Devoir de Philosophie

    Le mythe de Sisyphe.

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

sisyphe
    Le mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde. (1942)   APPENDICE   L'ESPOIR ET L'ABSURDE DANS L'OEUVRE DE FRANZ KAFKA             Retour à la table des matières L'étude sur Franz Kafka que nous publions en appendice a été remplacée dans la première édition du Mythe de Sisyphe par le chapitre sur Dostoievsky et le Suicide. Elle a été publiée cependant par la revue L'Arbalète en 1943. On y retrouvera, sous une autre perspective, la critique de la création absurde que les pages sur ostoievsky avaient déjà engagée. (Note de l'éditeur.)                     Tout l'art de Kafka est d'obliger le lecteur à relire. Ses dénouements, ou ses absences de dénouement, uggèrent des explications, mais qui ne sont pas révélées en clair et qui exigent, pour apparaître fondées, que l'histoire soit relue sous un nouvel angle. Quelquefois, il y a une double possibilité d'interprétation, d'où apparaît la nécessité de deux lectures. C'est ce que cherchait l'auteur. Mais on aurait tort de vouloir tout interpréter dans le détail chez Kafka. Un symbole est toujours dans le général et, si précise que soit sa traduction, un artiste ne peut y restituer que le mouvement : il n'y a pas de mot à mot. Au reste, rien n'est plus difficile à entendre, qu'une oeuvre symbolique. Un symbole dépasse toujours celui qui en use et lui fait dire en réalité plus qu'il n'a conscience d'exprimer. A cet égard, le plus sûr moyen de s'en saisir, c'est de ne pas le provoquer, d'entamer l'oeuvre avec un esprit non concerté et de ne pas chercher ses courants secrets. Pour Kafka, en particulier, il est honnête de consentir à son jeu, d'aborder le drame par l'apparence et le roman par la forme. À première vue, et pour un lecteur détaché, ce sont des aventures inquiétantes qui enlèvent des personnages tremblants et entêtés à la poursuite de problèmes qu'ils ne formulent jamais. Dans Le Procès, Joseph K... est accusé. Mais il ne sait pas de quoi. Il tient sans doute à se défendre, mais il ignore pourquoi. Les avocats trouvent sa cause difficile. Entre-temps, il ne néglige pas, d'aimer, de se nourrir ou de lire son journal. Puis il est jugé. Mais la salle du tribunal est très sombre. Il ne comprend pas grandchose. Il suppose seulement qu'il est condamné, mais à quoi, il se le demande à peine. Il en doute quelquefois aussi bien et il continue à vivre. Longtemps après, deux messieurs bien habillés et polis viennent le trouver et l'invitent à les suivre. Avec la plus grande courtoisie, ils le mènent dans une banlieue désespérée, lui mettent la tête sur une pierre et l'égorgent. Avant de mourir, le condamné dit seulement : « comme un chien «. On voit qu'il est difficile de parler de symbole, dans un récit où la qualité la plus sensible se trouve être justement le naturel. Mais le naturel est une catégorie difficile à comprendre. Il y a des oeuvres où l'événement semble naturel au lecteur. Mais il en est d'autres (plus rares, il est vrai) où c'est le personnage qui trouve naturel ce qui lui arrive. Par un paradoxe singulier mais évident, plus les aventures du personnage seront extraordinaires, et plus le naturel du récit se fera sensible : il est proportionnel à l'écart qu'on peut sentir entre l'étrangeté d'une vie d'homme et la simplicité avec quoi cet homme l'accepte. Il semble que ce naturel soit celui de Kafka. Et justement, on sent bien ce que Le Procès veut dire. On a parlé d'une image de la condition humaine. Sans doute. Mais c'est à la lois plus simple et plus ompliqué. Je veux dire que le sens du roman est plus particulier et plus personnel à Kafka. Dans une ertaine mesure, c'est lui qui parle, si c'est nous qu'il confesse. Il vit et il est condamné. Il l'apprend aux remières pages du roman qu'il poursuit en ce monde et s'il essaie d'y remédier, c'est toutefois sans urprise. Il ne s'étonnera jamais assez de ce manque d'étonnement. C'est à ces contradictions qu'on econnaît les premiers signes de l'oeuvre absurde. L'esprit projette dans le concret sa tragédie
sisyphe

«                     Tout l'artdeKafka estd'obliger lelecteur àrelire.

Sesdénouements, ouses absences dedénouement, suggèrent desexplications, maisquinesont pasrévélées enclair etqui exigent, pourapparaître fondées, que l'histoire soitrelue sousunnouvel angle.Quelquefois, ilyaune double possibilité d'interprétation, d'où apparaît lanécessité dedeux lectures.

C'estceque cherchait l'auteur.Maisonaurait tortdevouloir tout interpréter dansledétail chezKafka.

Unsymbole esttoujours danslegénéral et,siprécise quesoit sa traduction, unartiste nepeut yrestituer quelemouvement : iln'y apas demot àmot.

Aureste, rien n'est plusdifficile àentendre, qu'uneœuvresymbolique.

Unsymbole dépassetoujours celuiquienuse et lui fait dire enréalité plusqu'il n'aconscience d'exprimer.

Acet égard, leplus sûrmoyen des'en saisir, c'est denepas leprovoquer, d'entamerl'œuvreavecunesprit nonconcerté etde nepas chercher ses courants secrets.PourKafka, enparticulier, ilest honnête deconsentir àson jeu, d'aborder ledrame par l'apparence etleroman parlaforme. À première vue,etpour unlecteur détaché, cesont desaventures inquiétantes quienlèvent des personnages tremblantsetentêtés àla poursuite deproblèmes qu'ilsneformulent jamais.Dans Le Procès, Joseph K...est accusé.

Maisilne sait pasdequoi.

Iltient sansdoute àse défendre, maisilignore pourquoi.

Lesavocats trouvent sacause difficile.

Entre-temps, ilne néglige pas,d'aimer, desenourrir ou de lire sonjournal.

Puisilest jugé.

Maislasalle dutribunal esttrès sombre.

Ilne comprend pasgrand- chose.

Ilsuppose seulement qu'ilestcondamné, maisàquoi, ilse ledemande àpeine.

Ilen doute quelquefois aussibienetilcontinue àvivre.

Longtemps après,deuxmessieurs bienhabillés etpolis viennent letrouver etl'invitent àles suivre.

Aveclaplus grande courtoisie, ilslemènent dansunebanlieue désespérée, luimettent latête surune pierre etl'égorgent.

Avantdemourir, lecondamné ditseulement : « comme unchien ». On voit qu'il estdifficile deparler desymbole, dansunrécit oùlaqualité laplus sensible setrouve être justement lenaturel.

Maislenaturel estune catégorie difficileàcomprendre.

Ilyades œuvres où l'événement semblenaturel aulecteur.

Maisilen est d'autres (plusrares, ilest vrai) oùc'est le personnage quitrouve naturel cequi luiarrive.

Parunparadoxe singuliermaisévident, pluslesaventures du personnage serontextraordinaires, etplus lenaturel durécit sefera sensible : ilest proportionnel à l'écart qu'onpeutsentir entrel'étrangeté d'unevied'homme etlasimplicité avecquoicethomme l'accepte.

Ilsemble quecenaturel soitcelui deKafka.

Etjustement, onsent bienceque Le Procès veut dire.

Onaparlé d'une image delacondition humaine.Sansdoute.

Maisc'est àla lois plus simple etplus compliqué.

Jeveux direquelesens duroman estplus particulier etplus personnel àKafka.

Dansune certaine mesure,c'estluiqui parle, sic'est nousqu'ilconfesse.

Ilvit etilest condamné.

Ill'apprend aux premières pagesduroman qu'ilpoursuit encemonde ets'il essaie d'yremédier, c'esttoutefois sans surprise.

Ilne s'étonnera jamaisassezdecemanque d'étonnement.

C'estàces contradictions qu'on reconnaît lespremiers signesdel'œuvre absurde.

L'espritprojette dansleconcret satragédie. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles