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Les Bijoux Indiscrets le sultan donnait la liste des hommes.

Publié le 11/04/2014

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Les Bijoux Indiscrets le sultan donnait la liste des hommes. On y venait fort paré. La conversation était générale, ou se partageait. Lorsque l'histoire galante de la cour ne fournissait pas des aventures amusantes, on en imaginait, et l'on s'embarquait dans quelques mauvais contes, ce qui s'appelait continuer les Mille et une Nuits. Les hommes avaient le privilège de dire toutes les extravagances qui leur venaient, et les femmes celui de faire des noeuds en les écoutant. Le sultan et la favorite étaient là confondus parmi leurs sujets ; leur Présence n'interdisait rien de ce qui pouvait amuser, et il était rare qu'on s'ennuyât. Mangogul avait compris de bonne heure que ce n'était qu'au pied du trône qu'on trouve le plaisir, et personne n'en descendait de meilleure grâce, et ne savait déposer plus à propos la majesté. Tandis qu'il parcourait la petite maison du sénateur Hippomanès, Mirzoza l'attendait dans le salon couleur de rose, avec la jeune Zaïde, l'enjouée Léocris, la vive Sérica, Amine et Benzaire, femmes de deux émirs, la prude Orphise et la grande sénéchale Vétula, mère temporelle de tous les brahmines. Il ne tarda pas à paraître. Il entra accompagné du comte Hannetillon et du chevalier Fadaès. Alciphenor, vieux libertin, et le jeune Marmolin son disciple, le suivaient, et deux minutes après, arrivèrent le pacha Grisgrif, l'aga Fortimbek et le sélictar Patte-de-velours. C'était bien les petits-maîtres les plus déterminés de la cour. Mangogul les avait rassemblés à dessein. Rebattu du récit de leurs galants exploits, il s'était proposé de s'en instruire à n'en pouvoir douter plus longtemps. " Eh bien ! messieurs, leur dit-il, vous qui n'ignorez rien de ce qui se passe dans l'empire galant, qu'y fait-on de nouveau ? où en sont les bijoux parlants ?... - Seigneur, répondit Alciphenor, c'est un charivari qui va toujours en augmentant : si cela continue, bientôt on ne s'entendra plus. Mais rien n'est si réjouissant que l'indiscrétion du bijou de Zobeïde. Il a fait à son mari un dénombrement d'aventures. - Cela est prodigieux, continua Marmolin : on compte cinq agas, vingt capitaines, une compagnie de janissaires presque entière, douze brahmines ; on ajoute qu'il m'a nommé ; mais c'est une mauvaise plaisanterie. - Le bon de l'affaire, reprit Grisgrif, c'est que l'époux effrayé s'est enfui en se bouchant les oreilles. - Voilà qui est bien horrible ! dit Mirzoza. - Oui, madame, interrompit Fortimbek, horrible, affreux, exécrable ! - Plus que tout cela, si vous voulez, reprit la favorite, de déshonorer une femme sur un ouï-dire. - Madame, cela est à la lettre ; Marmolin n'a pas ajouté un mot à la vérité, dit Patte-de-velours. - Cela est positif, dit Grisgrif. - Bon, ajouta Hannetillon, il en court déjà une épigramme ; et l'on ne fait pas une épigramme sur rien. Mais pourquoi Marmolin serait-il à l'abri du caquet des bijoux ? Celui de Cynare s'est bien avisé de parler à son tour, et de me mêler avec des gens qui ne me vont point du tout. Mais comment obvier à cela ? - C'est plus tôt fait de s'en consoler, dit Patte-de-velours. - Vous avez raison, répondit Hannetillon ; et tout de suite il se mit à chanter : Mon bonheur fut si grand que j'ai peine à le croire. - Comte, dit Mangogul, en s'adressant à Hannetillon, vous avez donc connu particulièrement Cynare ? CHAPITRE XXXVI. SEIZIÈME ESSAI DE L'ANNEAU.. LES PETITS-MAÎTRES. 84 Les Bijoux Indiscrets - Seigneur, répondit Patte-de-velours, qui en doute ? Il l'a promenée pendant plus d'une lune ; ils ont été chansonnés ; et cela durerait encore, s'il ne s'était enfin aperçu qu'elle n'était point jolie, et qu'elle avait la bouche grande. - D'accord, reprit Hannetillon ; mais ce défaut était réparé par un agrément qui n'est pas ordinaire. - Y a-t-il longtemps de cette aventure ? demanda la prude Orphise. - Madame, lui répondit Hannetillon, je n'en ai pas l'époque présente. Il faudrait recourir aux tables chronologiques de mes bonnes fortunes. On y verrait le jour et le moment ; mais c'est un gros volume dont mes gens s'amusent dans mon antichambre. - Attendez, dit Alciphenor ; je me rappelle que c'est précisément un an après que Grisgrif s'est brouillé avec Mme la sénéchale. Elle a une mémoire d'ange, et elle va nous apprendre au juste... - Que rien n'est plus faux que votre date, répondit gravement la sénéchale. On sait assez que les étourdis n'ont jamais été de mon goût. - Cependant, madame, reprit Alciphenor, vous ne nous persuaderez jamais que Marmolin fût excessivement sage, lorsqu'on l'introduisait dans votre appartement par un escalier dérobé, toutes les fois que Sa Hautesse appelait M. le sénéchal au conseil. - Je ne vois pas de plus grande extravagance, ajouta Patte-de-velours, que d'entrer furtivement chez une femme, à propos de rien : car on ne pensait de ces visites que ce qui en était ; et madame jouissait déjà de cette réputation de vertu qu'elle a si bien soutenue depuis. - Mais il y a un siècle de cela, dit Fadaès. Ce fut à peu près dans ce temps que Zulica fit faux bond à M. le sélictar qui était bien son serviteur, pour occuper Grisgrif qu'elle a planté là six mois après ; elle en est maintenant à Fortimbek. Je ne suis pas fâché de la petite fortune de mon ami ; je la vois, je l'admire, et le tout sans prétention. - Zulica, dit la favorite, est pourtant fort aimable ; elle a de l'esprit, du goût, et je ne sais quoi d'intéressant dans la physionomie, que je préférerais à des charmes. - J'en conviens, répondit Fadaès ; mais elle est maigre, elle n'a point de gorge, et la cuisse si décharnée, que cela fait pitié. - Vous en savez apparemment des nouvelles, ajouta la sultane. - Bon ! madame, reprit Hannetillon, cela se devine. J'ai peu fréquenté chez Zulica, et si, j'en sais là dessus autant que Fadaès. - Je le croirais volontiers, dit la favorite. - Mais, à propos, pourrait-on demander à Grisgrif, dit le sélictar, si c'est pour longtemps qu'il s'est emparé de Zyrphile ? Voilà ce qui s'appelle une jolie femme ; elle a le corps admirable. - Eh ! qui en doute ? ajouta Marmolin. - Que le sélictar est heureux ! continua Fadaès. CHAPITRE XXXVI. SEIZIÈME ESSAI DE L'ANNEAU.. LES PETITS-MAÎTRES. 85

« ­ Seigneur, répondit Patte-de-velours, qui en doute ? Il l'a promenée pendant plus d'une lune ; ils ont été chansonnés ; et cela durerait encore, s'il ne s'était enfin aperçu qu'elle n'était point jolie, et qu'elle avait la bouche grande. ­ D'accord, reprit Hannetillon ; mais ce défaut était réparé par un agrément qui n'est pas ordinaire. ­ Y a-t-il longtemps de cette aventure ? demanda la prude Orphise. ­ Madame, lui répondit Hannetillon, je n'en ai pas l'époque présente.

Il faudrait recourir aux tables chronologiques de mes bonnes fortunes.

On y verrait le jour et le moment ; mais c'est un gros volume dont mes gens s'amusent dans mon antichambre. ­ Attendez, dit Alciphenor ; je me rappelle que c'est précisément un an après que Grisgrif s'est brouillé avec Mme la sénéchale.

Elle a une mémoire d'ange, et elle va nous apprendre au juste... ­ Que rien n'est plus faux que votre date, répondit gravement la sénéchale.

On sait assez que les étourdis n'ont jamais été de mon goût. ­ Cependant, madame, reprit Alciphenor, vous ne nous persuaderez jamais que Marmolin fût excessivement sage, lorsqu'on l'introduisait dans votre appartement par un escalier dérobé, toutes les fois que Sa Hautesse appelait M.

le sénéchal au conseil. ­ Je ne vois pas de plus grande extravagance, ajouta Patte-de-velours, que d'entrer furtivement chez une femme, à propos de rien : car on ne pensait de ces visites que ce qui en était ; et madame jouissait déjà de cette réputation de vertu qu'elle a si bien soutenue depuis. ­ Mais il y a un siècle de cela, dit Fadaès.

Ce fut à peu près dans ce temps que Zulica fit faux bond à M.

le sélictar qui était bien son serviteur, pour occuper Grisgrif qu'elle a planté là six mois après ; elle en est maintenant à Fortimbek.

Je ne suis pas fâché de la petite fortune de mon ami ; je la vois, je l'admire, et le tout sans prétention. ­ Zulica, dit la favorite, est pourtant fort aimable ; elle a de l'esprit, du goût, et je ne sais quoi d'intéressant dans la physionomie, que je préférerais à des charmes. ­ J'en conviens, répondit Fadaès ; mais elle est maigre, elle n'a point de gorge, et la cuisse si décharnée, que cela fait pitié. ­ Vous en savez apparemment des nouvelles, ajouta la sultane. ­ Bon ! madame, reprit Hannetillon, cela se devine.

J'ai peu fréquenté chez Zulica, et si, j'en sais là dessus autant que Fadaès. ­ Je le croirais volontiers, dit la favorite. ­ Mais, à propos, pourrait-on demander à Grisgrif, dit le sélictar, si c'est pour longtemps qu'il s'est emparé de Zyrphile ? Voilà ce qui s'appelle une jolie femme ; elle a le corps admirable. ­ Eh ! qui en doute ? ajouta Marmolin. ­ Que le sélictar est heureux ! continua Fadaès.

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