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ACHARNEMENT, substantif masculin.

Publié le 01/10/2015

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ACHARNEMENT, substantif masculin.  

A.—  [En parlant d'un animal]  Action de s'acharner sur sa proie. L'acharnement d'un loup, d'un animal carnassier (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932). 

B.—  Au figuré.  [En parlant principalement des hommes]  Action de s'acharner; état de ce qui est acharné. L'acharnement de deux dogues l'un contre l'autre; ces deux animaux, ces deux hommes se sont battus avec acharnement (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932); l'acharnement de plaideurs (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932, Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Dictionnaire de la langue française (Émile Littré)). 

1. [L'acharnement a pour objet une personne; l'agent de l'acharnement peut rester implicite ou s'exprimer par un complément introduit par de; idée dominante d'hostilité] :

Ø 1. Certes, personne ne comprend et n'admet plus que moi la critique haute et sérieuse, à laquelle Eschyle, Isaïe, Dante et Shakespeare eux-mêmes appartiennent, et qui a les mêmes droits sur les taches d'Homère que l'astronome sur les taches du soleil; mais la sauvagerie des haines littéraires, mais des acharnements d'hommes contre une femme, mais jusqu'à de la rhétorique de cour d'assises dépensée contre un noble et illustre écrivain, voilà ce qui m'étonne et me froisse profondément.

VICTOR HUGO, Correspondance,  1860, page 327. 

Ø 2. Je vous ai raconté notre campagne de Vendée, ce que les Vendéens eux-mêmes appellent la grande guerre. Nous avions exterminé la mauvaise race sur les deux rives de la Loire, mais les trois quarts d'entre nous avaient laissé leurs os en route. Tout ce qu'on a vu depuis n'est rien auprès d'un acharnement pareil.

ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 2, 1870, page 299. 

Ø 3. On me donne la chasse comme si j'avais tué Lisardo par traîtrise. Tant d'injuste acharnement me pousse au désespoir et m'oblige à défendre ma vie, de quelque crime qu'il faille la payer. Mes biens sont saisis, mes terres confisquées, je suis traité avec tant de dureté que la nourriture elle-même m'est refusée.

ALBERT CAMUS, La Dévotion à la croix, adapté de Calderon de La Barca, 1953, page 550. 

Remarque : 1. Le pluriel de l'exemple 1 est exceptionnel. 2. Dans l'exemple 2, acharnement désigne l'action elle-même (combat remarquable par sa violence); ailleurs, la modalité de l'action (opiniâtreté et virulence particulières). 

2. [L'acharnement a pour objet une chose; idée dominante d'obstination, d'entêtement] :

Ø 4. La bête rugit toujours en moi. Et l'acharnement du travail contribue aussi à me rendre farouche.

JULES MICHELET, Journal,  octobre 1850, page 137. 

Ø 5. Il faut travailler avec acharnement, d'un coup, et sans que rien vous distraie; c'est le vrai moyen de l'unité de l'oeuvre. Puis, une fois faite, et quand l'écriture repose, il faut lire avec acharnement, voracement, comme il sied après un tel jeûne, et jusqu'au bout, car il faut tout connaître. Et les idées de nouveau s'agiteront;...

ANDRÉ GIDE, Journal,  1890, page 16. 

Ø 6. Les clous des vérités ne s'arrachent jamais,

Malgré l'acharnement des ongles et des mains,

D'entre les joints soudés d'une cloison d'airain.

ÉMILE VERHAEREN, La Multiple splendeur,  1906, page 97. 

Ø 7. M. Pacaris s'inquiétait en secret de son état mais ne s'en plaignait jamais. Il disait que la volonté et l'acharnement au travail sont les meilleurs remèdes pour l'homme énergique.

JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame,  1921, page 131. 

Remarque : 1. L'agent de l'acharnement peut rester implicite, ou s'exprimer par un complément introduit par de (exemple 6). 2. Ce complément peut aussi équivaloir au sujet d'une proposition attributive (l'acharnement du travail < le fait que le travail est acharné : exemple 4). 

3. Constructions communes aux 2 acceptions. Acharnement + préposition autre que de. Acharnement à; acharnement contre. 

a) Avec acharnement. Cette locution joue le rôle d'un adverbe (*acharnéement) convenant également aux 2 acceptions. 

—   [Avec idée dominante d'hostilité] :

Ø 8. Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien considérer dans cette affaire que M. Debeaune est depuis longtemps l'ennemi déclaré de cet homme qu'il poursuit avec acharnement, et qui j'espère vous déterminera à exiger des preuves rigoureuses du délit dont on l'accuse.

PAUL-LOUIS COURIER, Lettres de France et d'Italie,  1819, page 886. 

Ø 9. Avec une obstination sournoise et aigre, et basse, avec des lâchetés constantes d'écriture, avec une hypocrisie laborieuse, avec un acharnement fatigué M. Langlois m'accuse proprement de vénalité.

CHARLES PÉGUY, L'Argent,  1913, page 1145. 

—   [Avec idée dominante d'opiniâtreté] (exemple 5) : 

Ø 10. Les poètes romantiques allemands, par des voies diverses, dont chacune est unique, mais qui toutes les menèrent aux marges de la nuit, tentèrent avant les penseurs de saisir quelques-unes des figures de l'inconscient; ils le tentèrent avec un acharnement héroïque, qui tient justement à ce qu'ils assimilaient leur art, instrument de ces évocations, à leur destin personnel.

ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve,  1939, page 147. 

Remarque : 1. Confer également : Emmanuel Dieudonné, comte de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 332; Gustave Flaubert, Correspondance, 1853, page 293; Léon Bloy, Journal, 1895, page 42; Pierre Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 218, etc. 2. Dans environ 1/3 des cas, acharnement est lui-même l'objet d'une spécification (adjectif, proposition relative, complément de nom, etc.). Spécifié par un adjectif : Maximilien de Robespierre, Discours, Sur la guerre, tome 8, 1791, page 55; Émile Zola, La Débâcle, 1892, page 376; René Grousset, L'Épopée des croisades, 1939, page 240, etc. Spécifié par un complément de nom : Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, page 173, etc. Spécifié par une proposition relative : Jules Verne, L'Île mystérieuse, 1874, page 147. 

b) [Le complément est presque toujours un verbe ou un déverbal]  Acharnement à (exemple 7). Confer également : 

—  Acharnement à (Germaine de Staël, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1794, page 183; Émile Zola, Madeleine Férat, 1868, page 209; Simone Weil, La Pesanteur et la grâce, 1943, page 119, etc.). 

—  Mettre (...) acharnement à (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1832, page 334; Jules Renard, Journal, 1905, page 961; Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1942, page 52, etc.). 

c) [L'idée dominante est l'hostilité, suggérée parfois par le contexte et toujours par la préposition]  Acharnement contre (exemple 1, et aussi Marat, Les Pamphlets, Les Charlatans modernes, 1791, page 292; Charles Baudelaire, Paradis artificiels, 1860, page 327, etc.). 

C.—  Argot. Achar, d'achar. Acharnement, avec acharnement : 

Ø 11. —  Acharnement (argot du peuple); cité déjà par VIDOCQ d'achar —  avec acharnement, délibérément, etc., courant surtout dans l'expression d'autor et d'achar (voir d'autor); confer en outre SAINÉAN, Sources II 215 et BRUANT page 8, 149.

HILDING KJELLMAN, Mots abrégés et tendance d'abréviation en français,  1920, page 32. 

—  D'achar : 

Ø 12. J'aimerais mieux encore turbiner d'achar du matois à la sorgue (...). Travailler rudement du matin à la nuit.

FRANÇOIS VIDOCQ, Les Vrais mystères de Paris, tome 3, 1844, page 317. 

—  D'achar et d'auto(r) : 

Ø 13. Achar et d'auto (d'), achar et d'autor (d'). Avec acharnement (...) D'achar et d'auto ou d'autor (...) « Qu'on enguel' d'Aumale et Totor (...). J'applaudis d'achar et d'autor. » (A. B [ruant] .)

Dictionnaire français-argot (ARISTIDE BRUANT)  1901, page 8. 

—  D'achar et de rif : 

Ø 14. Achar et de rif (d'). Avec acharnement (...) D'achar et de rif ou de riffe ou encore de rifle.

Dictionnaire français-argot (ARISTIDE BRUANT)  1901, page 8 

D.—  Principales associations notées.   

1. Syntagmes. Lorsque l'idée d'obstination est seule, associée avec labeur, obstination (confer infra); acharnement au travail (Joseph de Pesquidoux, Le Livre de raison, tome 3, 1932, page 217); acharnement du travail (Jules Michelet, Journal, 1850, page 134); travailler avec acharnement (Léon Bloy, Journal, 1892, page 42; Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 275; Pierre Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 218). Ou bien, il s'y mêle l'idée d'hostilité : l'acharnement des adversaires (Jean Giraudoux, Pour Lucrèce, 1944, page 152); l'acharnement de mon antagoniste (Louis Reybaud, Jérôme Paturot, 1842, page 449); acharnement au combat (François Guizot, Histoire générale de la civilisation en Europe, 1828, page 15); acharnement dans le combat (Augustin Thierry, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 14); détester avec acharnement (Alfred de Musset, Le Temps, 1831, page 135); lutter avec acharnement (Louis-Émile-Edmond Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 36; Joseph Joffre, Mémoires, tome 2, 1931, page 444); pourchasser avec acharnement (Joseph de Pesquidoux, Chez nous, tome 2, 1923, page 169). Mais le combat peut également être défensif : défendre avec acharnement (Jules San, Sacs et parchemins, 1851, page 59; Jean et Jérôme de Tharaud, Dingley, l'illustre écrivain, 1906, page 147) et l'ennemi, être représenté par une force abstraite : l'acharnement du sort (Émile Zola, La Fortune des Rougon, 1871, page 60; Émile Zola, L'Argent, 1891, page 381). Selon le contexte, acharnement peut donner lieu à toutes sortes de qualifications, généralement laudatives lorsqu'il ne s'agit que d'obstination : acharnement de bravoure (Émile Zola, La Débâcle, 1892, page 60); acharnement dans le courage (André Malraux, L'Espoir, 1937, page 758) acharnement peut aussi donner lieu à toutes sortes de qualifications péjoratives lorsque l'hostilité est en cause : acharnement atroce (Maximilien de Robespierre, Discours, Sur la guerre, tome 8, 1791, page 55); acharnement horrible (Charles-Marie Leconte de Lisle, Poèmes barbares, Le Soir d'une bataille, 1878, page 230); acharnement sauvage et imbécile (Émile Zola, La Bête humaine, 1890, page 19). À noter enfin, quel que soit le contexte, des associations nombreuses avec les verbes : mettre de l'acharnement (Henri de Montherlant, Les Lépreuses, 1939, page 1376); mettre un acharnement désespéré (Louis-Émile-Edmond Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 234); poursuivre avec acharnement (Alfred de Vigny, Le Journal d'un poète, 1830, page 925; Augustin Thierry, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 17; Lautréamont, Les Chants de Maldoror, 1869, page 168-169-170).  

2.  Association paradigmatique :  acharnement/labeur (Maurice Druon, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 97); acharnement/obstination (Louis-Émile-Edmond Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 244). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 435. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 503, b) 912; XXe.  siècle : a) 579, b) 582. 

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