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II Ma soeur, Mrs Joe Gargery, n'avait pas moins de vingt ans de plus que moi, et elle s'était fait une certaine réputation d'âme charitable auprès des voisins, en m'élevant, comme elle disait, « à la main ».

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

II Ma soeur, Mrs Joe Gargery, n'avait pas moins de vingt ans de plus que moi, et elle s'était fait une certaine réputation d'âme charitable auprès des voisins, en m'élevant, comme elle disait, « à la main ». Obligé à cette époque de trouver par moi-même la signification de ce mot, et sachant parfaitement qu'elle avait une main dure et lourde, que d'habitude elle laissait facilement retomber sur son mari et sur moi, je supposai que Joe Gargery était, lui aussi, élevé à la main. Ce n'était pas une femme bien avenante que ma soeur ; et j'ai toujours conservé l'impression qu'elle avait forcé par la main Joe Gargery à l'épouser. Joe Gargery était un bel homme ; des boucles couleur filasse encadraient sa figure douce et bonasse, et le bleu de ses yeux était si vague et si indécis, qu'on eût eu de la peine à définir l'endroit où le blanc lui cédait la place, car les deux nuances semblaient se fondre l'une dans l'autre. C'était un bon garçon, doux, obligeant, une bonne nature, un caractère facile, une sorte d'Hercule par sa force, et aussi par sa faiblesse. Ma soeur, Mrs Joe, avec des cheveux et des yeux noirs, avait une peau tellement rouge que je me demandais souvent si, peut-être, pour sa toilette, elle ne remplaçait pas le savon par une râpe à muscade. C'était une femme grande et osseuse ; elle ne quittait presque jamais un tablier de toile grossière, attaché par derrière à l'aide de deux cordons, et une bavette imperméable, toujours parsemée d'épingles et d'aiguilles. Ce tablier était la glorification de son mérite et un reproche perpétuellement suspendu sur la tête de Joe. Je n'ai jamais pu deviner pour quelle raison elle le portait, ni pourquoi, si elle voulait absolument le porter, elle ne l'aurait pas changé, au moins une fois par jour. La forge de Joe attenait à la maison, construite en bois, comme l'étaient à cette époque plus que la plupart des maisons de notre pays. Quand je rentrai du cimetière, la forge était fermée, et Joe était assis tout seul dans la cuisine. Joe et moi, nous étions compagnons de souffrances, et comme tels nous nous faisions des confidences ; aussi, à peine eus-je soulevé le loquet de la porte et l'eus-je aperçu dans le coin de la cheminée, qu'il me dit : « Mrs Joe est sortie douze fois pour te chercher, mon petit Pip ; et elle est maintenant dehors une treizième fois pour compléter la douzaine de boulanger. - Vraiment ? - Oui, mon petit Pip, dit Joe ; et ce qu'il y a de pire pour toi, c'est qu'elle a pris Tickler avec elle. » À cette terrible nouvelle, je me mis à tortiller l'unique bouton de mon gilet et, d'un air abattu, je regardai le feu. Tickler était un jonc flexible, poli à son extrémité par de fréquentes collisions avec mon pauvre corps. « Elle se levait sans cesse, dit Joe ; elle parlait à Tickler, puis elle s'est précipitée dehors comme une furieuse. Oui, comme une furieuse », ajouta Joe en tisonnant le feu entre les barreaux de la grille avec le poker. - Y a-t-il longtemps qu'elle est sortie, Joe ? dis-je, car je le traitais toujours comme un enfant, et le considérais comme mon égal. - Hem ! dit Joe en regardant le coucou hollandais, il y a bien cinq minutes qu'elle est partie en fureur... mon petit Pip. Elle revient !... Cache-toi derrière la porte, mon petit Pip, et rabats l'essuie-mains sur toi. » Je suivis ce conseil. Ma soeur, Mrs Joe, entra en poussant la porte ouverte, et trouvant une certaine résistance elle en devina aussitôt la cause, et chargea Tickler de ses investigations. Elle finit, je lui servais souvent de projectile conjugal, par me jeter sur Joe, qui, heureux de cette circonstance, me fit passer sous la cheminée, et me protégea tranquillement avec ses longues jambes. « D'où viens-tu, petit singe ? dit Mrs Joe en frappant du pied. Dis-moi bien vite ce que tu as fait pour me donner ainsi de l'inquiétude et du tracas, sans cela je saurai bien t'attraper dans ce coin, quand vous seriez cinquante Pips et cinq cents Gargerys. - Je suis seulement allé jusqu'au cimetière, dis-je du fond de ma cachette en pleurant et en me grattant. - Au cimetière ? répéta ma soeur. Sans moi, il y a longtemps que tu y serais allé et que tu n'en serais pas revenu. Qui donc t'a élevé ? - C'est toi, dis-je. - Et pourquoi y es-tu allé ? Voilà ce que je voudrais savoir, s'écria ma soeur. - Je ne sais pas, dis-je à voix basse. - Je ne sais pas ! reprit ma soeur, je ne le ferai plus jamais ! Je connais cela. Je t'abandonnerai un de ces jours, moi qui n'ai jamais quitté ce tablier depuis que tu es au monde. C'est déjà bien assez d'être la femme d'un forgeron, et d'un Gargery encore, sans être ta mère ! » Mes pensées s'écartèrent du sujet dont il était question, car en regardant le feu d'un air inconsolable, je vis paraître, dans les charbons vengeurs, le fugitif des marais, avec sa jambe ferrée, le mystérieux jeune homme, la lime, les vivres, et le terrible engagement que j'avais pris de commettre un larcin sous ce toit hospitalier. « Ah ! dit Mrs Joe en remettant Tickler à sa place. Au cimetière, c'est bien cela ! C'est bien à vous qu'il appartient de parler de cimetière. Pas un de nous, entre parenthèses, n'avait soufflé un mot de cela. Vous pouvez vous en vanter tous les deux, vous m'y conduirez un de ces jours, au cimetière. Ah ! quel j... o... l... i c... o... u... p... l... e vous ferez sans moi ! » Pendant qu'elle s'occupait à préparer le thé, Joe tournait sur moi des yeux interrogateurs, comme pour me demander si je prévoyais quelle sorte de couple nous pourrions bien faire à nous deux, si le malheur prédit arrivait. Puis il passa sa main gauche sur ses favoris, en suivant de ses gros yeux bleus les mouvements de Mrs Joe, comme il faisait toujours par les temps d'orage. Ma soeur avait adopté un moyen de nous préparer nos tartines de beurre, qui ne variait jamais. Elle appuyait d'abord vigoureusement et longuement avec sa main gauche, le pain sur la poitrine, où il ne manquait pas de ramasser sur la bavette, tantôt une épingle, tantôt une aiguille, qui se retrouvait bientôt dans la bouche de l'un de nous. Elle prenait ensuite un peu (très peu de beurre) à la pointe d'un couteau, et l'étalait sur le pain de la même manière qu'un apothicaire prépare un emplâtre, se servant des deux côtés du couteau avec dextérité, et ayant soin de ramasser ce qui dépassait le bord de la croûte. Puis elle donnait le dernier coup de couteau sur le bord de l'emplâtre, et elle tranchait une épaisse tartine de pain que, finalement, elle séparait en deux moitiés, l'une pour Joe, l'autre pour moi. Ce jour-là, j'avais faim, et malgré cela je n'osai pas manger ma tartine. Je sentais que j'avais à réserver quelque chose pour ma terrible connaissance et son allié, plus terrible encore, le jeune homme mystérieux. Je savais que Mrs Joe dirigeait sa maison avec la plus stricte économie, et que mes recherches dans le garde-manger pourraient bien être infructueuses. Je me décidai donc à cacher ma tartine dans l'une des jambes de mon pantalon. L'effort de résolution nécessaire à l'accomplissement de ce projet me paraissait terrible. Il produisait sur mon imagination le même effet que si j'eusse dû me précipiter d'une haute maison, ou dans une eau très profonde, et il me devenait d'autant plus difficile de m'y résoudre finalement, que Joe ignorait tout. Dans l'espèce de franc-maçonnerie, déjà mentionnée par moi, qui nous unissait comme compagnons des mêmes souffrances, et dans la camaraderie bienveillante de Joe pour moi, nous avions coutume de comparer nos tartines, à mesure que nous y faisions des brèches, en les exposant à notre mutuelle admiration, comme pour stimuler notre ardeur. Ce soir-là, Joe m'invita plusieurs fois à notre lutte amicale en me montrant les progrès que faisait la brèche ouverte dans sa tartine ; mais, chaque fois, il me trouva avec ma tasse de thé sur un genou et ma tartine intacte sur l'autre. Enfin, je considérai que le sacrifice était inévitable, je devais le faire de la manière la moins extraordinaire et la plus compatible avec les circonstances. Profitant donc d'un moment où Joe avait les yeux tournés, je fourrai ma tartine dans une des jambes de mon pantalon. Joe paraissait évidemment mal à l'aise de ce qu'il supposait être un manque d'appétit, et il mordait tout pensif à même sa tartine des bouchées qu'il semblait avaler sans aucun plaisir. Il les tournait et retournait dans sa bouche plus longtemps que de coutume, et finissait par les avaler comme des pilules. Il allait saisir encore une fois, avec ses dents, le pain beurré et avait déjà ouvert une bouche d'une dimension fort raisonnable, lorsque, ses yeux tombant sur moi, il s'aperçut que ma tartine avait disparu. L'étonnement et la consternation avec lesquels Joe avait arrêté le pain sur le seuil de sa bouche et me regardait, étaient trop évidents pour échapper à l'observation de ma soeur. « Qu'y a-t-il encore ? dit-elle en posant sa tasse sur la table. - Oh ! oh ! murmurait Joe, en secouant la tête d'un air de sérieuse remontrance, mon petit Pip, mon camarade, tu te feras du mal, ça ne passera pas, tu n'as pas pu la mâcher, mon petit Pip, mon ami ! - Qu'est-ce qu'il y a encore, voyons ? répéta ma soeur avec plus d'aigreur que la première fois. - Si tu peux en faire remonter quelque parcelle, en toussant, mon petit Pip, fais-le, mon ami ! dit Joe. Certainement chacun mange comme il l'entend, mais encore, ta santé !... ta santé !... » À ce moment, ma soeur furieuse avait attrapé Joe par ses deux favoris et lui cognait la tête contre le mur, pendant qu'assis dans mon coin je les considérais d'un air vraiment piteux. « Maintenant, peut-être vas-tu me dire ce qu'il y a, gros niais que tu es ! » dit ma soeur hors d'haleine. Joe promena sur elle un regard désespéré, prit une bouchée désespérée, puis il me regarda de nouveau : « Tu sais, mon petit Pip, dit-il d'un ton solennel et confidentiel, comme si nous eussions été seuls, et en logeant sa dernière bouchée dans sa joue, tu sais que toi et moi sommes bons amis, et que je serais le dernier à faire aucun mauvais rapport contre toi ; mais faire un pareil coup... » Il éloigna sa chaise pour regarder le plancher entre lui et moi ; puis il reprit : « Avaler un pareil morceau d'un seul coup ! - Il a avalé tout son pain, n'est-ce pas ? s'écria ma soeur. - Tu sais, mon petit Pip, reprit Joe, en me regardant, sans faire la moindre attention à Mrs Joe, et ayant toujours sous la joue sa dernière bouchée, que j'ai avalé aussi, moi qui te parle... et souvent encore... quand j'avais ton âge, et j'ai vu bien des avaleurs, mais je n'ai jamais vu avaler comme toi, mon petit Pip, et je m'étonne que tu n'en sois pas mort ; c'est par une permission du bon Dieu ! » Ma soeur s'élança sur moi, me prit par les cheveux et m'adressa ces paroles terribles : « Arrive, mauvais garnement, qu'on te soigne ! » Quelque brute médicale avait, à cette époque, remis en vogue l'eau de goudron, comme un remède très efficace, et Mrs Joe en avait toujours dans son armoire une certaine provision, croyant qu'elle avait d'autant plus de vertu qu'elle était plus dégoûtante. Dans de meilleurs temps, un peu de cet élixir m'avait été administré comme un excellent fortifiant ; je craignis donc ce qui allait arriver, pressentant une nouvelle entrave à mes projets de sortie. Ce soir-là, l'urgence du cas demandait au moins une pinte de cette drogue. Mrs Joe me l'introduisit dans la gorge, pour mon plus grand bien, en me tenant la tête sous son bras, comme un tire-bottes tient une chaussure. Joe en fut quitte pour une demi-pinte, qu'il dut avaler, bon gré, mal gré, pendant qu'il était assis, mâchant tranquillement et méditant devant le feu, parce qu'il avait peut-être eu mal au coeur. Jugeant d'après moi, je puis dire qu'il y aurait eu mal après, s'il n'y avait eu mal avant. La conscience est une chose terrible, quand elle accuse, soit un homme, soit un enfant ; mais quand ce secret fardeau se trouve lié à un autre fardeau, enfoui dans les jambes d'un pantalon, c'est (je puis l'avouer) une grande punition. La pensée que j'allais commettre un crime en volant Mrs Joe, l'idée que je volerais Joe ne me serait jamais venue, car je n'avais jamais pensé qu'il eût aucun droit sur les ustensiles du ménage ; cette pensée, jointe à la nécessité dans laquelle je me trouvais de tenir sans relâche ma main sur ma tartine, pendant que j'étais assis ou que j'allais à la cuisine chercher quelque chose ou faire quelques petites commissions, me rendait presque fou. Alors, quand le vent des marais venait ranimer et faire briller le feu de la cheminée, il me semblait entendre au dehors la voix de l'homme à la jambe ferrée, qui m'avait fait jurer le secret, me criant qu'il ne pouvait ni ne voulait jeûner jusqu'au lendemain, mais qu'il lui fallait manger tout de suite. D'autres fois, je pensais que le jeune homme, qu'il était si difficile d'empêcher de plonger ses mains dans mes entrailles, pourrait bien céder à une impatience constitutionnelle, ou se tromper d'heure et se croire des droits à mon coeur et à mon foie ce soir même, au lieu de demain ! S'il est jamais arrivé à quelqu'un de sentir ses cheveux se dresser sur sa tête, ce doit être à moi. Mais peut-être cela n'est-il jamais arrivé à personne. C'était la veille de Noël, et j'étais chargé de remuer, avec une tige en cuivre, la pâte du pudding pour le lendemain, et cela de sept à huit heures, au coucou hollandais. J'essayai de m'acquitter de ce devoir sans me séparer de ma tartine, et cela me fit penser une fois de plus à l'homme chargé de fers, et j'éprouvai alors une certaine tendance à sortir la malheureuse tartine de mon pantalon, mais la chose était bien difficile. Heureusement, je parvins à me glisser jusqu'à ma petite chambre, où je déposai cette partie de ma conscience. « Écoute ! dis-je, quand j'eus fini avec le pudding, et que je revins prendre encore un peu de chaleur au coin de la cheminée avant qu'on ne m'envoyât coucher. Pourquoi tire-t-on ces grands coups de canon, Joe ? - Ah ! dit Joe, encore un forçat d'évadé ! - Qu'est-ce que cela veut dire, Joe ? » Mrs Joe, qui se chargeait toujours de donner des explications, répondit avec aigreur : « Échappé ! échappé !... » administrant ainsi la définition comme elle administrait l'eau de goudron. Tandis que Mrs Joe avait la tête penchée sur son ouvrage d'aiguille, je tâchai par des mouvements muets de mes lèvres de faire entendre à Joe cette question :

« – Et pourquoi yes-tu allé ? Voilàceque jevoudrais savoir,s’écriamasœur. – Je nesais pas, dis-je àvoix basse. – Je nesais pas ! reprit masœur, jene leferai plusjamais ! Jeconnais cela.Jet’abandonnerai undeces jours, moi qui n’ai jamais quittécetablier depuis quetues au monde.

C’estdéjàbien assez d’être lafemme d’unforgeron, etd’un Gargery encore,sansêtretamère ! » Mes pensées s’écartèrent dusujet dontilétait question, carenregardant lefeu d’un airinconsolable, jevis paraître, danslescharbons vengeurs, lefugitif desmarais, avecsajambe ferrée, lemystérieux jeunehomme, lalime, les vivres, etleterrible engagement quej’avais prisdecommettre unlarcin souscetoit hospitalier. « Ah ! ditMrs Joeenremettant Tickleràsa place.

Aucimetière, c’estbiencela ! C’estbienàvous qu’ilappartient de parler decimetière.

Pasundenous, entreparenthèses, n’avaitsoufflé unmot decela.

Vous pouvez vousenvanter tous lesdeux, vousm’yconduirez undeces jours, aucimetière.

Ah !quel j...o...

l...ic...

o...

u...p...l...evous ferez sans moi ! » Pendant qu’elles’occupait àpréparer lethé, Joetournait surmoi desyeux interrogateurs, commepourme demander sije prévoyais quellesortedecouple nouspourrions bienfaire ànous deux, sile malheur préditarrivait.

Puis il passa samain gauche surses favoris, ensuivant deses gros yeux bleus lesmouvements deMrs Joe,comme ilfaisait toujours parlestemps d’orage. Ma sœur avaitadopté unmoyen denous préparer nostartines debeurre, quinevariait jamais.

Elleappuyait d’abord vigoureusement etlonguement avecsamain gauche, lepain surlapoitrine, oùilne manquait pasderamasser sur labavette, tantôtuneépingle, tantôtuneaiguille, quiseretrouvait bientôtdanslabouche del’un denous.

Elle prenait ensuite unpeu (très peudebeurre) àla pointe d’uncouteau, etl’étalait surlepain delamême manière qu’un apothicaire prépareunemplâtre, seservant desdeux côtés ducouteau avecdextérité, etayant soinderamasser cequi dépassait lebord delacroûte.

Puiselledonnait ledernier coupdecouteau surlebord del’emplâtre, etelle tranchait une épaisse tartinedepain que, finalement, elleséparait endeux moitiés, l’unepourJoe,l’autre pourmoi. Ce jour-là, j’avaisfaim,etmalgré celajen’osai pasmanger matartine.

Jesentais quej’avais àréserver quelque chose pourmaterrible connaissance etson allié, plusterrible encore, lejeune homme mystérieux.

Jesavais queMrs Joe dirigeait samaison aveclaplus stricte économie, etque mes recherches danslegarde-manger pourraientbienêtre infructueuses.

Jeme décidai doncàcacher matartine dansl’une desjambes demon pantalon. L’effort derésolution nécessaire àl’accomplissement deceprojet meparaissait terrible.Ilproduisait surmon imagination lemême effetquesij’eusse dûme précipiter d’unehaute maison, oudans uneeautrès profonde, etilme devenait d’autantplusdifficile dem’y résoudre finalement, queJoeignorait tout.Dans l’espèce defranc-maçonnerie, déjà mentionnée parmoi, quinous unissait commecompagnons desmêmes souffrances, etdans lacamaraderie bienveillante deJoe pour moi,nous avions coutume decomparer nostartines, àmesure quenous yfaisions des brèches, enles exposant ànotre mutuelle admiration, commepourstimuler notreardeur.

Cesoir-là, Joem’invita plusieurs foisànotre lutteamicale enme montrant lesprogrès quefaisait labrèche ouverte danssatartine ; mais, chaque fois,ilme trouva avecmatasse dethé surungenou etma tartine intacte surl’autre.

Enfin,jeconsidérai quele sacrifice étaitinévitable, jedevais lefaire delamanière lamoins extraordinaire etlaplus compatible avecles circonstances.

Profitantdoncd’unmoment oùJoe avait lesyeux tournés, jefourrai matartine dansunedesjambes de mon pantalon. Joe paraissait évidemment malàl’aise decequ’il supposait êtreunmanque d’appétit, etilmordait toutpensif à même satartine desbouchées qu’ilsemblait avalersansaucun plaisir.

Illes tournait etretournait danssabouche plus longtemps quedecoutume, etfinissait parlesavaler comme despilules.

Ilallait saisir encore unefois, avec sesdents, le pain beurré etavait déjàouvert unebouche d’unedimension fortraisonnable, lorsque,sesyeux tombant surmoi, il s’aperçut quematartine avaitdisparu. L’étonnement etlaconsternation aveclesquels Joeavait arrêté lepain surleseuil desabouche etme regardait, étaient tropévidents pouréchapper àl’observation dema sœur. « Qu’y a-t-ilencore ? dit-elleenposant satasse surlatable. – Oh ! oh !murmurait Joe,ensecouant latête d’un airdesérieuse remontrance, monpetit Pip,mon camarade, tu te feras dumal, çane passera pas,tun’as paspulamâcher, monpetit Pip,mon ami ! – Qu’est-ce qu’ilya encore, voyons ? répétamasœur avecplusd’aigreur quelapremière fois. – Si tupeux enfaire remonter quelqueparcelle, entoussant, monpetit Pip,fais-le, monami ! ditJoe.

Certainement chacun mangecomme ill’entend, maisencore, tasanté !...

tasanté !... ». »

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