures, mon jeune maître, et fort imprudemment, ce me semble.

Comment, en temps de guerre, un cavalier de votre mine et de votre qualité se risque-t-il à arpenter le grand chemin, seul, avec un cheval et un portemanteau, qui tenteraient tant de gens désoeuvrés? —C'est que, monsieur, répliqua Espérance, pour aller où je vais, je ne puis prendre de valet ni d'escorte.

Il ne manquerait plus que d'emmener des trompettes, et de faire sonner fanfares. Crillon l'interrompit. —Vous ne prendrez point mal mes questions, dit-il.

On vous a recommandé à moi, et je me crois autorisé, vous sachant orphelin, seul, à vous offrir mes conseils, sinon ma protection. —Monsieur, c'est trop de bontés, et soyez assuré que conseils et protection me sont bien précieux de votre part. —A la bonne heure.

Je continue donc: nous avons un rendez-vous et nous y allons? —Oui, monsieur. —Vers Saint-Denis, près d'Ormesson. —A Ormesson même. —Et cela ne peut se remettre? —Oh! monsieur, jamais.... Crillon se retournant vers son quartier: —Un cheval, dit-il. Puis à Espérance: La belle Gabrielle, vol.

1 VII.

CE QU'ON APPREND EN VOYAGEANT 50. »

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