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AISÉ, -ÉE, adjectif.

Publié le 18/10/2015

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AISÉ, -ÉE, adjectif.  

A.—  Commode. 

1. Vieux, rare. 

a) [En parlant de choses (confer aisance A 2 b)]  Où l'on est à l'aise. Souliers aisés, vêtements aisés (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)); voiture aisée (Dictionnaire de l'Académie Française) : 

Ø 1. Toute idée sage tient l'homme à sa place dans l'univers, la lui fait sentir et la lui fait aimer, comme un lieu natal, aisé, commode, accoutumé. 

JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 283. 

Ø 2. Je vais reprendre mes travaux ordinaires et m'avancer de tout mon pouvoir vers le but que je me suis donné. J'en suis séparé par une assez forte distance, et le chemin n'est pas des plus aisés;...

MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance,  1835, page 228. 

Ø 3.... il exécuta mon fantassin, celui que je voulais proposer à la compagnie comme idéal. Voici à quoi nous nous arrêtâmes : guêtres d'ordonnance; pantalon bleu, aisé, sans sous-pieds, avec bande jaune et deux lisérés jaunes; ourson à plaque jaune, orné d'une torsade jaune, comme les chasseurs de la garde impériale; épaulettes jaunes; frac à boutons jaunes et aiguillettes jaunes.

LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 176. 

b) [En parlant d'une personne ou de son caractère]  Accommodant Cet homme est aisé à vivre (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845); cet homme n'est pas aisé : \" il est d'une humeur, d'un caractère difficile \". (Dictionnaire de la langue française (PROSPER POITEVIN) 1860). 

2. [En parlant d'une tâche]  Qui peut se faire sans peine. Antonyme : malaisé : 

Ø 4. Certes, aller chercher dans les bas-fonds de l'ordre social, là où la terre finit et où la boue commence, fouiller dans ces vagues épaisses, poursuivre, saisir et jeter tout palpitant sur le pavé cet idiome abject qui ruisselle de fange ainsi tiré au jour, ce vocabulaire pustuleux dont chaque mot semble un anneau immonde d'un monstre de la vase et des ténèbres, ce n'est ni une tâche attrayante ni une tâche aisée. Rien n'est plus lugubre que de contempler ainsi à nu, à la lumière de la pensée, le fourmillement effroyable de l'argot.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 188. 

Ø 5. Théâtre. L'auteur au critique :

—  Vous feriez bien mieux d'écrire de bonnes pièces!

—  Vous aussi, répond le critique.

La critique est aisée et l'art est difficile, et les deux ne sont pas commodes. 

JULES RENARD, Journal,  1907, page 1108. 

Remarque : 1. Syntagmes. Aisé s'applique de préférence à des tâches intellectuelles : tâche aisée; travail — ; expérience aisée; la critique est aisée; oeuvre aisée (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, Cécile parmi nous, 1938, page 209). 2. \" Aisé, facile. Le premier se rapporte à l'état des choses en elles-mêmes; ce qui est aisé n'offre dans sa nature même aucun obstacle sérieux. Le second se rapporte plutôt à la position de celui qui veut faire quelque chose; si les personnes qui l'entourent ou les circonstances dans lesquelles il se trouve n'opposent point d'obstacles, la chose à faire est pour lui facile : l'entrée d'un port est aisée lorsqu'elle est large et commode à passer; elle est facile lorsque personne n'arrête au passage. \" (Nouveau Larousse illustré); \" pour le style, aisé indique le naturel, facile marque plutôt le relâchement \" (Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

—  Spécialement. Aisé + préposition + infinitif. 

·    Aisé à + infinitif (notamment des verbes de perception ou d'action : concevoir, faire, sentir, voir). Cela vous est bien aisé à dire (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845); une chose plus aisée à dire qu'à faire (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845) : 

Ø 6. Ce n'est pas sans peine que j'ai su l'anglais, quoiqu'on ait pris la mauvaise habitude de dire qu'il n'y a rien de si aisé à apprendre. L'étude de la langue la plus aisée est toujours difficile, quand on veut vraiment la savoir. Ce n'est qu'au bout de trois ans que j'ai joui du fruit de mes peines. Et, cependant, sans avoir une facilité extraordinaire, je ne manque pas d'aptitude pour apprendre.

ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal,  1827, page 380. 

Ø 7. Nul ne peut vouloir sans faire. (...) J'entends que l'exécution doit précéder le vouloir. Comment cela? rien n'est plus simple ni plus aisé à comprendre si l'on considère l'homme tout entier, l'homme dans la situation de l'homme, tel qu'il est né, tel qu'il a grandi. Que l'homme agisse avant de vouloir, c'est ce qui est évident par l'enfance.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1932, page 1075. 

Ø 8. Il importait dès lors, pour combattre la thèse spontaniste, de reproduire les expériences de Spallanzani, mais dans des conditions telles qu'on ne pût imputer au manque d'oxygène la stérilité des infusions chauffées (...). Expérience fort aisée à concevoir, mais assez difficile à réaliser de façon irréprochable.

JEAN ROSTAND, La Genèse de la vie,  1943, pages 75-76. 

·    Il est aisé de + infinitif : 

Ø 9. Plus tard, il [l'Empereur] observait combien, après tout, il était tout à la fois aisé et difficile de l'approcher, d'avoir affaire à lui, de s'en faire juger; combien il tenait peu avec lui de faire sa fortune ou de la manquer.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 53. 

B.—  [En parlant de personnes ou de leur niveau de vie]  Qui a de l'aisance, qui vit dans l'aisance (confer aisance B). Les classes aisées : 

Ø 10. Après avoir pris soin de nos chevaux, ce brave colon nous montra, avec une espèce de vénération, la souche du premier pin qu'il avoit renversé quelques années auparavant, nous fit observer ce qu'il avoit déjà fait, et ce qu'il lui restoit encore à faire avant de devenir aisé et opulent. 

MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'État de New-York, tome 1, 1801, page 45. 

Ø 11. Un petit nombre d'hommes des classes aisées et privilégiées, dévore la subsistance d'une grande multitude; (...) pendant ce temps, les hommes et les femmes de la classe pauvre, à qui on enlève journellement une partie considérable du fruit de leurs travaux, sont affaiblis par une fatigue excessive, languissent dans la misère, et sont vieux avant le temps.

ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu.  1807, page 379. 

Ø 12. Daudet reproche à sa femme, gentiment et d'une manière philosophique, de ne pas connaître la pitié pour le malheur. Elle répond très franchement que cela n'est plus, mais que cela était autrefois, quand elle était toute jeune, toute bien portante, toute vivante dans le bonheur d'une existence facile et aisée, et qu'alors il n'y avait dans la charité qu'elle faisait aucun attendrissement, rien de son coeur.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  mars 1877, pages 1175-1176. 

Ø 13. Les rapports de l'homme avec Dieu m'ont de tout temps paru beaucoup plus importants et intéressants que les rapports des hommes entre eux. Il était du reste assez naturel que, né dans une situation aisée, je n'aie pas eu à me préoccuper beaucoup de ceux-ci. Si mes parents avaient eu à gagner péniblement leur vie, il n'en eût sans doute pas été de même.

ANDRÉ GIDE, Ainsi soit-il, ou Les Jeux sont faits,  1951, pages 1175-1176. 

Remarque : 1. Aisé est associé à opulent, riche et s'oppose à pauvre. 2. Syntagmes. Aisé caractérise souvent le possesseur d'une terre : colon aisé; paysan —  (GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 203); cultivateurs aisés (HONORÉ DE BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, page 106); paysans aisés (ALPHONSE DE LAMARTINE, Les Confidences, 1849, page 93); propriétaire —  (JEAN-BAPTISTE SAY, Traité d'économie politique, 1832, page 130). On relève encore existence facile et aisée; situation aisée; vie aisée (HONORÉ DE BALZAC, opere citato, page 64); les classes aisées et privilégiées; les familles riches ou aisées (JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, ALEXIS DE TOCQUEVILLE, Correspondance, lettre de Joseph Arthur comte de Gobineau à Alexis de Tocqueville, 15 janvier 1856, page 248). 3. Emploi substantival, vieux (Dictionnaire de l'Académie Française 1835). Les aisés. Les riches (Dictionnaire de l'Académie Française 1798, 1835); la taxe des aisés; on l'a mis sur le rôle des aisés (Dictionnaire de l'Académie Française 1835). 

C.—  [En parlant d'une personne ou de son comportement]  Qui a de l'aisance, du naturel (confer aisance C). 

1. [En parlant du corps, des mouvements et des attitudes d'une personne]  Taille aisée; démarche aisée; gestes aisés; voix aisée; vol aisé (Lautréamont, Les Chants de Maldoror, 1869, page 309) : 

Ø 14. Marthe avait de très-petits pieds, et les pieds d'une Parisienne, de petits pieds remuants, coquets, presque spirituels. Elle avait aussi de petites mains avec des fossettes et des ongles roses, et toutes sortes de jolis gestes au bout des doigts. Sa taille était libre, aisée et ronde. 

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Charles Demailly,  1860, page 224. 

Ø 15. Il était fort élégamment mis, en tenue légère, avec une cravate un peu lâche et des habits larges, tels qu'il aimait à les porter, surtout en été. Il avait cette démarche aisée, cette façon libre de se mouvoir dans des habits flottants qui lui donnaient à certains moments comme un air fort original de jeune homme étranger, soit anglais, soit créole.

EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 89. 

Ø 16. À part son regard, il est calme, naturel, presque bonhomme... Ses gestes sont aisés, sa voix ne tremble plus... Je me tais... Et Joseph, reprenant le journal qu'il avait posé sur la table, se remet à lire le plus tranquillement du monde...

OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre,  1900, page 179. 

Ø 17. Papa disait d'une voix fort aisée : —  Vous pouvez compter sur moi. Mes hommages, Madame. Oui, Madame. Au revoir, Madame. Une créancière. Je connaissais trop bien cette voix de papa, faussement aisée. Quelle histoire encore?

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie,  1939, page 306. 

2. [En parlant des qualités d'expression intellectuelle ou morale]  Style aisé, vers aisé (Dictionnaire de l'Académie Française) : 

Ø 18. Je ne puis écouter ni concevoir qu'avec effort, cela me donne un air contraint et sérieux. Je n'ai pas le bonheur de porter dans les affaires, même courantes, ce ton aisé et dégagé que je vois aux hommes qui ont l'habitude des affaires et qui disposent de leurs facultés, etc.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1816, page 234. 

Ø 19.... je sentis bien que j'étais vaincu par Venise. Au contact de la loi que sa beauté révèle, la loi que je servais faillit. J'eus le courage de me renoncer. Mon contentement systématique fit place à une sympathie aisée, facile, pour tout ce qui est moi-même.

MAURICE BARRÈS, Un Homme libre,  1889, page 171. 

Ø 20.... j'arrivai vite à comprendre que les choses réputées les pires (le mensonge, pour ne citer que celle-là) ne sont difficiles à faire que tant qu'on ne les a jamais faites; mais qu'elles deviennent chacune, et très vite, aisées, plaisantes, douces à refaire, et bientôt comme naturelles. 

ANDRÉ GIDE, L'Immoraliste,  1902, page 404. 

Ø 21. Ce style fabriqué et faux, dit-on encore; ou bien : ce style naturel et aisé; ces pages pleines de rhétorique ou ces pages pures de rhétorique... ainsi de suite.

Je ne voudrais pas donner à la dispute des critiques plus de gravité qu'elle n'en a. Pourtant, comment ne point observer qu'elle trahit ici une divergence plus grave que celle que l'on a pu soupçonner jusqu'à présent : une divergence de langage.

JEAN PAULHAN, Les Fleurs de Tarbes,  1941, pages 192-193. 

Remarque : 1. Aisé est associé à dégagé, naturel, facile. 2. Syntagmes langue aisée, ton aisé, style — , sympathie aisée, politesse aisée (Nicolas-Edme Restif, dit Restif de La Bretonne, Monsieur Nicolas, 1796, page 110). Avec une nuance péjorative dévotion aisée (Charles-Amédée de Sainte-Beuve, Port-Royal, tome 5, 1859, page 338); morale aisée (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 701. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 3 323, b) 1 730; XXe.  siècle : a) 2 028, b) 2 250. 

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