-- Douze ou quatorze, peu importe.
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
XXLVI
La
France acédé.
L’irrémédiable estaccompli.
Aucunretouraupassé n’estdésormais possible,malgréquelques rares
aménagements locauxnégociés çàetlàquand lerapport desforces morales s’yprêtait.
Ilreste aumonde entier,quiretenait
son souffle, àl’apprendre àson tour eten tirer profit, ouensupporter lesconséquences, selonladivision descamps.
Àdire
vrai, ilsort demon propos dedresser unpanorama completdenotre planète enébullition cejour dulundi dePâques.
C’est
de l’histoire contemporaine, ilyfaudrait desvolumes et,d’ailleurs, àquoi bon ? Moncoeur estresté auVillage.
Etsije
trouve laforce d’ajouter quelquespagesàce récit, lequel m’acoûté beaucoup delarmes endépit d’une certaine
bouffonnerie crevantàchaque instantlatristesse desfaits –car tout cela était bouffon, n’est-cepas ? – c’est
auVillage
seulement quejeles consacrerai.
Toutauplus puisjedessiner, àtraits grossiers, laconclusion dequelques scènes
essentielles àl’intelligence decerécit –Mon Dieu ! mesuis-je bienfaitcomprendre ? Ai-jedécrit comme ille fallait
l’inexorable processusdedégradation ? – et
laissées ensuspens d’unchapitre àl’autre, unpeu comme desbombes à
retardement.
Elles ontéclaté partout àla fois.
Surlesrives duLimpopo, àParis, Londres, NewYork...
LaFrance deslumières
volontairement àgenoux, aucungouvernement, désormais,n’oserasignerseullecrime degénocide.
Leflot noir monte à
Central Park :vingt-deux étagesenune heure.
« Black isbeautiful ettous lesasticots sontblancs. » Onn’entend rien,
comme chantecepoète deHarlem, « quelebruit delalance enfoncée danslamoelle del’oppresseur ».
Auvingt-
cinquième étage,ledocteur Norman Hallermesure lamarche dutemps : deuxétages seulement séparentlepassé de
l’avenir.
Lavoix dumaire deNew York, autéléphone, luiparvient presqueapaisée : « J’aidelachance, Norman, cesont
trois familles deHarlem.
Desenfants délicieux.
Ilsnem’ont même pascraché dessus.
J’enaiun sur lesgenoux etiljoue
avec monrevolver.
Évidemment, j’avaisenlevélechargeur ! Norman,quepouvait-on faired’autre ? »...
Onnégocie, au10
Downing Street.LeNon European Commonwealth Committeeapris possession deLondres delafaçon laplus courtoise.
Simple question destatistique.
Onfait lescomptes eton compare.
Vraiment, quelleimprudence ! Onn’imaginait pasqu’ils
fussent aussinombreux...
Personne,évidemment, nesesouciait plusdel’Afrique duSud.
Même lahaine qu’elle inspirait à
tous était devenue superflue.
Commeuneplage souslamarée quifranchissait leLimpopo, elledisparut delacarte entant
que nation blanche, avec,pourseule consolation, l’écroulement simultanédeses pairs quil’avaient silongtemps
désavouée.
AuxPhilippines, àDjakarta, Karachi,Conakry etencore Calcutta, touscesports étouffants dutiers monde,
d’autres flottesimmenses appareillaient pourl’Australie, laNouvelle-Zélande, l’Europe.Lagrande migration déroulaitson
tapis.
Etsil’on veut biensepencher surlepassé deshommes, cen’était certespaslapremière.
D’autrescivilisations,
sagement étiquetées danslesvitrines denos musées, avaientdéjàsubi lemême sort.Mais l’homme écouterarement les
leçons dupassé...
Au chapitre delapetite histoire, signalons unedernière anecdote exemplaire : ledépart deManille dupaquebot géant
français Normandie ,
avec sonéquipage métropolitain aucomplet, consentant puisque« lassédeservir delarbins », selon
ses proclamations syndicalestantdefois publiées, « auxoisifsprivilégiés », etaccueillant deson mieux cinqmille pauvres
hères philippins.
Hélas !l’euphorie fraternellenepassa paslecap delapremière nuit.Pour réussir desbanquets depauvres,
il yfaut lalongue expérience des« Petits-Frères » oudel’Armée dusalut, uneretenue raisonnable dansledon, assortie de
la docilité despauvres indispensable àl’exercice sansdanger delacharité-soupape.
Cefutcatastrophique.
Nonqueles
réserves dubord n’aient suffiàles rassasier, ceserait faireinjure ànotre regrettée « Transat » ! Mais,quand lesPhilippins
des bidonvilles deManille découvrirent ladébauche deboissons etde victuailles gentimentpréparéessurd’immenses
buffets, àtous lesponts, ilssejetèrent tousensemble dessuscomme desfous.
Ilsmangeaient etbuvaient, certes.Maisplus
précisément, ilspillaient lesbuffets etc’était exactement cequ’ils voulaient.
Puisilspillèrent lescuisines.
Etaprès les
cuisines, lessoutes alimentaires, lescaves, mêmeleschambres froidesouvertes souslamenace.
Toutlenavire ypassa.
Une
tornade ! Lescoursives jonchéesdevaisselle etde bouteilles brisées,lesélégantes cabinestransformées entaudis, les
grands panneaux laquésdessalons, orgueil du Normandie, mutilés,
maculés.
« Finalement », avaitconclu lebarman des
premières avantderendre sontablier, puissonâme, uncouteau plantédanssondos, « finalement j’aimemieuxlesriches.
Au moins, quandilsdégueulaient, ilsprenaient letemps d’aller jusqu’aux toilettes ! » Ilaurait falluypenser plustôt...
Mais revenons auxchoses sérieuses et,curieusement, endépit detoute ladésolation quisedissimule derrièrecetadjectif, je
ne parviens pasàl’écrire sanssourire.
Sérieux ! Aunom duciel ! est-ce quetout cela présentait unequelconque apparence
de sérieux ? Lafaçon dontlemonde apprit,surlesondes françaises, lanouvelle dudébarquement etde lanon-résistance de
la France, enoffre l’ultime illustration :
On sesouvient qu’àRTZ, aumatin dulundi dePâques, BorisVilsberg avaitassez bienjugélafoule surexcitée qui
s’entassait danslegrand studio devenu presque irrespirable.
Ladernière parolesensée qu’ilputprononcer etqu’on écouta
fut : « Mais ouvrezlafenêtre, bonDieu ! sansquoi onvatomber comme desmouches ! » Laphrase, d’ailleurs, passasur
l’antenne etdonna aussitôt leton del’émission.
Ilavait conservé saplace devant l’undesmicros delagrande tableronde,
le père Agnellu àson côté.
Essayant bravement defaire front, ilavait tentédeconserver l’initiative, déclenchant d’unsigne
de main verslacabine derégie sonindicatif personnel, suividelaphrase consacrée diteparunspeaker tremblant : « Boris
Vilsberg commente l’événement... ! » Qu’avait-ilosédire, lemalheureux ! Onnes’entendait plus,danslestudio.
Un
chahut monstre ! Laruée verslesmicros dessectateurs duverbe.
Desvoix criaient unpeu partout : « BorisVilsberg ne
commente riendutout ! C’estlepeuple desaffamés désormais, quicommente ! » Commeiln’y avait pasmoins d’une
dizaine demicros répartis autourdelagrande tableronde etune demi-douzaine d’orateursdéchaînésvociférant àchaque
micro, onpeut imaginer lerésultat.
Notonsqu’àcemoment-là, àl’autre boutdeParis, Marcel etJosiane seregardent en
silence devantleurtransistor allumé.Ilsont compris.
Josianedit :« Vas-y toutdesuite, celavaudra mieuxpournous. ».
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