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Benjamin Disraeli par Paul Smith University of London King's College Certains grands hommes politiques semblent incarner leur époque ; d'autres, par contre, ont une carrière qui la défie ouvertement.

Publié le 05/04/2015

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Benjamin Disraeli par Paul Smith University of London King's College Certains grands hommes politiques semblent incarner leur époque ; d'autres, par contre, ont une carrière qui la défie ouvertement. Disraeli appartient à cette dernière catégorie. Il fut la négation vivante des valeurs dont on pense en général qu'elles dominaient l'Angleterre à l'apogée de l'ère victorienne. A la gravité morale, il opposait la légèreté ; aux convenances, des airs dissipés ; à la foi, le cynisme ; aux solennités du néogothique un style fantaisiste et purement rococo. Si la vie de Gladstone fut un sermon, celle de Disraeli fut un roman, dont il était lui-même l'auteur. Parmi ses contemporains, quelques-uns avaient du mal à le prendre au sérieux. Quant à Disraeli, qui ne prenait rien au sérieux, il faisait une exception pour sa propre personne et il finit par obliger les autres à l'imiter. Il fut un des chefs du parti conservateur pendant plus de trente ans et deux fois Premier ministre : si cela n'empêchait pas ses détracteurs de le traiter de charlatan, du moins ne pouvaient-ils pas le considérer comme quantité négligeable. Disraeli observa un jour, non sans ironie, que " le peuple britannique, victime de ses brouillards et de sa puissante bourgeoisie, exige de ses hommes d'État la gravité ". Lorsque ses extravagances juvéniles eurent été étouffées par l'inexorable coalition du succès et de l'âge, il dut se résigner à se voir attribuer par autrui cette même gravité. Il fut pris au piège de la respectabilité, particulièrement après sa mort. Son parti trouvait gênant, et la postérité incroyable, qu'une si remarquable ascension vers le pouvoir d'un homme né hors de la classe dirigeante traditionnelle ne reposât que sur l'ambition, l'audace et le talent et ne trouvât qu'en elle-même sa justification. La politique devait être une question de principes et les décisions politiques devaient découler de ces derniers. Les écrits de Disraeli furent érigés en philosophie politique et ses actes considérés comme l'application systématique de cette philosophie. Il devint l'homme d'État clairvoyant qui avait cru possible de conjurer les risques de division dans une société de plus en plus industrielle et urbaine, en créant un courant de sympathie généreuse entre les classes supérieures et inférieures, sympathie fondée sur les réformes sociales et le sentiment impérial ; celui qui avait su préserver la hiérarchie et la propriété, à une époque de participation politique des masses ; l'homme, enfin, qui avait sauvé son parti et même son pays, en leur inculquant les principes de la " démocratie tory ". Disraeli devint une figure de mythe, exerçant peut-être plus d'influence sur la postérité après sa mort qu'il n'avait pu en avoir de son vivant et parée d'un rayonnement accru par l'auréole de mystère et de romanesque dont s'entourait sa carrière. Bien que l'ascension de Disraeli ait été longue et difficile, on ne peut dire qu'il était parti de rien. Il naquit, en 1804, dans une famille aisée de juifs sefardim, établie en Angleterre depuis plus d'un demi-siècle. Son père, Isaac, familier des milieux littéraires londoniens au début du XIXe siècle, l'introduisit très tôt auprès d'écrivains, d'éditeurs et d'hommes politiques de second plan. Il était naturel que le jeune Disraeli aspirât aux succès littéraires et politiques que ne lui interdisaient ni sa race ni son origine sociale ; d'autant qu'en 1817 son père l'avait fait baptiser dans la religion anglicane. Toutefois, son origine juive et le fait qu'il n'eût jamais reçu la formation à la vie de société que dispensaient les public schools et les universités le séparaient des jeunes Anglais de bonne famille. Mais loin de constituer pour lui un obstacle, ce fut peut-être une des causes de son succès. La sensation d'être un outsider ajoutée à un tempérament ardent et égocentriste éveilla en lui l'impérieux désir de s'imposer à cette société qui refusait de l'assimiler complètement. C'était justement l'époque où il semblait possible pour les juifs d'Europe occidentale d'assumer un rôle politique et social correspondant à leur niveau économique et à leurs ressources intellectuelles. A l'inverse de Lassalle, Disraeli ne ressentait pas le besoin d'attaquer et de transformer un monde où il se...
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