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abâtardi ABÂTARDI, participe passé et adjectif.

Publié le 27/09/2015

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abâtardi

ABÂTARDI, participe passé et adjectif.  

A.—  Participe passé de abâtardir* 

B.—  Adjectif.  Rendu bâtard, qui a perdu sa pureté et sa vigueur originelles. 

1. [En parlant d'un être vivant (humain, animal ou végétal) singulier ou collectif] 

a) Proprement : 

Ø 1. Oui, je le soutiens à la honte du siècle, notre race est abâtardie. L'homme d'aujourd'hui ne ressemble pas plus à l'homme d'autrefois, que la vie d'un bûcheron à celle d'un sybarite, ou la tête d'un petit maître au buste de Marius.

JEAN-HENRI-FERDINAND LA MARTELIÈRE, Robert, chef des brigands,  1793, IV, 1, page 41. 

Ø 2.... la régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l'ordre providentiel de l'humanité.

ERNEST RENAN, La Réforme intellectuelle et morale,  1871, page 93. 

Ø 3. Les hommes nouveaux! depuis tant d'années que la France les appelait, elle avait fini par perdre la foi en leur venue. Les animaux de la grande espèce, les Clemenceau, les Briand, les Barthou, les Poincaré, ayant quitté la scène, c'était à leurs descendants abâtardis qu'il lui fallait bien avoir recours.

FRANÇOIS MAURIAC, Le Bâillon dénoué,  1945, page 469. 

b) Au figuré : 

Ø 4. Le lama allait continuer, lorsque les chrétiens, rompant le silence, s'écrièrent que c'était leur propre religion que l'on altérait; que Fôt n'était que Jésus lui-même défiguré, et que les lamas n'étaient que des nestoriens et des manichéens déguisés et abâtardis.

CONSTANTIN-FRANÇOIS CHASSBOEUF, COMTE DE VOLNEY, Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires,  1791, page 198. 

Ø 5. Et ce n'était point là mon problème. Ou plus exactement il ne se posait qu'en second. Car ensuite je désire certes que mes bénéficiaires soient ennoblis et non abâtardis par l'usage du bénéfice. Mais m'importe d'abord le visage de ma cité.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 761. 

—  BOTANIQUE.   [En parlant d'une plante]  Privé de ses qualités originelles par une hybridation incontrôlée (confer Larousse trois volumes en couleurs) : 

2. Par extension.  [En parlant d'un produit du travail humain] :

Ø 6. Nous sommes tous coupables de ce double crime architectural, par notre silence, par notre tolérance, par notre inertie, et c'est sur nous tous contemporains que la postérité fera un jour justement retomber son blâme et son indignation, lorsqu'en présence de deux édifices défigurés, abâtardis, parodiés, mutilés, travestis, déshonorés, méconnaissables, elle nous demandera compte de ces deux admirables basiliques, belles entre les belles églises, illustres entre les illustres monuments, l'une qui était la métropole de la royauté, l'autre qui est la métropole de la France!

VICTOR HUGO, Le Rhin,  1842, page 232. 

Ø 7. Le mécanisme [des trombones à pistons ou à cylindres] est beaucoup plus facile que celui de la coulisse mais le timbre est abâtardi et a complètement perdu sa noblesse...

GABRIEL PARÈS, Monographie universelle de l'orphéon, Traité d'instrumentation et d'orchestration, 1910, page 87. 

Remarque : Abâtardi implique une perte de noblesse (exemple 4-7); il est en relation avec des mots marquant une modification dégradante : déguisés (exemple 1), défigurés, parodiés, mutilés... (exemple 6). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 33. 

 

Forme dérivée du verbe \"abâtardir\"

 abâtardir

ABÂTARDIR, verbe.  

A.—  Emploi transitif ou absolu.  Rendre bâtard, altérer, en faisant perdre les qualités et la vigueur originelle inhérentes (à une race, un groupe social, une personne, une oeuvre...). 

1. [L'objet désigne un être vivant (humain, animal ou végétal)] 

a) Sens propre : 

Ø 1. Si les lois de l'étiquette et des cours influent sur la moelle épinière au point de féminiser le bassin des rois, d'amollir leurs fibres cérébrales et d'abâtardir ainsi la race, quelles lésions profondes, soit au physique, soit au moral, une privation continuelle d'air, de mouvement, de gaieté, ne doit-elle pas produire chez les écoliers?

HONORÉ DE BALZAC, Louis Lambert,  1832, page 54. 

Ø 2. La mauvaise culture abâtardira ces plantes.

Dictionnaire de l'Académie française.  1835). 

Ø 3.... La fortune acquise par le travail des autres était empoisonnée et empoisonneuse. La jouissance qu'elle procure est le plus certain des ferments destructeurs, elle abâtardit la race, elle désorganise la famille...

ÉMILE ZOLA, Travail,  1901, page 130. 

b) Au figuré : 

Ø 4. Qui sait si derrière ce regard si farouche il n'y avait pas un soupir! Oui, un soupir pour un temps meilleur, un sanglot soulevé par la rage contre une féodalité destructrice qui tuait tout, et avilissait l'homme en l'abâtardissant

ALFRED DE MUSSET, dans la Revue fantastique, Le Temps,  1831, page 107. 

Ø 5. L'orgueil! Ce péché capital inventé par ceux qui ont voulu abâtardir l'homme pour en faire un automate dont ils manieraient les ressorts; l'orgueil, cette vertu sublime qui est la conscience de sa propre force, comme la vanité en est l'illusion.

MAXIME DU CAMP, Mémoires d'un suicidé,  1853, page 218. 

Ø 6. Tu peux lui emplir le cerveau de la totalité de tes connaissances, et ce bavard se fera clinquant et prétentieux. Et tu ne pourras plus l'arrêter. Et il s'enivrera de verbiage creux. Et toi, aveugle, tu te diras : « Comment se peut-il faire que ma culture loin de l'élever ait abâtardi ce sauvage et en ait tiré non le sage que j'en espérais, mais un détritus dont je n'ai que faire? »

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 822. 

2. Par extension.  [L'objet désigne une oeuvre humaine, un produit du travail humain] :

Ø 7. Il faut avant tout se garantir de la misère; tout autre malheur doit peu affecter un homme jeune et bien portant; mais le besoin, la dépendance, et le mépris des autres empoisonnent la vie, flétrissent l'âme, abâtardissent le génie.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1845. 

Ø 8. La cession qui en fut faite en 1762 aux Espagnols, par le duc de Choiseul, ministre de la marine et des colonies, et qui se réalisa en 1769 par l'ambition d'Orelly, a fait bien des malheureux. Aujourd'hui sa rétrocession va relever le courage des hommes braves que n'a pu abâtardir un régime indolent et destructeur.

GÉNÉRAL LOUIS-NARCISSE BAUDRY DES LOZIÈRES, Voyage à la Louisiane et sur le continent de l'Amérique septentrionale, 1802, page 1. 

Ø 9. Saint-Paul, la cathédrale actuelle, noble nef du quinzième siècle, accostée d'un cloître gothique et d'un charmant portail de la Renaissance sottement badigeonnés, et surmontée d'un clocher qui a dû être fort beau, mais dont quelque inepte architecte contemporain a abâtardi tous les angles, honteuse opération que subissent en ce moment sous nos yeux les vieux toits de notre hôtel de ville de Paris.

VICTOR HUGO, Le Rhin,  1842, page 60. 

Ø 10. Comment un peintre moderne, qui se piquait de ne peindre que des réalités, pouvait-il abâtardir une oeuvre, en y introduisant des imaginations pareilles? Il était si aisé de prendre d'autres sujets, où s'imposait la nécessité du nu!

ÉMILE ZOLA, L'Œuvre,  1886, page 257. 

Remarque : Abâtardir contient toujours une idée d'altération, de détérioration par rapport à un état premier, naturel. Il entre dans un champ de termes péjoratifs indiquant l'affaiblissement, l'appauvrissement, la déchéance de quelqu'un ou quelque chose : amollir, féminiser (exemple 1), empoisonner, flétrir (exemple 7), avilir (exemple 4). Abâtardir est en opposition sémantique avec exalter, élever (exemple 6), relever (exemple 8). 

B.—  Emploi pronominal. S'abâtardir.  [Cet emploi correspond à l'emploi transitif au figuré; le sujet désigne une personne, un ensemble de personne, ou une faculté, une qualité, une oeuvre humaine]  Devenir bâtard, dégénérer : 

Ø 11. Mais n'est-ce pas pitié que de voir un jeune homme au plus brillant de sa carrière, doué d'une intelligence supérieure, dont la pensée peut embrasser le monde et ses sciences, s'abâtardir, s'accroupir, s'abrutir, s'anéantir, à propos d'une coquinerie de fille, n'est-ce pas une pitié? Réveille-toi donc, Passereau!

PETRUS BOREL, Champavert, les contes immoraux, Passereau, l'Écolier, 1833, page 186. 

Ø 12. Le royaume chancelle, la dynastie s'éteint, la loi tombe en ruine; l'unité politique s'émiette aux tiraillements de l'intrigue; le haut de la société s'abâtardit et dégénère; un mortel affaiblissement se fait sentir à tous au dehors comme au dedans; les grandes choses de l'état sont tombées, les petites seules sont debout, triste spectacle public; plus de police, plus d'armée, plus de finances; chacun devine que la fin arrive.

VICTOR HUGO, Ruy Blas,  1838, page 331. 

Ø 13. La fête n'est point pour tous les jours. Donc tu te trompes quand tu condamnes les hommes sur leurs mouvements de routine, à la façon du prophète aux yeux bigles qui nuit et jour couvait une fureur sacrée. Car je sais trop que le cérémonial s'abâtardit dans l'ordinaire en ennui et routine. Car je sais trop que la pratique de la vertu s'abâtardit dans l'ordinaire en concessions aux gendarmes. Car je sais trop que les hautes règles de la justice s'abâtardissent dans l'ordinaire en paravent pour jeux sordides.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 986. 

Remarque : 1. S'abâtardir est en concurrence avec des termes qui annoncent la dégénérescence, voire la destruction : chanceler, s'éteindre, tomber en ruine (exemple 12) ou encore il est le 1er.  terme d'une gradation qui va jusqu'à l'anéantissement (exemple 11). 2. Dans l'exemple suivant, il semble que abâtardir soit mis pour s'abâtardir, pris au sens propre (langage de l'horticulture, confer étymologie 1) : 

Ø 14. Dégénérescence. Ce terme indique dans un sens général et même vague, un principe qui tend à affaiblir les individus et à leur faire perdre leurs caractères primitifs. Cet arbre a dégénéré, ses fruits ne sont plus ni aussi beaux, ni aussi bons qu'ils étaient. Cette plante dégénère, ses fleurs ne sont plus ni aussi belles, ni aussi grandes qu'elles étaient autrefois... On dit parfois abâtardir et abâtardissement dans le même sens que dégénérer et dégénérescence.

ÉLIE-ABEL CARRIÈRE, Encyclopédie horticole,  1862, page 152. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 24. 

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