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Le Jeu de l'amour et du hasard Marivaux Acte Premier, scène première.

Publié le 05/04/2015

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Le Jeu de l'amour et du hasard Marivaux Acte Premier, scène première. Sylvia -- Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ? Lisette -- C'est que j'ai cru que dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde ; Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu'il vous marie, si vous en avez quelque joie ; moi je lui réponds qu'oui ; cela va tout de suite ; et il n'y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai, le non n'est pas naturel. Sylvia -- Le non n'est pas naturel ; quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ? Lisette -- Eh bien, c'est encore oui, par exemple. Sylvia -- Taisez-vous, allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n'est pas à vous à juger de mon coeur par le vôtre. Lisette -- Mon coeur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne ? Sylvia -- Je vous dis que si elle osait, elle m'appellerait une originale. Lisette -- Si j'étais votre égale, nous verrions. Sylvia -- Vous travaillez à me fâcher, Lisette.&l...
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« être d'un meilleur caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux ? D'union plus délicieuse ? Sylvia — Délicieuse ! Que tu es folle avec tes expressions ! Lisette — Ma foi, Madame, c'est qu'il est heureux qu'un amant de cette espèce-là, veuille se marier dans les formes ; il n'y a presque point de fille, s'il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l'épouser sans cérémonie ; aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l'amour, sociable et spirituel, voilà pour l'entretien de la société : pardi, tout en sera bon dans cet homme-là, l'utile et l'agréable, tout s'y trouve. Sylvia — Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu'il y ressemble, mais c'est un, on dit, et je pourrais bien n'être pas de ce sentiment-là, moi ; il est bel homme, dit-on, et c'est presque tant pis. Lisette — Tant pis, tant pis, mais voilà une pensée bien hétéroclite ! Sylvia — C'est une pensée de très bon sens ; volontiers un bel homme est fat, je l'ai remarqué. Lisette — Oh, il a tort d'être fat ; mais il a raison d'être beau. Sylvia — On ajoute qu'il est bien fait ; passe. Lisette — Oui-da, cela est pardonnable. Sylvia — De beauté, et de bonne mine je l'en dispense, ce sont là des agréments superflus. Lisette — Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire. Sylvia — Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à l'homme raisonnable, qu'à l'aimable homme : en un mot, je ne lui demande qu'un bon caractère, et cela est plus difficile à trouver qu'on ne pense ; on loue beaucoup le sien, mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas ? Surtout quand ils ont de l'esprit, n'en ai-je pas vu moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meilleures gens du monde ? C'est la douceur, la raison, l'enjouement même, il n'y a pas jusqu'à leur physionomie qui ne soit garante de toutes les bonnes qualités qu'on leur trouve.

Monsieur un tel a l'air d'un galant homme, d'un homme bien raisonnable, disait-on tous les jours d'Ergaste : aussi l'est-il, répondait-on, je l'ai répondu moi-même, sa physionomie ne vous ment pas d'un mot ; oui, fiez-vous-y à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d'heure après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche qui devient l'effroi de toute une maison.

Ergaste s'est marié, sa femme, ses enfants, son domestique ne lui connaissent encore que ce visage-là, pendant qu'il promène partout ailleurs cette physionomie si aimable que nous lui voyons, et qui n'est qu'un masque qu'il prend au sortir de chez lui.. »

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