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imiterait platement sans se rendre compte qu'elles peuvent décider de faire demi-tour, le croiser, l'obliger à continuer à perte de vue ou à se démasquer.

Publié le 05/11/2013

Extrait du document

imiterait platement sans se rendre compte qu'elles peuvent décider de faire demi-tour, le croiser, l'obliger à continuer à perte de vue ou à se démasquer. Fouquet ne veut pas s'aventurer en rase campagne, risquer de se retrouver avec ces filles dans ce désert de sable. À la tactique de mouvement, il substitue une tactique de position, s'installant à la terrasse du « Rayon vert », petit bar entrouvert dans la façade du casino, comme si cette longue marche n'avait eu d'autre but que de contempler le large en buvant un verre. Jusqu'ici il a été parfait, laissant tout voir de son jeu, sans que rien puisse être retenu comme un aveu ; il a seulement provoqué des coïncidences. Il ne se sent que trop bien doué pour ces manoeuvres réduites à l'esquisse et à l'esquive, où les intentions épuisent toute l'action, où il n'est de vérité que dans l'interprétation des événements. De sa place, il commande la plage et pourra les voir revenir, scrutant l'espace, presque inquiètes. Du moins rien ne l'empêchera-t-il de le supposer. Le barman, qui est probablement le patron, parle lui aussi de la pluie et du beau temps. -- Ne vous laissez pas décourager, lui dit-il, il y a des années où nous avons des week-ends jusqu'en novembre. C'est la tempête de ces derniers jours qui les aura arrêtés ; le commerce pâtit ; pour nous, le temps, c'est vraiment de l'argent. Ma femme s'occupe en été du village de toiles. Vous ne pouvez imaginer combien tous ces touristes anglais assassinés dans leurs roulottes individuelles nous ont fait du bien... Fouquet a demandé du whisky, obligé par le piètre décor où des bouées de sauvetage évoquent moins l'escale que le secours aux noyés. Cette boisson de chasseur le stimule ; il l'avale d'une traite car, déjà, les filles sont sur le retour. Il faut qu'il se soit mis en route avant qu'elles aient repris pied sur la digue ; alors, trois éventualités d'itinéraires s'offriront à elles, il aura emprunté l'un d'entre eux, le choix leur appartiendra de continuer le jeu ou de le rompre. Une bête bien dominée devrait suivre sans difficultés. Fouquet, qui a pris par la rue Hammerless-Dillon, invente une nouvelle façon de marcher, rapide, mais qui ne progresse pas, indifférente, mais chargée de fluides, figure entraînante du ballet rural qu'il essaye d'enchaîner. Devant le bureau de tabac, qui peut lui servir de caisson de retraite, il essayera de savoir si elles ont mordu. Elles mordent. Il n'a plus qu'à remonter à son gré jusqu'à la place du 25-Juillet, jouissant de sentir au bout de sa ligne ces captives qui épousent désormais étroitement son sillage. L'embarras ne viendra que peu à peu. Devant le Stella, Fouquet tente une opération de grande envergure : il les laisse se rapprocher, puis il pénètre dans l'hôtel. Ainsi pourront-elles le situer dans l'avenir, rôder dans les parages si l'esprit leur en dit. L'absence de Quentin à la réception lui permet de bondir en coup de vent dans sa chambre, claquer la porte, ouvrir la fenêtre : c'est donner son adresse. L'ont-elles remarqué ? Elles plaisantent avec le gendarme, pour gagner du temps sans doute ou camoufler leur désarroi. Fouquet peut-il envisager de ressortir aussi vite ? Et pour quoi faire dans le fond ?... Le temps qu'il redescende, elles se sont éclipsées ; le gendarme a recroisé ses bras de sémaphore ; il semble qu'il ne se soit rien passé ; il ne s'est rien passé ; la vie est calme ; Fouquet éprouve d'abord un soulagement, comme à l'atterrissage, lorsque le moteur de l'avion s'arrête de tourner. Son coeur s'est tu.   « Clausewitz a néanmoins gagné cette bataille de rues », se disait Fouquet qui arpentait Tigreville dans le soir tombant, fouillant du regard chaque perspective, sans passion aucune, plutôt par bonne conscience et avec l'intérêt refroidi d'un fantassin chargé de « nettoyer » un quartier. Tout valait mieux que de se retrouver seul à l'hôtel ou pire encore : d'assister à la soirée des garagistes de Domfront. Les globes électriques s'étaient allumés, appelant sur les trottoirs de petits groupes d'individus, pressés d'avaler une dernière gorgée d'air en société. Fouquet remontait de l'un à l'autre, trompé sur les silhouettes et les couleurs par des effets de lumière. Quelques magasins d'alimentation avaient rouvert. Il faillit ne pas voir les deux filles qui sortaient de la boulangerie avec de gros pains sous le bras, même la plus jolie, qui y perdait un peu de prestige, mais gagnait en humanité. Il ne fut pas sans constater combien leur allure était différente, loyale et brouillonne, quand elles ne se savaient pas observées et il ne douta plus qu'il eût été remarqué durant toute la journée. Aux abords du marché, elles furent arrêtées par quelques jeunes gens de leur âge et de leur condition, joueurs de football vraisemblablement, vêtus avec beaucoup d'intention. Dans ces provinces sommeillantes, c'est par la jeunesse que la mode s'introduit ; 'enfance, semblable à elle-même sous tous les cieux, les rattache au monde. Les filles se mêlèrent aux sportifs ans contrainte et Fouquet s'en trouva piqué. Ayant commis l'imprudence de se découvrir en poursuivant sur sa lancée, il fut obligé de les frôler pour 'avoir pas l'air de les éviter. À l'abri des garçons, ces yeux qu'il n'avait pu réussir à croiser jusqu'ici le évisageaient maintenant carrément, lâchement, narquoisement. Pour se donner une contenance, il n'eut 'autre ressource que de se replier sur le bistrot d'Esnault, réflexe paniqué qu'il regretta aussitôt. Sans doute y erait-il retourné une fois ou l'autre pour se prouver qu'il était un homme, ce qui n'était peut-être pas la bonne anière selon que l'on considérait la question sous l'angle de la timidité ou sous celui du caractère, mais de oute façon il eût préféré qu'un peu de temps épongeât le souvenir. Il glissait le long de la devanture quand il aperçut Quentin. Debout contre le comptoir, il parlait avec Esnault u'il dominait de tout son poids, les mains écrasées sur le zinc où elles délimitaient un grand espace vide. Il n'y avait pas de verre devant les deux hommes, rien qu'une serpillière jetée entre eux comme un défi. La salle, sous es dehors absorbés, essayait de capter les propos qui s'échangeaient à voix penchées, joute où s'opposaient le sang-froid et la ruse. Sans trop savoir pourquoi, Fouquet eut l'intuition qu'il était préférable de ne pas rentrer et, ris entre deux feux, s'enfonça dans une ruelle plus sombre. Si les filles le regardaient encore, elles devaient omprendre que son indifférence à leur endroit n'était plus affectée. Ne sachant où aller, il se reprit à faire machinalement une partie du trajet de l'après-midi, étranger soudain à ette ville où il croyait avoir fixé des jalons, échappé du filet des habitudes où il s'était si bien laissé envelopper. a présence à Tigreville n'avait aucun sens en dehors d'une vie disciplinée ; elle ne se justifiait que par une lente convalescence dans l'ombre de la petite Marie, qu'il devait pousser le plus loin possible. Il était arrivé en vue de l'église, où souvent s'élevaient des murmures d'harmonium tandis que des formes 'infiltraient par-derrière, les bras jonchés de fleurs, et que certains vitraux s'enflammaient. Ce soir-là, les portes taient fermées, la place silencieuse, et il en eut de la déception. Seul le bazar de Landru était encore faiblement clairé. Dans le contre-jour, il l'apercevait parmi ses mannequins de carton pendus au plafond dans leurs robes e toile, occupé à quel sinistre recensement, où la naine, que le chandail lui avait remise en mémoire, avait robablement sa place. Hésitant à se faire voir, il enfila la rue aux Moules dans la direction du Stella. Quentin n'était pas rentré. Mme Quentin, qu'il croisa dans le vestibule, lui demanda s'il n'avait pas rencontré on mari en ville. Fouquet répondit évasivement. Il ne se sentait pas tout à fait tranquille lui non plus et, la uriosité aidant, sous un prétexte d'étourderie, il ressortit immédiatement pour tâcher de deviner où en était la onversation chez Esnault. Quentin n'était plus là. Une atmosphère détendue régnait autour des panneaux où étaient affichés les ésultats des Francs-tireurs tigervillois. Le champ était libre. Fouquet le ressentit si fortement qu'il ne put se retenir de pousser la porte. Une sorte d'étonnement un peu contrarié se peignit sur le visage d'Esnault. Il traversa la salle où deux consommateurs le saluèrent d'un signe de tête, qui n'éveilla nul écho en lui. -- Eh bien, mon vieux, tu tenais une tuberculose carabinée hier soir..., ça va mieux ? On le tutoyait donc ; parfait ! Après un mouvement de recul, il se dit qu'au fond, il y avait longtemps que ça ne lui était pas arrivé et que ça faisait du bien. Peut-être avait-il tort de grossir démesurément « cette chose » qui 'était produite la veille. À travers les glaces, il revoyait les amoureux commencer leur manège, auxquels 'étaient jointes sans doute les deux filles du Chemin Grattepain, mais il se sentait hors du coup, du côté où l'on ûrit chaleureusement les grands problèmes et où l'on va par son sentier propre jusqu'au fond des choses. -- Qu'est-ce que je te sers ?... Un Picon-bière comme cette nuit ? Un rire provocant soulignait l'offre. Fouquet réprima un frisson, mais releva le défi : -- Du même, comme toujours ! répondit-il, un Picon-bière... -- Tu vas te rendre malade, dit sournoisement Esnault en ouvrant les bouteilles, et c'est encore moi qui vais e faire gronder. L'ennuyeux, c'est que Fouquet ne savait pas s'il devait tutoyer. -- J'ai reçu la visite de Quentin, ajouta Esnault comme s'il n'y attachait aucune importance. À ce que je vois, u n'as pas encore gagné ton pari... -- Mon pari ? -- Tu as juré que tu parviendrais à lui refaire boire le coup avec toi. Tu disais : « Les gros fauves de cette spèce-là sont jugés du premier coup d'oeil ; je les châtie d'abord au Martini-gin ; ensuite, je les fais venir sur 'étoffe en liant cinq ou six passes de je ne sais plus quoi au mandarin-eu et, tout de suite, une estocade entière u calvados... » Alors ? -- C'est vrai, dit un individu, j'étais là... Il était là celui-là, avec son sourire crénelé par les chicots. Et la grosse Simone aussi, qui roulait des yeux ouillés de milliardaire américaine à qui Dominguin vient de dédier son prochain taureau. -- De plus forts s'y sont cassé les dents, souligna le tondeur de pelouse que Fouquet avait aperçu le matin ans le Chemin Grattepain, et qui était peut-être le père des deux filles. Fouquet flaira la méchante passion où commençait de s'exalter la fermentation collective. On l'attendait au uitième travail d'Hercule, à la corrida champêtre avec matador venu de l'extérieur, à l'affiche : Thésée contre inotaure. Ce bourg pourrissant manquait de distractions. « Je suis un salaud », pensa-t-il. Et pourtant, d'où enait qu'il ne repoussât pas entièrement la gageure et qu'il sentît obscurément que sa perversité jouait un rôle écessaire dans la fatalité de Quentin ? -- Qu'est-ce qu'il est venu vous dire ? -- Que tu avais été souffrant.

« avait pasdeverre devant lesdeux hommes, rienqu’une serpillière jetéeentre euxcomme undéfi.

Lasalle, sous des dehors absorbés, essayaitdecapter lespropos quis’échangeaient àvoix penchées, jouteoùs’opposaient le sang-froid etlaruse.

Sanstropsavoir pourquoi, Fouqueteutl’intuition qu’ilétait préférable dene pas rentrer et, pris entre deuxfeux, s’enfonça dansuneruelle plussombre.

Siles filles leregardaient encore,ellesdevaient comprendre quesonindifférence àleur endroit n’étaitplusaffectée. Ne sachant oùaller, ilse reprit àfaire machinalement unepartie dutrajet del’après-midi, étrangersoudainà cette villeoùilcroyait avoirfixédesjalons, échappé dufilet deshabitudes oùils’était sibien laissé envelopper. Sa présence àTigreville n’avaitaucunsensendehors d’uneviedisciplinée ; ellenesejustifiait queparune lente convalescence dansl’ombre delapetite Marie, qu’ildevait pousser leplus loinpossible. Il était arrivé envue del’église, oùsouvent s’élevaient desmurmures d’harmonium tandisquedesformes s’infiltraient par-derrière, lesbras jonchés defleurs, etque certains vitrauxs’enflammaient.

Cesoir-là, lesportes étaient fermées, laplace silencieuse, etilen eut deladéception.

Seullebazar deLandru étaitencore faiblement éclairé.

Danslecontre-jour, ill’apercevait parmisesmannequins decarton pendus auplafond dansleurs robes de toile, occupé àquel sinistre recensement, oùlanaine, quelechandail luiavait remise enmémoire, avait probablement saplace.

Hésitant àse faire voir,ilenfila larue aux Moules dansladirection duStella. Quentin n’étaitpasrentré.

Mme  Quentin, qu’ilcroisa danslevestibule, luidemanda s’iln’avait pasrencontré son mari enville.

Fouquet répondit évasivement.

Ilne sesentait pastout àfait tranquille luinon plus et,la curiosité aidant,sousunprétexte d’étourderie, ilressortit immédiatement pourtâcher dedeviner oùenétait la conversation chezEsnault. Quentin n’étaitpluslà.Une atmosphère détenduerégnaitautourdespanneaux oùétaient affichés les résultats desFrancs-tireurs tigervillois.Lechamp étaitlibre.

Fouquet leressentit sifortement qu’ilneput se retenir depousser laporte.

Unesorte d’étonnement unpeu contrarié sepeignit surlevisage d’Esnault.

Il traversa lasalle oùdeux consommateurs lesaluèrent d’unsigne detête, quin’éveilla nulécho enlui. — Eh bien,monvieux, tutenais unetuberculose carabinéehiersoir…, çava mieux ? On letutoyait donc ;parfait ! Aprèsunmouvement derecul, ilse dit qu’au fond,ilyavait longtemps queça ne lui était pasarrivé etque çafaisait dubien.

Peut-être avait-iltortdegrossir démesurément « cettechose » qui s’était produite laveille.

Àtravers lesglaces, ilrevoyait lesamoureux commencer leurmanège, auxquels s’étaient jointessansdoute lesdeux fillesduChemin Grattepain, maisilse sentait horsducoup, ducôté oùl’on mûrit chaleureusement lesgrands problèmes etoù l’on vapar son sentier proprejusqu’au fonddeschoses. — Qu’est-ce quejete sers ?… UnPicon-bière commecettenuit ? Un rire provocant soulignaitl’offre.Fouquet réprimaunfrisson, maisreleva ledéfi : — Du même, comme toujours ! répondit-il, unPicon-bière… — Tu vasterendre malade, ditsournoisement Esnaultenouvrant lesbouteilles, etc’est encore moiquivais me faire gronder. L’ennuyeux, c’estqueFouquet nesavait pass’ildevait tutoyer. — J’ai reçulavisite deQuentin, ajoutaEsnault commes’iln’y attachait aucuneimportance.

Àce que jevois, tu n’as pasencore gagnétonpari… — Mon pari ? — Tu asjuré quetuparviendrais àlui refaire boirelecoup avectoi.Tudisais : « Lesgrosfauves decette espèce-là sontjugés dupremier coupd’œil ; jeles châtie d’abord auMartini-gin ; ensuite,jeles fais venir sur l’étoffe enliant cinqousix passes dejene sais plus quoi aumandarin-eu et,tout desuite, uneestocade entière au calvados… » Alors ? — C’est vrai,ditunindividu, j’étaislà… Il était làcelui-là, avecsonsourire crénelé parleschicots.

Etlagrosse Simone aussi,quiroulait desyeux mouillés demilliardaire américaineàqui Dominguin vientdedédier sonprochain taureau. — De plusforts s’ysont cassé lesdents, souligna letondeur depelouse queFouquet avaitaperçu lematin dans leChemin Grattepain, etqui était peut-être lepère desdeux filles. Fouquet flairalaméchante passionoùcommençait des’exalter lafermentation collective.Onl’attendait au huitième travaild’Hercule, àlacorrida champêtre avecmatador venudel’extérieur, àl’affiche : Théséecontre Minotaure.

Cebourg pourrissant manquaitdedistractions.

« Jesuisunsalaud », pensa-t-il.

Etpourtant, d’où venait qu’ilnerepoussât pasentièrement lagageure etqu’il sentît obscurément quesaperversité jouaitunrôle nécessaire danslafatalité deQuentin ? — Qu’est-ce qu’ilestvenu vousdire ? — Que tuavais étésouffrant.. »

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