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ACCIDENT, substantif masculin.

Publié le 29/09/2015

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ACCIDENT1, substantif masculin.  

I.—  Ce qui s'oppose à la substance ou à l'essence. 

A.—  Dans la langue de la philosophie aristotélico-scolastique. 

1. [Par opposition à substance]  \" Ce qui existe, non en soi-même, mais dans un autre; (...) par exemple, la couleur, la forme, qui ne peuvent être que la couleur, ou la forme de quelque chose subsistant en elle-même. \" (Dictionnaire de la langue philosophique (PAUL FOULQUIÉ, RAYMOND SAINT-JEAN)) : 

Ø 1. Attributs, accidens, phénomènes; être, substance, sujet, ce sont des généralisations puisées à la source des deux faits incontestables de la croyance à mon existence personnelle et de la croyance à l'existence du monde extérieur. Maintenant, tout ce qui a été dit du corps et de l'espace, de la succession et du temps, du fini et de l'infini, de la conscience et de l'identité personnelle, tout cela doit être dit de l'attribut et du sujet, des qualités et de la substance, des phénomènes et de l'être.

VICTOR COUSIN.  Histoire de la philosophie du XVIIIe.  siècle  tome 1, 1829, page 200. 

Ø 2. Mais de l'homme à Dieu, de l'ordre visible à l'invisible, du naturel au surnaturel, de l'accident visible à la substance invisible, c'est à peine si tu as posé la mystérieuse équation, et le terme connu à côté de l'inconnu...

ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion,  1914, page 141. 

Ø 3. J'étreins la substance enfin au travers de l'accident! 

Je comprends maintenant l'échec de cette chose tant de fois essayée,

La combinaison de notre âme avec les choses créées.

PAUL CLAUDEL, La Messe là-bas,  1919, page 501. 

Ø L'unité et la moralité sont des considérations secondaires, appartenant à la philosophie et non à la poésie, à l'exception et non à la règle, à l'accident et non à la substance...

PAUL ÉLUARD, Donner à voir,  1939, page 141. 

Ø 5. D'après Cassien, en dehors de Dieu, tous les êtres sont nécessairement composés, sinon de matière et de forme, du moins d'essence et d'existence, de potentialité et d'être en acte, de substance et d'accidents.

BLAISE CENDRARS, Bourlinguer,  1948, page 99. 

—  Par analogieDans la langue de la théologie scolastique. 

·    \" En termes de théologie, et en parlant du Saint-Sacrement de l'Eucharistie, on appelle Accidens, la figure, la couleur, la saveur, etc. qui restent après la consécration. Tous les accidens qui étoient dans les espèces avant la consécration, subsistent encore après la consécration. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

·    \" En parlant du Saint-Sacrement de l'Eucharistie, il se dit de la figure, de la couleur, de la saveur qui restent, après la consécration et la transsubstantiation. Alors il n'y a plus ni pain, ni vin, mais le corps et le sang de Notre-Seigneur et cependant les accidents du pain et du vin demeurent. \" (Dictionnaire des dictionnaires (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892). 

·    \" Il faut noter qu'il est propre à l'accident, par opposition à la substance, d'exister non en lui-même mais en celle-ci. D'où le problème souvent posé : comment les accidents eucharistiques subsistent-ils, leur substance ayant disparu? Saint Thomas se borne à répondre que le premier de tous les accidents d'un corps étant la quantité étendue, tous les autres accidents du pain demeurent suspendus à celui-là, qui joue, désormais par rapport à eux le rôle qui devrait être celui de la substance. \" (Somme théologique de Thomas d'Aquin, IIIa question 88 (LE RETOUR DES PÉCÉHS REMIS PAR LA PÉNITENCE), article 5 dans le Dictionnaire théologique (Louis Bouyer) 1963). 

2. [Par opposition à essence]  \" Ce qui ne fait pas partie de la nature ou de l'essence d'un être et peut devenir autre sans qu'il y ait changement d'espèce. Par exemple le fait d'être assis, ou couché, d'être à Paris, d'être en face de Pierre... Ce qu'il faut entendre par l'accident proprement dit, c'est une particularité qui advient à l'être mais qui n'en provient pas, qu'on ne peut prévoir, qu'on ne peut conclure, qui ne dérive pas de la nature de l'être. \" (Dictionnaire de la langue philosophique (PAUL FOULQUIÉ, RAYMOND SAINT-JEAN) 1962, page 6) : 

Ø 6. Tout poème où le merveilleux est le fond et non l'accident du tableau pèche essentiellement par la base.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 278. 

Ø 7. L'espèce est définie par le genre et la différence (per genus et differentiam). Dans cette définition : l'homme est un animal raisonnable, l'animalité est le genre, l'humanité l'espèce, la raison la différence. Rire est le propre de l'homme; mais on ne peut pas faire consister dans le rire le caractère essentiel et spécifique de l'humanité. Quand on dit : Achille est blond; Socrate est camus; César est chauve; blond, camus, chauve désignent des accidents individuels.

AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 338. 

Ø 8. Laissons de côté l'analyse du respect, où nous trouverions surtout un besoin de s'effacer, l'attitude de l'apprenti devant le maître ou plutôt, pour parler le langage aristotélicien, de l'accident devant l'essence.

HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion 1932, page 65. 

Ø 9. Soit le profond marais odorant d'où une liqueur trouble... suinte,

L'idée essentielle à perte de vue enrichie par la contradiction et l'accident 

Et l'artère en son cours magistral insoucieuse des fantaisies de l'affluent.

Il fait marcher à l'infini les moulins, et les cités l'une à l'autre par lui se deviennent intéressantes et explicables.

PAUL CLAUDEL, Poésies diverses, Le Fleuve, 1952, page 851. 

—  Sophisme de l'accident. \" Sophisme consistant à conclure d'un caractère accidentel à un caractère essentiel, par exemple : du fait qu'un homme est mort de la grippe, que cette affection est mortelle. \" (Dictionnaire de la langue philosophique (PAUL FOULQUIÉ, RAYMOND SAINT-JEAN)). 

—   Locution. par accident. « Ce qu'une chose est par soi, elle l'est en vertu de sa nature. Ce qu'elle est par accident, elle l'est pas suite de circonstances indépendantes de sa nature. Un aliment qui est sain par soi peut, par accident (étant donné par exemple l'état organique de celui qui l'absorbe) être malsain. » (Dictionnaire de la langue philosophique (PAUL FOULQUIÉ, RAYMOND SAINT-JEAN)  1962) : 

Ø 10. Les plus hautes figures poétiques, comme les plus hautes formes vivantes, n'arrivent à la lumière que par grâce et pour ainsi dire par accident. Taine.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 3, 1904, page 97. 

B.—  Par extension. 

1. GRAMMAIRE (XIXe.  siècle).  

—   \" Accident, substantif masculin (grammaire hébraïque). Il se dit par opposition à racine, de l'élément du mot qui indique les rapports secondaires de genre, de nombre, etc. \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842). 

—   \" Par accident des grammairiens anciens entendent une propriété d'un mot qui n'entre point dans la définition essentielle de ce mot. Le dérivé, le composé, le figuré sont des accidents. Le mot primitif, propre, est l'essence même. Il se dit aussi des modifications que subissent les mots sous le rapport du genre, du nombre, de la personne. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

—   \" En termes de grammaire, tous les changements que les mots peuvent éprouver. Les genres et les nombres sont les accidents des noms; les temps, les personnes, les modes, les voix sont ceux des verbes. \" (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). 

2. PEINTURE.  Accident de lumière (de clair-obscur) 

—   \" Accident, en termes de peinture, est ce qui ne vient pas de la lumière principale, mais d'une fenêtre opposée, d'un flambeau, etc. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

—   \" En termes de peinture, accidents de lumière, effets de lumière partiels que produit le soleil, dans un paysage, lorsque des nuages s'interposent entre cet astre et la terre. Cette locution s'emploie également en parlant des intérieurs, lorsque, par une combinaison ingénieuse des ombres et des lumières, celles-ci se reproduisent dans certains endroits d'une manière inattendue, mais vraie, et indépendamment de la lumière générale. Il y a dans ce tableau des accidents de lumière fort piquants. \" (Dictionnaire de l'Académie Française) : 

Ø 11. Ces monstrueux tableaux étaient encore assujettis à mille accidents de lumière par la bizarrerie d'une multitude de reflets dus à la confusion des nuances, à la brusque opposition des jours et des noirs. L'oreille croyait entendre des cris interrompus, l'esprit saisir des drames inachevés, l'oeil apercevoir des lueurs mal étouffées. Enfin, une poussière obstinée avait jeté son léger voile sur tous ces objets, dont les angles multipliés et les sinuosités nombreuses produisaient les effets les plus pittoresques.

HONORÉ DE BALZAC, La Peau de chagrin,  1831, page 18. 

Ø 12. Velasquez et Murillo groupaient des fruits, des vases, des poissons, tous les objets qui leur offraient des couleurs vives et harmonieuses, et s'essayaient à en reproduire tous les accidents de lumière.

PROSPER MÉRIMÉE, Mosaïque,  1833, page 522. 

—   \" Modification que le peintre apporte à l'effet général d'un tableau dans la disposition de la couleur et de la lumière. Ce mot s'emploie mieux au pluriel... On distingue des accidents de deux sortes : les accidents de lumière ou espaces lumineux éclairés par le soleil lançant ses rayons dans l'intervalle que laissent les nuages; les accidents de clair-obscur, que produisent des circonstances étrangères à la lumière générale de la composition. Exemple : Salvator-Rosa, Rubens, Rembrandt, ont employé les accidents avec une variété et une fécondité inépuisables. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845) : 

Ø 13. La nature a d'ailleurs le don de tout parer. Il ne lui faut, pour cela, qu'un peu de verdure et quelques accidents de lumière. Les jeux variés du brouillard ou du soleil à travers les portiques à jour, et ces vallées, ces ponts aériens, ces escaliers gigantesques, ces maisons surexhaussées dont les toits fumants pavent l'abîme, tout ce chaos piranésien, de fantaisie orientale et biblique.

JULES MICHELET, Sur les chemins de l'Europe,  1874, page 111. 

C.—  Dans ces emplois le sens glisse insensiblement vers l'idée générale de variation, de variété, qui pour l'oeil de l'observateur rompent la monotonie du fond : 

Ø 14. Le colosseum est un monde de ruines; tous les accidents que peuvent y produire la lumière, la végétation, le temps, se trouvent là. Rien n'est plus impossible à décrire que ces arceaux brisés, ces escaliers écroulés, ce lierre, ces plantes, ces débris suspendus; la couleur superbe du monument, les grandes lignes de la partie encore debout, tout cela varie de mille manières, selon le jour et l'ombre;...

ANDRÉ-MARIE AMPÈRE, Correspondance et souvenirs (de 1805 à 1864),  1824, page 258. 

—   De là, quelques emplois techniques. 

1. Dans la langue de la musique.  Tout signe qui indique une élévation ou un abaissement de tons dans le courant d'un morceau. « On appelle accidens ou signes accidentels les bémols, dièses et béquarres... des accidens de modulation auxquels l'harmonie n'a aucun égard,... » (JEAN-JACQUES ROUSSEAU, Dictionnaire de musique, tome 1, 1768, page 28, 316 ).  « Accident (musique). Il se dit des bémols, dièses ou bécarres, qui, n'étant point à la clef, se trouvent dans le courant d'un morceau. » (Dictionnaire de l'Académie française, Compléments.  1842) : 

Ø 15.... par ce SI modulant, (...) tout le chromatisme moderne s'est introduit dans la musique médiévale, entraînant à sa suite la série des accidents d'écriture...

VINCENT-PAUL-MARIE-THÉODORE D'INDY, Cours de composition musicale, tome 1, 1897-1900, page 61. 

2. Dans la langue des patenôtriers (fabricants de chapelets, de boutons, de colliers, etc.)  \" Accident (arts et métiers). Petite élévation que les patenôtriers forment sur les perles factices. \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842); \" Petits dessins en relief que les patenôtriers forment sur les perles factices et sur les grains de chapelets. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

3. Parfois dans la langue de la rhétorique : 

Ø 16. Ce ne sont plus les obscures images de la rêverie et les associations apparemment fortuites des objets dans la vie végétative de la pensée que l'on prétendra substituer à la perception banale des sens et de la raison, mais d'autres accidents : ceux qu'un artisan du verbe obtient en rapprochant des mots selon les seules exigences du rythme, de la sonorité, ou en général d'un plaisir inexpliqué naissant de leur brusque voisinage.

ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve,  1939, page 381. 

Ø 17.... Ces remarques rapides ne tendent qu'à montrer qu'une métaphore ne devrait être qu'un accident de l'expression et qu'il y a danger à en faire une pensée. La métaphore est une fausse image puisqu'elle n'a pas la vertu directe d'une image productrice d'expression, formée dans la rêverie parlée.

GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace,  1957, page 81. 

II.—  Événement fortuit, sans motif apparent et sans lendemain, qui affecte une personne ou un groupe de personnes, en interrompant le déroulement normal, probable et attendu des choses : 

Ø 18. [Accident] C'est un événement qui apparaît comme imprévisible et improbable. Par exemple une voiture au passage à niveau juste en même temps que le train. Un obus qui enlève la tête de l'aviateur. On accuse alors la fatalité, comme si l'événement était un défi aux lois du probable; et cette idée a beaucoup de vrai. Le fatalisme nous console de ce qui est arrivé; mais il ne doit pas diminuer notre prudence.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Définitions,  1951, [Les Arts et les dieux, Paris, Gallimard, 1961, Bibliothèque de la Pléiade] page 1028. 

1. Ce sens peut être proche du sens philosophique : 

Ø 19. La pensée humaine est un heureux petit accident des hasards de ses fécondations, un accident local, passager, imprévu, condamné à disparaître, avec la terre, et à recommencer peut-être ici ou ailleurs, pareil ou différent, avec les nouvelles combinaisons des éternels recommencements. Nous lui devons, à ce petit accident de l'intelligence, d'être très mal en ce monde qui n'est pas fait pour nous,...

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Inutile beauté, 1890, page 1158. 

Ø 20. Il est dans chaque livre d'histoire certaines propositions sur quoi les acteurs, les témoins, les historiens et les partis s'accordent. Ce sont des coups heureux, de véritables accidents; et c'est l'ensemble de ces accidents, de ces exceptions remarquables, qui constitue la partie incontestable de la connaissance du passé. Ces accidents d'accord, ces coïncidences de consentements définissent les « faits historiques », mais ils ne les définissent pas entièrement.

PAUL VALÉRY, Variété IV,  1938, page 132. 

2. Il peut désigner un événement non marqué du point de vue affectif : 

Ø 21. Il y avait eu là comme un éclat de la foudre de l'église tombée à côté d'elle, et qui l'aurait effleurée... Bizarrerie des conversions qui ont leur jour, leur heure, qui peuvent venir d'un contre-coup sans raison, que des années amènent, préparent, et que fait jaillir souvent un accident, un hasard, le rien immotivé qui décide et enlève!

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 176. 

Ø 22. L'art photographique, aux yeux de la plupart des hommes, consiste surtout à capter l'événement fugace, l'accident, le sinistre imprévisible, à immobiliser la minute ou la seconde où le fantastique quotidien fait son apparition. Le photographe de génie —  il peut s'en présenter un —  se proposera de célébrer de façon indiscutable le prestige de l'instant La venue de cet informateur de l'inattendu est souhaitée par beaucoup de peintres actuels, un peu fatigués de se livrer à des expériences d'ordre strictement techniques et que tente l'ange du bizarre.

ANDRÉ LHOTE, Peinture d'abord,  1942, page 49. 

3. Accompagné d'une épithète appropriée il peut désigner un événement heureux : 

Ø 23. L'illusion de la politique française est de croire que de bons sentiments puissent se maintenir, se perpétuer par eux-mêmes et soutenir ainsi d'une façon constante l'accablant souci de l'état. Les bons sentiments, ce sont de bons accidents. Ils ne valent guère que dans le temps qu'ils sont sentis : à moins de procéder d'organes et d'institutions, leur source vive qu'il faut alors défendre et maintenir à tout prix, ils sont des fruits d'occasion, ils naissent de circonstances et de conjonctures heureuses. Il faut se hâter de saisir conjonctures, circonstances, occasions,...

CHARLES MAURRAS, L'Avenir de l'intelligence,  1905, page 79. 

Ø 24. Larseneur tomba dans une profonde mélancolie. Peut-être rêvait-il, en secret, à quelque accident heureux. Mais de tels accidents restent le fruit du hasard.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, page 215. 

Confer aussi supra exemple 20. 

—  Emploi technique.  Au jeu de piquet, l'accident, c'est la combinaison fortuite de cartes distribuées qui vaut des points à qui les détient. « Les principaux accidents sont les quatorzes, les quintes, les quatrièmes, les tierces, etc. » (Grand Larousse encyclopédique en dix volume s. ). 

Remarque : Pour les règles du jeu de piquet, confer ALLEAU 1964, page 402. 

4. Le plus souvent, avec ou parfois sans épithète, il désigne un événement fâcheux : 

Ø 25. Les événements amenés par la combinaison ou la rencontre d'autres événements qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres, sont ce qu'on nomme des événements fortuits, ou des résultats du hasard. Quelques exemples serviront à éclaircir et à fixer cette notion fondamentale. —  Il prend au bourgeois de Paris la fantaisie de faire une partie de campagne, et il monte sur un chemin de fer pour se rendre à sa destination. Le train éprouve un accident dont le pauvre voyageur est la victime, et la victime fortuite, car les causes qui ont amené l'accident ne tiennent pas à la présence de ce voyageur (...)

AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 38. 

Ø 26. Or selon mon opinion les affaires réelles se heurtent à des obstacles d'un tout autre genre. J'ai vu des succès et des faillites, et je crois que l'organisation, comme vous dites, y importait moins que l'événement brut, l'accident, l'imprévu, comme est pour les fourmis un coup de pied dans la fourmilière. C'est au bord de l'événement que je connais l'homme.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1933, page 1138. 

—   Il peut s'agir d'un événement ne mettant pas les jours en danger (accident moindre, petit, quelconque, simple, léger, menu, ridicule, insignifiant, minime, futile, infime, mineur) : 

Ø 27. Les seuls accidents domestiques dont j'eusse encore été témoin, c'étaient, pour ainsi dire, des accidents de saison qui troublaient la symétrie des habitudes, comme par exemple un jour de pluie venant quand on avait pris quelques dispositions en vue du beau temps.

EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 27. 

Ø 28. Paris, 31 octobre. Tous ces temps-ci, c'est une succession de petits accidents hostiles, une conjuration d'ennuis de tous côtés, les taquineries bêtes et à la fin insupportables d'un enguignonnement de tous les jours et de toutes choses, une série de déveines.

À côté des mauvais sommeils, des insomnies,...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  octobre 1865, page 210. 

Ø 29. Qu'est-ce qu'une blessure! Ça n'a jamais rien prouvé. Une blessure, c'est un accident.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers,  1914, page 323. 

Ø 30. Ils sont sans cesse aux aguets, toujours occupés à surveiller quelqu'un ou à se surveiller eux-mêmes, épiant les accidents, les gaffes ou les erreurs possibles, dragons de vigilance morale s'ils sont moraux — ...

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 288. 

—   Ou d'un événement grave pouvant entraîner la mort : 

Ø 31. Mais qu'apprendra au commun des hommes le drame ou le roman qui retrace à leurs yeux les misères qui les assiègent, les accidents qui les menacent? C'est une source d'intérêt inépuisable, je le sais bien, que les dures extrémités ou du péril ou du malheur; et avec des prospérités injustes et d'indignes calamités, on peut remuer aisément tous les ressorts du pathétique. Mais qu'on accumule dans un roman les accidents les plus funestes, des inondations, des naufrages, des incendies, la ruine et la désolation qui accompagnent ces grands désastres, et le désespoir qui les suit, la misère, la solitude, l'abandon, l'esclavage, l'oppression, l'horreur des cachots, le besoin...

JEAN-FRANÇOIS MARMONTEL, Essai sur les romans,  1799, page 321. 

Ø 32. D'ailleurs, on meurt d'accident, chez nous. Mon frère est mort noyé. Et moi aussi, je mourrai d'accident : d'un coup de revolver. J'ai toujours eu cette idée-là.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 970. 

Ø 33. Le suicide d'un homme est un événement essentiellement inharmonique, mais il n'est pas un événement fortuit. Un accident, comme la mort d'un homme causé par la chute d'une tuile, est à la fois inharmonique et fortuit. Même si l'on n'admet pas l'indépendance absolue des séries dans le hasard, il faut accorder qu'il n'est pas relatif à l'homme, puisque l'éloignement de la racine commune des deux séries, leur fonctionnement pratiquement indépendant, est quelque chose d'objectif.

RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure,  1930, page 337. 

Ø 34.... Metchnikoff prétend avoir observé que les vieillards extrêmement avancés en âge désirent de mourir. L'instinct de mort naîtrait ainsi après une longue vie, mais seulement lorsque c'est une mort naturelle qui nous menace; de son côté, l'instinct de conservation ne nous ferait lutter contre la mort que dans la mesure où c'est un accident, une catastrophe, une mort non naturelle qui abrège notre existence. Devant la mort vraiment naturelle, nous n'éprouverions aucun mouvement de répulsion.

JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort,  1949, page 12. 

Ø 35. Dans ce monde en ordre il y a des pauvres. Il y a aussi des moutons à cinq pattes, des soeurs siamoises, des accidents de chemin de fer : ces anomalies ne sont la faute de personne. Les bons pauvres ne savent pas que leur office est d'exercer notre générosité;...

JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots,  1964, page 23. 

Remarque : On notera plus particulièrement les locutions où le complément indique des circonstances de l'accident : - de chemin de fer (confer ci-dessus), - de voiture, - d'automobile, - de chasse, - aérien, - d'avion, - de cheval, -d'autocar, - de bicyclette, - d'ascenseur. On relève fréquemment la locution accident de ou du. 

5. De là, quelques emplois techniques. 

a) MÉDECINE.  Symptôme d'aggravation du mal survenant de manière inattendue dans le cours d'une maladie et mettant la vie en danger. 

—   \" Proprement, accident d'une maladie, ou symptôme accidentel, symptôme qui tend à la rendre plus grave, comme une hémorragie, des convulsions, etc., lorsque ces symptômes ne lui sont point essentiels. Généralement, accident, symptôme accidentel, phénomène qui survient dans le cours d'une maladie, soit que son apparition ajoute ou non à sa gravité : dans ce sens, accident est synonyme d'épiphénomène, qui doit être employé de préférence. \" (Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire (ÉMILE LITTRÉ)). (Confer aussi ci-dessus I 2) : 

Ø 36. Le délire compliquait le mal, et des accidents nerveux l'aggravaient. Les moments lucides devinrent de plus en plus rares; ma pauvre femme semblait avoir perdu le sentiment de ce qui se passait autour d'elle. Des paroles sans suite, des mots entrecoupés, produits d'affreux cauchemars, s'échappaient de sa bouche; des gestes convulsifs attestaient la violence de la lutte et les efforts d'une riche constitution. Depuis que la maladie avait pris cette gravité, je ne quittais plus le chevet de la mourante.

LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 443. 

Ø 34. De fait, je n'ai jamais eu dans la suite le moindre accident, la plus légère menace de récidive.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Consultation, 1928, page 1101. 

—   Dans la langue de la fauconnerie.  \" Se dit des maladies et blessures auxquelles les oiseaux de proie sont sujets. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

b) DROIT.  \" Fait involontaire ou événement fortuit qui cause un dommage aux personnes ou aux choses et qui, s'il résulte de la faute, de l'imprévoyance ou de la négligence de quelqu'un, peut mettre en jeu la responsabilité de celui-ci. \" (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). 

c) SÉCURITÉ SOCIALE.  Accident du travail. \" L'article 2 de la loi du 30 octobre 1946 précise que l'on doit considérer comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. La définition précise de l'accident du travail permettant de le distinguer de la maladie professionnelle a été donnée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 octobre 1941. \" L'accident du travail est une atteinte à l'intégrité du corps humain survenue par suite de l'action violente et soudaine d'une cause extérieure \". \" (Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l'enfant (ROBERT LAFON) 1963) : 

Ø 38. Le culte de la richesse eut ses martyrs. L'un de ces milliardaires, le fameux Samuel Box, aima mieux mourir que de céder la moindre parcelle de son bien. Un de ses ouvriers, victime d'un accident de travail, se voyant refuser toute indemnité, fit valoir ses droits devant les tribunaux, mais rebuté par d'insurmontables difficultés de procédure, tombé dans une cruelle indigence, réduit au désespoir, il parvint, à force de ruse et d'audace, à tenir son patron sous son revolver, menaçant de lui brûler la cervelle s'il ne le secourait point...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins,  1908, page 401. 

Ø 39. La législation des accidents du travail et des maladies professionnelles a pour but de protéger les salariés et assimilés contre le risque d'accidents et de maladie résultant de l'exécution de leur travail.

Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, tome 1, 1962. 

—  Accident de trajet. \" La loi du 23 juillet 1957 précise qu'est considéré comme accident du travail l'accident survenu pendant le trajet d'aller et retour entre : a) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un certain caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu de travail; b) le lieu de travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas. Dans tous les cas, le parcours n'a pas dû être interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel, et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi. \" (Petit dictionnaire de droit (ROGER RÉAU, JEAN RONDEPIERRE) Supplément 1962). 

 

 

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