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« Le désespoir est la charité de l’enfer. Il sait tout, il peut tout, il veut tout. » Écrivait George Bernanos.

Publié le 21/09/2018

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Les deux auteurs ne s’arrêtent au simple constat d’un monde qui va mal. S’il y a des mémoires, il y a aussi des promesses. Chez Péguy, cela rayonne à travers l’importance qu’il accorde à l’espérance. Il s’agit de «la deuxième vertu » que l’on trouve dans le titre de son ouvrage. Il faut bien comprendre ici que l’espérance dépasse l’espoir, avec le fait d’attendre avec confiance. L’espérance, c’est mettre son espoir en Dieu, et croire que le Christ a déjà vaincu le mal, que la victoire est déjà assurée. Ce n’est pas pour ça qu’il faut arrêter de se battre, nous dit Péguy, à la manière des saints, mais il faut lutter dans l’espérance, en sachant que la Passion à déjà vaincu le mal. Dans Le porche du mystère de la deuxième vertu, Péguy fait parler Dieu, nous l’avons vu. Or Dieu est surpris par cette vertu. La foi et la charité, dit-il, peuvent se comprendre, mais l’espérance est la vertu la plus difficile à appliquer. Or, les français sont les plus remplis d’espérance, dit-il. Ce peuple a une grâce particulière à cet égard, ce qui lui vaut une si grande tendresse de Dieu : « Il faut, dit Dieu, qu’il y ait une accointance, qu’il se soit passé quelque chose / Entre ce royaume de France et cette petite Espérance. / Il y a là un secret. Ils y réussissent trop bien. » C’est un très beau message que délivre Péguy, tout n’est pas perdu pour le peuple français, s’il est capable d’espérer. Il est donc bien des promesses pour la France et pour le monde ! Péguy compare cette vertu à une petite fille innocente, gaie et pure. Ce texte un véritable hymne à l’espérance, qui nous montre à quel point la pensée de Péguy ne s’empêtre pas dans le constat stérile d’une humanité en perdition, mais que ce bilan est dépassé par la lumière de l’espérance. Cette lumière réside véritablement dans la foi profonde de l’auteur. Il place sa confiance en Dieu, et à ce titre ne perd jamais de vue l’ultime victoire qui a d’ores et déjà été consommée : « Il faut espérer en Dieu, il faut avoir foi en Dieu, c’est tout un, c’est tout le même. / Il faut avoir cette foi en Dieu que d’espérer en lui. / Il faut croire en lui, qui est d’espérer. » L’ultime exemple d’action qu’il nous donne est celui des saints : celui de Jeanne d’Arc, qui s’est battue avec confiance. Si Notre jeunesse semble plus sombre, il faut comprendre également que l’auteur dépasse ici la seule dénonciation. Il explique qu’il a certes été déçu par le socialisme et par l’abandon de la mystique en politique, mais ce faisant, il souhaite donner le modèle d’action qui lui semble le plus adéquat. Par cela même, il montre que tout n’est pas perdu. S’il l’on peut encore se battre, c’est que l’avenir est susceptible de réserver des promesses, s’il y a encore des choses qui valent qu’on lutte pour elles, c’est que rien n’est perdu. La pensée de Péguy est donc très lumineuse. On comprend que lui-même subit la tentation du désespoir (pensons au passage sur l’insomnie du Porche du mystère de la deuxième vertu qui semble être tassez autobiographique) mais qu’il croit profondément que la victoire ultime se trouve en Jésus-Christ, et qu’à ce titre il convient de lutter perpétuellement pour garder un cœur qui espère. Comme une petite fille, comme un enfant, il faut avoir cette énergie confiante qui permet d’avancer : « Mais elle elle n’est jamais fatiguée. Voyez voir un peu / Comment elle marche. Elle va devant vingt fois, comme un petit chien, elle revient, elle repart, elle fait vingt fois le chemin. Elle s’amuse avec les guirlandes de la procession. […] Elle voudrait tout le temps marcher. Aller de l’avant. Sauter. Danser. Elle est si heureuse. » C’est bien cette vertu énergique qui peut tout changer et aider la France et les hommes à se relever. Dans l’œuvre de Bernanos, l’Espérance semble plus difficile à déceler. Toutefois on s’aperçoit rapidement que de nombreux passages font place à une même lumière, qui s’ancre également dans une foi profonde. Nous l’avons vu, le pauvre curé d’Ambricourt paraît être cerné par le désespoir. Il est lui-même le narrateur, ainsi il est plus difficile de se rendre compte à quel point il agit sur les âmes, car il ne semble pas en avoir conscience. Toutefois on s’aperçoit à la deuxième lecture qu’il est un véritable saint, et que c’est lui qui sort ses paroissiens des ténèbres de la désespérance. Le sublime passage du château, avec la comtesse en est le plus bel exemple. L’abbé est confronté à la peine infinie d’une femme qui en veut à Dieu et à elle-même d’avoir perdu son enfant. Elle est enfermée dans la noirceur la plus complète, et c’est le prêtre qui lui ramène la lumière, en lui amenant Dieu et sa miséricorde. Comme chez Péguy, c’est en Dieu que Bernanos place toute sa confiance. De la même manière, si l’espérance est permise, c’est parce que Jésus a déjà vaincu le mal. Espérer, c’est attendre avec confiance son retour, attendre la parousie. C’est ce que le curé d’Ambricourt fait répéter à la comtesse : « ‘‘Dites : Que votre règne arrive. […] Le règne dont vous venez de souhaiter l’avènement est aussi le vôtre et le sien.’’ ‘‘Alors, que ce règne arrive !’’ » Ainsi qu’importe la noirceur de l’homme et notre terrible condition, il faut toujours espérer en un Dieu victorieux et infiniment miséricordieux : « Madame, si notre Dieu était celui des païens ou des philosophes, […] il pourrait bien se réfugier au plus haut des cieux, notre misère l’en précipiterait. […] mais vous savez que le nôtre est venu au-devant. Vous pourriez lui montrer le poing, lui cracher au visage, le fouetter de verges et finalement le clouer sur une croix, qu’importe ? Cela est déjà fait, ma file… » C’est ainsi que la comtesse est sauvée de son malheur. Le curé lui-même, tellement tenté par le désespoir, seul, parfois au milieu d’une terrible nuit spirituelle, malade et démuni, meurs avec les mots sublimes de Sainte Thérèse sur les lèvres : « Tout est grâce ». Quel plus beau témoignage, quel plus beau message d’espérance que celui que nous livre ici Bernanos ? Là est la véritable promesse. Pourtant il est vraiment tenté par le désespoir, il est souvent perdu et révolté, mais il comprend que sa vocation est là, qu’il est « prisonnier de la Sainte Agonie ». C’est-à-dire qu’il est en communion avec la souffrance du Christ au jardin des oliviers, et qu’ainsi il doit entrer en communion avec la souffrance des autres. C’est ainsi que son désespoir est surmonté, et que la lumière entre dans ce roman. Dans les Enfants humiliés, l’espérance se fait également par la foi en Dieu. Certes, il fait le constat amer d’une société qui se perd, il prend conscience de la menace de la guerre qui se rapproche. Oui, la tentation du désespoir est très présente, mais voilà ce qu’il écrit : « Si je marche à ma fin, comme tout le monde, c’est le visage tourné vers ce qui commence, qui n’arrête pas de commencer, qui commence et ne se recommence jamais, ô victoire ! » Sa foi lui permet d’avoir le visage tourné vers l’avenir, vers le retour de son Dieu. Mais à plus court terme, il croit aussi aux promesses que l’avenir réserve pour la France et pour le monde, tout n’est pas perdu. Et Bernanos place sa confiance dans la pauvreté. Les hommes modernes, dit-il, sont trop occupés par leurs inquiétudes matérielles pour avoir le temps d’espérer. Les pauvres, eux, ont le cœur suffisamment pur pour laisser place à l’espérance : « La tradition de l’humble espérance est entre les mains des pauvres ». Dans ce passage la pauvreté est entendue à la fois au sens matériel et au sens spirituel, la pauvreté de ceux qui ne s’encombrent pas du superflu. Les pauvres sont ainsi une promesse, en cela qu’ils s’opposent au monde moderne qui est un danger et une menace. On constate donc que le message de Bernanos est loin d’être sinistre et qu’il laisse place à une très belle clarté.

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« raconter ce qu’il a vécu.

Ce ne sont pas seulement les « mémoires d’un dreyfusiste », comme il l’écrit.

Cette affaire doit en fait servir de leçon, dit-il en substance.

L’histoire est là pour nous permettre d’éviter les écueils et les erreurs dans lesquels l’homme tombe si facilement.

L’amour de Péguy pour sa patrie fait naître une révolte quand il voit à quel point ses dirigeants l’éloignent de sa mission.

Tout l’intérêt de l’histoire se trouve ici, il faut pouvoir se souvenir pour grandir, pour se sanctifier.

L’auteur possède un attachement sincère pour les grandes figures de l’histoire française, et particulièrement pour Jeanne d’Arc.

Le porche du mystère de la deuxième vertu est en fait le deuxième ouvrage d’une série de trois, consacrés à la Sainte.

Elle fait partie de l’histoire française, de son patrimoine, et cette sainte doit être un exemple du rôle que la France a reçu de Dieu.

Il évoque également Saint Louis dans Notre Jeunesse.

Il y exalte les « vertus françaises » : « les vertus, les qualités françaises, les vertus de la race : la vaillance claire, la rapidité, la bonne humeur, la constance, la fermeté, un courage opiniâtre, mais de bon ton, de belle tenue, fanatique à la fois et mesuré, une tristesse gaie, qui est le propre du français ».

Les grandes figures de l’histoire ont respecté ces vertus, il faut respecter l’histoire en ne les oubliant pas.George Bernanos est lui aussi très attaché à la France et à son histoire.

D’une manière différente, plus sombre peut-être, mais tout aussi réelle.

Dans Les enfants humiliés il raconte avec amertume ses années de guerre.

Il ne regrette pas de s’être battu avec son pays, et souhaite rendre hommage à tous ses compagnons d’arme.

Toutefois, comme Péguy, il déplore que la France et ses dirigeants ne tirent aucune leçon de la première guerre mondiale.

Il voit avec inquiétude l’histoire se reproduire, et revenir à la manière d’une vague destructrice.

Il en veut également à ceux « de l’arrière », c’est -à -dire ceux qui n’étaient pas directement à l’avant du front, de ne pas reconnaître l’héroïsme des soldats, de les oublier.

Le devoir de mémoire n’est pas respecté.

« Je ne crois pas à cette guerre […] on ne peut plus donner le nom de guerre à cette énorme fuite des peuples devant des responsabilités historiques qu’ils se sentent incapables d’assumer. » Dans ces dirigeants, Bernanos ne reconnaît pas la France mystique qu’il exalte et qu’il aime : Il n’y retrouve plus les valeurs de l’Evangile.

Comme Péguy, il reste persuadé que la France à un rôle de « fille aînée de l’Eglise », et il exprime son écœurement en constatant qu’on ne l’aide pas à tenir cette mission. Cela n’altère en rien l’amour de Bernanos pour son pays, mais c’est justement cet amour qui fait naître en lui une inquiétude grandissante en craignant qu’elle ne se perde : « Chaque fois que j’ai douté de la France, c’est pour avoir prêté foi à tel ou tel imposteur […] qui prétendait m’épargner la peine de la chercher.

Qui ne la cherche plus n’est plus digne d’assumer ses risques, de se perdre ou de sauver avec elle.

Je ne tiens pas seulement de mon pays son nom illustre […] car mon pays est vieux de plus de dix siècles et pourtant il est né avec moi, il naît avec chaque garçon de notre race et on peut dire qu’il meurt avec lui, que s’efface avec chaque français conscient une image irremplaçable, intransmissible de la France.

» Le drame pour Bernanos, c’est qu’aujourd’hui la France n’est plus aimée en vérité, pour ce qu’elle doit être réellement.

Les français oublient l’histoire ou la maltraitent en ayant une vision horizontale, en refusant de voir que sa vocation est autre.

Ainsi ils ne se sentent plus français.

Dans le journal d’un curé de campagne, Bernanos nous fait le portrait d’un petit village français déchristianisé.

Le monde perd peu à peu le sens de Dieu, la France meurt car elle rejette Dieu.

Et c’est le drame auquel est confronté le pauvre petit curé d’Ambricourt : « Je me disais donc que le monde est dévoré par l’ennui.

[…] Mais je me demande si les hommes ont jamais connu cette contagion de l’ennui, cette lèpre ? Un désespoir avorté, une forme turpide du désespoir qui est sans doute comme la fermentation d’un christianisme décomposé.

» Sur le plan poétique, on trouve dans ces deux ouvrage l’amour charnel que Bernanos possédait pour son pays.

Malgré ses nombreux exils, la pensée de la terre française demeure en lui très vive : « Ils me font rigoler avec leur nostalgie des paysages français ! Je n’ai pas revu ceux de ma jeunesse […] Ici ou ailleurs, pourquoi aurais-je la nostalgie de ce que je possède malgré moi, que je ne puis trahir ? Pourquoi évoquerais-je avec mélancolie l’eau noire du chemin creux, la haie qui siffle sous l’averse, puisque je suis moi-même la haie et l’eau noire ? » Écrit-il dans Les. »

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