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Robinson !

Publié le 31/10/2013

Extrait du document

Robinson !... Robinson Léon ! -- C'est maintenant ou jamais qu'il faut que tu les mettes, que je me suis dit !... Pas vrai ? J'ai donc pris par le long d'un petit bois et puis là, figure-toi, que l'ai rencontré notre capitaine... Il était appuyé à un arbre, bien amoché le piton !... En train de crever qu'il était... Il se tenait la culotte à deux mains, à cracher... Il saignait de partout en roulant des yeux... Y avait personne avec lui. Il avait son compte... « Maman ! maman ! « qu'il pleurnichait tout n crevant et en pissant du sang aussi... Finis ça ! que je lui dis. Maman ! Elle t'emmerde ! «... Comme ça, dis donc, en passant !... Sur le coin de la ueule !... Tu parles si ça a dû le faire jouir la vache !... Hein, vieux !... C'est pas souvent, hein, qu'on peut lui dire ce qu'on ense, au capitaine... Faut en profiter. C'est rare !... Et pour foutre le camp plus vite, j'ai laissé tomber le barda et puis les rmes aussi... Dans une mare à canards qui était là à côté... Figure-toi que moi, comme tu me vois, j'ai envie de tuer personne, j'ai pas appris... J'aimais déjà pas les histoires de bagarre, déjà en temps de paix... Je m'en allais... Alors tu te ends compte ?... Dans le civil, j'ai essayé d'aller en usine régulièrement... J'étais même un peu graveur, mais j'aimais pas a, à cause des disputes, j'aimais mieux vendre les journaux du soir et dans un quartier tranquille où j'étais connu, autour e la Banque de France... Place des Victoires si tu veux savoir... Rue des Petits-Champs... C'était mon lot... J'dépassais jamais la rue du Louvre et le Palais-Royal d'un côté, tu vois d'ici... Je faisais le matin des commissions pour les ommerçants... Une livraison l'après-midi de temps en temps, je bricolais quoi... Un peu manoeuvre... Mais je veux pas d'armes moi !... Si les Allemands te voient avec des armes, hein? T'es bon ! Tandis que quand t'es en fantaisie, comme moi maintenant... Rien dans les mains... Rien dans les poches... Ils sentent qu'ils auront moins de mal à te faire prisonnier, tu comprends ? Ils savent à qui ils ont affaire... Si on pouvait arriver à poil aux Allemands, c'est ça qui vaudrait encore mieux... Comme un cheval ! Alors ils pourraient pas savoir de quelle armée qu'on est ?... -- C'est vrai ça ! Voyage au bout de la nuit Je me rendais compte que l'âge c'est quelque chose pour les idées. Ça rend pratique. -- C'est là qu'ils sont, hein ? Nous fixions et nous estimions ensemble nos chances et cherchions notre avenir comme aux cartes dans le grand plan lumineux que nous ffrait la ville en silence. On y va ? l s'agissait de passer la ligne du chemin de fer d'abord. S'il y avait des sentinelles, on serait visés. Peut-être pas. Fallait oir. Passer au-dessus ou en dessous par le tunnel. Faut nous dépêcher, qu'a ajouté ce Robinson... C'est la nuit qu'il faut faire ça, le jour, il y a plus d'amis, tout le monde ravaille pour la galerie, le jour, tu vois, même à la guerre c'est la foire... Tu prends ton canard avec toi ? J'emmenai le anard. Prudence pour filer plus vite si n était mal accueillis. Nous parvînmes au passage à niveau, levés ses grands bras rouge et blanc. J'en avais jamais vu non lus des barrières de cette forme-là. Y en avait pas des comme ça aux environs de Paris. Tu crois qu'ils sont déjà entrés dans la ville, toi? C'est sûr ! qu'il a dit... Avance toujours !... n était à présent forcés d'être aussi braves que des raves, à cause du cheval qui avançait tranquillement errière nous, comme s'il nous poussait avec son bruit, on n'entendait que lui. Toc ! et toc ! avec ses fers. Il cognait en lein dans l'écho, comme si de rien n'était. e Robinson comptait donc sur la nuit pour nous sortir de là ?... On allait au pas tous les deux au milieu de la rue vide, ans ruse du tout, au pas cadencé encore, comme à 'exercice. l avait raison, Robinson, le jour était impitoyable, de la terre au ciel. Tels que nous allions sur la chaussée, on devait avoir 'air bien inoffensifs tous les deux toujours, bien naïfs même, comme si l'on rentrait de permission. « T'as entendu dire ue le Ier hussards a été fait prisonnier tout entier ?... dans Lille ?... Ils sont entrés comme ça, qu'on a dit, ils savaient pas, ein ! le colonel devant... Dans une rue principale mon ami ! Ça s'est refermé... Par-devant... Parderrière... Des Allemands artout !... Aux fenêtres !... Partout... Ça y était... Comme des rats qu'ils étaient faits !... Comme des rats ! Tu parles d'un ilon !... Ah ! les vaches !... Ah dis donc ! Ah dis donc !... On n'en revenait pas ous autres de cette admirable capture, si nette, si Voyage au bout de la nuit définitive... On en bavait. Les boutiques portaient toutes leurs volets clos, les pavillons d'habitation aussi, avec leur petit ardin par-devant, tout ça bien propre. Mais après la Faut nous dépêcher, qu'a ajouté ce Robinson... 'est la nuit qu'il faut faire ça, le jour, il y a plus d'amis, tout le monde travaille pour la galerie, le jour, tu vois, même à la guerre c'est la foire... Tu prends ton canard avec toi ? J'emmenai le canard. n a vu que l'un de ces pavillons, un peu plus blanc ue les autres, brillait de toutes ses lumières à toutes les fenêtres, au premier comme à l'entresol. On a été sonner à la orte. Notre cheval toujours derrière nous. Un homme épais et barbu nous ouvrit. « Je suis le Maire de Noirceur -- qu'il a nnoncé tout de suite, sans qu'on lui demande -- et j'attends les Allemands ! « Et il est sorti au clair de lune pour nous econnaître le Maire. Quand il s'aperçut que nous n'étions pas des Allemands nous, mais encore bien des Français, il ne ut plus si solennel, cordial seulement. Et puis gêné aussi. Évidemment, il ne nous attendait plus, nous venions un peu en ravers des dispositions qu'il avait dû prendre, des résolutions arrêtées. Les Allemands devaient entrer à oirceur cette nuit-là, il était prévenu et il avait tout réglé vec la Préfecture, leur colonel ici, leur ambulance là-bas, etc... Et s'ils entraient à présent ? Nous étant là ? Ça ferait ûrement des histoires ! Ça créerait sûrement des omplications... Cela il ne nous le dit pas nettement, mais on voyait bien qu'il y pensait. lors il se mit à nous parler de l'intérêt général, dans la nuit, là, dans le silence où nous étions perdus. Rien que de 'intérêt général... Des biens matériels de la communauté... Du patrimoine artistique de Noirceur, confié à sa charge, harge sacrée, s'il en était une... De l'église du XVe siècle notamment... S'ils allaient la brûler l'église du XVe ? Comme elle de Condé-sur-Yser à côté ! Hein ?... Par simple auvaise humeur... Par dépit de nous trouver là nous... Il nous fit ressentir toute la responsabilité que nous ncourions... Inconscients jeunes soldats que nous étions !... Les Allemands n'aimaient pas les villes louches où rôdaient ncore des militaires ennemis. C'était bien connu. endant qu'il nous parlait ainsi à mi-voix, sa femme et ses deux filles, grosses et appétissantes blondes, 'approuvaient fort, de-ci, de-là, d'un mot... On nous rejetait, en somme. Entre nous, flottaient les valeurs sentimentales t archéologiques, soudain fort vives, puisqu'il n'y avait plus personne à Noirceur dans la nuit pour les contester... atriotiques, morales, poussées par des mots, fantômes qu'il essayait de rattraper, le Maire, mais qui s'estompaient ussitôt vaincus par notre peur et notre égoïsme à nous et

« guerre c’estlafoire...

Tuprends toncanard avectoi?J’emmenai lecanard. On avu que l’undeces pavillons, unpeu plus blanc que lesautres, brillaitdetoutes seslumières àtoutes lesfenêtres, aupremier commeàl’entresol.

Onaété sonner àla porte.

Notrecheval toujours derrièrenous.Unhomme épaisetbarbu nousouvrit.

«Je suis leMaire deNoirceur —qu’il a annoncé toutdesuite, sansqu’on luidemande —etj’attends lesAllemands !» Et ilest sorti auclair delune pour nous reconnaître leMaire.

Quand ils’aperçut quenous n’étions pasdes Allemands nous,maisencore biendesFrançais, ilne fut plus sisolennel, cordialseulement.

Etpuis gêné aussi.

Évidemment, ilne nous attendait plus,nous venions unpeu en travers desdispositions qu’ilavait dûprendre, desrésolutions arrêtées.LesAllemands devaiententrerà Noirceur cettenuit-là, ilétait prévenu etilavait toutréglé avec laPréfecture, leurcolonel ici,leur ambulance là-bas,etc...Ets’ils entraient àprésent ?Nous étant là?Ça ferait sûrement deshistoires !Ça créerait sûrement des complications...

Celailne nous ledit pas nettement, maisonvoyait bienqu’ilypensait. Alors ilse mit ànous parler del’intérêt général, danslanuit, là,dans lesilence oùnous étions perdus.

Rienquede l’intérêt général...

Desbiens matériels delacommunauté...

Dupatrimoine artistiquedeNoirceur, confiéàsa charge, charge sacrée, s’ilenétait une...

Del’église duXVe siècle notamment...

S’ilsallaient labrûler l’église duXVe ?Comme celle deCondé-sur-Yser àcôté !Hein ?...Par simple mauvaise humeur...

Pardépit denous trouver lànous...

Ilnous fitressentir toutelaresponsabilité quenous encourions...

Inconscientsjeunessoldats quenous étions !...Les Allemands n’aimaient paslesvilles louches oùrôdaient encore desmilitaires ennemis.C’étaitbienconnu. Pendant qu’ilnous parlait ainsiàmi-voix, safemme etses deux filles, grosses etappétissantes blondes, l’approuvaient fort,de-ci, de-là, d’unmot...

Onnous rejetait, ensomme.

Entrenous, flottaient lesvaleurs sentimentales et archéologiques, soudainfortvives, puisqu’il n’yavait pluspersonne àNoirceur danslanuit pour lescontester... Patriotiques, morales,poussées pardes mots, fantômes qu’ilessayait derattraper, leMaire, maisquis’estompaient aussitôt vaincusparnotre peuretnotre égoïsme ànous et. »

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