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41 Il avait dû s'endormir.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

41 Il avait dû s'endormir. Quand il ouvrit les yeux, une lumière blanche envahit la pièce. Yvan se protégea le visage. -- Alors, on avance ? lança Eddy en examinant les feuilles éparses sur la table de travail. -- J'ai soif. -- Moi aussi, j'ai soif, et tu sais de quoi. Alors ? -- J'ai progressé. J'ai des raisons de penser que nous devons visiter le château de VillersCotterêts. -- Nous ? Non. Elle. Marion sera tes yeux. Dis-lui quoi chercher, elle trouvera. -- Impossible. C'est un travail que nous accomplissions à deux, elle et moi, tout ça est complexe. Eddy se frotta le menton. Il rebattait les cartes dans sa tête. Un sourire machiavélique apparut sur ses lèvres. -- Si t'insistes, c'est elle qui prendra ta place ici, et c'est toi qui iras. Yvan perçut le danger. Il aurait du mal à le convaincre, mais pas question d'abandonner Marion à ce fou. -- Il faut absolument que nous soyons ensemble, je ne peux rien faire sans elle. -- C'est non. Je te laisse réfléchir encore un peu. Ensuite, il faudra agir... À moins que tu veuilles que je vous aide à ma manière, fit Eddy en lui flanquant un coup de pied dans le dos. Puis il se pencha vers la table et se saisit des derniers documents en évidence. Il repéra des notes concernant Villers-Cotterêts et s'en alla avec. Yvan se roula par terre, plié par la douleur. Ses côtes lui donnaient l'impression de cisailler sa chair. Son bourreau l'avait frappé à dessein là où il aurait le plus mal. L'oeil collé à l'oeilleton, Eddy se régalait du spectacle. Bientôt, il lui ferait la peau. « Gémis encore, tant que tu le peux. » Il regarda les documents qu'il venait de ramasser sur le bureau d'Yvan. Assez lambiné, il était temps d'avancer et de contacter celle qu'il convoitait plus que tout. Ses mains devinrent moites à l'idée d'entendre sa voix. Il avait un plan bien particulier pour cette journée. Il se rendit en voiture à Paris. Au coeur de la ville l'attendait sa base de repli. C'était sa planque ultime, celle où il viendrait se réfugier pour quelque temps après avoir conclu l'affaire. Personne ne le dérangerait dans cet endroit. Il composa le numéro de Marion. Elle décrocha avant la seconde sonnerie. Eddy ne bouda pas son plaisir. Il captait le souffle de la jeune femme dans l'écouteur. La respiration était rapide. Il l'entendait déjà se transformer en râle tandis qu'il jouirait de l'obtention de cette âme. -- Vous êtes là ? Parlez... Il se reprit. -- Où en es-tu ? As-tu des choses à me communiquer ? -- J'ai obtenu des résultats intéressants, mais il faut que j'en parle à Yvan. -- Décidément, vous êtes devenus siamois... C'est non. Pas pour l'instant. Tu vas commencer par te rendre au garage. Cette fois, tu passeras par-derrière et tu suivras le fléchage, des bouts d'adhésif orange. Ils te mèneront à l'étage. Là-haut, tu trouveras un paquet. -- Je... Marion n'eut pas le temps de répondre, la communication fut coupée. Elle se trouvait à la table du petit déjeuner, à deux pas de Jane qui farfouillait dans un placard. Celle-ci n'avait saisi que des bribes de ce que disait Marion, mais le ton l'avait mise en alerte. Elle ne montra cependant rien de ses pensées quand elle vit sa nièce préparer ses affaires. -- À tout à l'heure, lança Marion à sa tante qui partait arroser ses plantes.   À peine la jeune femme eut-elle tourné le dos que Jane s'élança à sa suite, veillant à ne pas se faire repérer. Il n'était plus question pour elle de la lâcher. Dans le métro, Marion songeait à Yvan. Elle avait laissé un message sur son portable à l'attention de son ravisseur, mais elle n'eut aucune réponse. Son inquiétude grandissait à mesure qu'elle approchait de sa destination. Que pouvait bien contenir le paquet qui l'attendait ? Et pourquoi ce nouveau jeu de pistes ? Que mijotait encore ce pervers ? Elle sortit « Porte d'Italie », et courut une nouvelle fois vers la rue Roger-Salengro et l'impasse où était situé le garage. Marion suivit la consigne. Passer par-derrière, entrer par la porte barrée de planches à moitié cassées. Quand Jane approcha de l'impasse et qu'elle vit Marion entrer dans cette bâtisse à l'aspect sinistre et répugnant, ses derniers doutes tombèrent. C'était donc là qu'elle se procurait sa drogue. « Marion, pourquoi m'avoir caché tout ça ? » Elle lui emboîta discrètement le pas, apeurée par l'atmosphère. Marion avait repéré l'escalier métallique qui menait à l'étage. Ses pas résonnèrent sur les marches. Une fois sur le palier, elle posa une main sur la rambarde instable et fouilla des yeux la pénombre environnante, redoutant les mauvaises surprises. Les rubans orange balisaient son parcours. Un couloir étroit, plinthes arrachées, murs lépreux. Le bureau du fond, enfin. Elle s'approcha. L'enveloppe avait été placée sous une machine à écrire au clavier défoncé. Jane avait pénétré à son tour dans le garage. L'instant d'après, un bruit sourd résonna, suivi d'autres, confus et de plus en plus faibles. Marion se raidit, aux aguets, puis s'empara de l'enveloppe et sortit la petite bombe lacrymogène qu'elle gardait dans son sac pour se défendre. Au-dessous d'elle, Eddy avait regagné sa cachette, tel un loir niché dans un grenier et qui vient de capturer sa proie. À ses pieds, le corps de Jane était secoué de tremblements, mais son esprit avait déjà quitté ce monde. -- Fallait pas te mettre dans mes pattes, la vieille, souffla Eddy du bout des lèvres.   Avec prudence, Marion descendit l'escalier. Son coeur battait à se rompre, si fort qu'il l'empêchait d'être à l'écoute autant qu'elle l'aurait voulu. Seule au milieu des palans et des chaînes qui pendaient du plafond telles des lianes d'acier prêtes à l'enserrer, la jeune fille brandissait sa petite arme défensive, dérisoire, et progressait à pas comptés. Eddy respirait lentement, sans bruit, tapi dans la fosse à vidange, sous les planches qu'il avait remises en place au-dessus de sa tête. Le cadavre de Jane était coincé près de lui, tassé dans un angle. Marion traversa l'atelier, le cou rentré, les muscles tendus. Elle ne s'était jamais sentie si vulnérable. La lumière du jour n'était pourtant pas loin.   La savoir si proche, si magnifiquement offerte, donnait à Eddy des suées. La consommer, là, sur-lechamp. Il serra les mâchoires. Attendre. Pas encore. Bientôt... Il avait informé le patron de la proposition d'Yvan. Ça sentait le coup fourré mais son employeur n'était pas du même avis. Ils touchaient au but, on devait accepter leurs conditions. Il suffirait de les tenir en laisse. Eddy avait ronchonné, pour la forme. Le patron voulait en finir. Lui aussi.   En retrouvant l'air libre, Marion inspira à pleins poumons. L'impasse lui parut moins effrayante que la caverne dont elle sortait. Des silhouettes tenaient le mur, devant elle. Trois jeunes. L'un d'eux la siffla. -- Hé, toi ! T'aurais pas une clope ? Elle toisa le garçon qui l'interpellait et poursuivit son chemin sans rien dire. Il la rattrapa par le bras. -- Tu pourrais au moins répondre ! On t'a pas appris la politesse ? -- Écoute, c'est pas le jour, vraiment pas, alors laisse tomber, OK ? Elle avait remis sa bombe dans son sac, mais le ton de sa voix témoignait de sa détermination à ne pas se laisser intimider. Le jeune n'insista pas. -- T'as vu comme elle t'a mis un vent ! Trop canon pour toi, mec. -- Elle mérite pas un beau gosse comme moi, c'est tout. Le plus grand des trois commença à s'agripper à la gouttière du garage. Il s'y balança pour fanfaronner. -- Eh ! Blaireau, si tu te gaufres, compte pas sur moi pour te ramener. T'es vraiment trop nase. Les grincements de la gouttière résonnèrent dans le garage. Dérangé, Eddy s'éclipsa par l'arrière du bâtiment et rejoignit sa voiture, qu'il avait garée à l'entrée de l'impasse. Devant le garage, l'acrobate s'était hissé sur un mur de clôture et mettait ses copains au défi de le suivre. Les deux autres échangèrent un regard entendu. -- OK, il veut jouer, on va pas le rater.   Marion s'était engouffrée dans le métro. Trouvant une place assise, elle s'y rencogna, l'enveloppe serrée contre sa poitrine. Elle descendit avant sa station. Elle regagnerait l'appartement plus tard. Elle n'avait ni l'envie ni la force de répondre aux questions de Jane ni de feindre la désinvolture. Se dirigeant vers un café, elle s'installa en terrasse et commanda une vodka. Elle avait besoin d'un alcool fort. Elle n'avait pas eu le temps d'acheter sa dose. Pas une ligne depuis cinq jours. Elle tenait, elle ne savait pas comment. Le serveur déposa le verre sur la table. Elle but une gorgée, puis ouvrit le pli et commença sa lecture. Elle serait courte. Yvan avait arraché une feuille de bloc-notes et jeté dessus des bouts de phrases en rapport avec le château de Villers-Cotterêts. Ne sachant pas comment interpréter ce brouillon, Marion y chercha un message. En vain. Au moins Yvan était-il encore capable de manier un stylo et d'aligner des éléments de réflexion. * De retour dans le local, Eddy ordonna à Yvan de s'allonger face contre terre et lui banda les yeux. À genoux sur son dos, il lui écrasait les reins. Yvan endura sans rien dire, attendant la suite. Eddy ouvrit le placard où il rangeait son matériel photo et en sortit une petite boîte. Celle-ci contenait une arme de poing, un Sig-Sauer. Eddy remplit le chargeur de quinze balles calibre 9 millimètres. -- On va aller faire un petit tour, annonça-t-il à son prisonnier. Yvan sentit des sueurs froides lui couler dans le dos. Ce type était capable de l'exécuter. Il pensa à la mort. Tout défilait en accéléré dans sa tête. Les années passées avec Lise, sa fille chérie, leur départ... Il pensa à Marion, à tout ce qu'il n'avait pu lui dire. Eddy lui retirait déjà le bandeau. Tenter quelque chose, n'importe quoi. -- Villers-Cotterêts, ce n'est peut-être pas si éloigné, dit Yvan. -- Au moindre faux pas, ce sera elle qui paiera, OK ? dit Eddy en pressant le canon de l'arme sur sa tempe. On peut viser à plein d'endroits avant de donner la mort..., acheva-t-il. C'est comme quand on cogne. Yvan n'avait entendu qu'une chose. Il allait sortir et rejoindre Marion. -- Ce ne sera pas un voyage en première, faudra t'y faire. Quand on désobéit, c'est la règle, ajouta Eddy. Yvan se laissa bâillonner puis ligoter les mains et les pieds. Eddy le traîna sans ménagement jusque dans son coffre. De nouveau, il fut plongé dans le noir. Ne pouvant compter que sur les bruits environnants pour se repérer, Yvan chercha à mémoriser le parcours emprunté. Il tendit l'oreille pour entendre la conversation dans l'habitacle. Le ravisseur téléphonait. À qui ? Pourquoi ? Impossible de comprendre, les mots ne lui parvenaient que de façon confuse. À mesure que les kilomètres défilaient, il sembla à Yvan que son espace se réduisait, le comprimait, le broyait pour mieux l'avaler. Il pensa à Jonas dans le ventre de la baleine. L'engourdissement gagnait ses membres. Chaque fois qu'il sentait la voiture ralentir, il espérait être arrivé à destination. Il dut attendre longtemps.

« Jane avaitpénétré àson tour dans legarage.

L’instant d’après,unbruit sourd résonna, suivi d’autres, confusetde plus enplus faibles.

Marionseraidit, auxaguets, puiss’empara del’enveloppe et sortit lapetite bombe lacrymogène qu’ellegardait danssonsacpour sedéfendre. Au-dessous d’elle,Eddyavaitregagné sacachette, telun loir niché dansungrenier etqui vient de capturer saproie.

Àses pieds, lecorps deJane étaitsecoué detremblements, maissonesprit avaitdéjà quitté cemonde. — Fallait pastemettre dansmespattes, lavieille, souffla Eddydubout deslèvres.   Avec prudence, Mariondescendit l’escalier.Soncœur battait àse rompre, sifort qu’il l’empêchait d’être àl’écoute autantqu’elle l’aurait voulu.Seuleaumilieu despalans etdes chaînes quipendaient du plafond tellesdeslianes d’acier prêtesàl’enserrer, lajeune fillebrandissait sapetite armedéfensive, dérisoire, etprogressait àpas comptés.

Eddyrespirait lentement, sansbruit, tapidans lafosse àvidange, sous lesplanches qu’ilavait remises enplace au-dessus desatête.

Lecadavre deJane étaitcoincé près de lui, tassé dansunangle.

Marion traversa l’atelier,lecou rentré, lesmuscles tendus.Ellenes’était jamais sentiesivulnérable.

Lalumière dujour n’était pourtant pasloin.   Lasavoir siproche, simagnifiquement offerte,donnait àEddy dessuées.

Laconsommer, là,sur-le- champ.

Ilserra lesmâchoires.

Attendre.Pasencore.

Bientôt… Ilavait informé lepatron delaproposition d’Yvan.

Çasentait lecoup fourré maissonemployeur n’étaitpasdumême avis.Ilstouchaient aubut, on devait accepter leursconditions.

Ilsuffirait deles tenir enlaisse.

Eddyavaitronchonné, pourlaforme.

Le patron voulait enfinir.

Luiaussi.   Enretrouvant l’airlibre, Marion inspiraàpleins poumons.

L’impasse luiparut moins effrayante que la caverne dontellesortait.

Dessilhouettes tenaientlemur, devant elle.Trois jeunes.

L’und’eux lasiffla. — Hé, toi !T’aurais pasune clope ? Elle toisa legarçon quil’interpellait etpoursuivit sonchemin sansriendire.

Illa rattrapa parlebras. — Tu pourrais aumoins répondre ! Ont’apas appris lapolitesse ? — Écoute, c’estpaslejour, vraiment pas,alors laisse tomber, OK ? Elle avait remis sabombe danssonsac, mais leton desavoix témoignait desadétermination àne pas selaisser intimider.

Lejeune n’insista pas. — T’as vucomme ellet’amis unvent ! Tropcanon pourtoi,mec. — Elle méritepasunbeau gosse comme moi,c’est tout. Le plus grand destrois commença às’agripper àla gouttière dugarage.

Ils’y balança pour fanfaronner.

— Eh ! Blaireau, situ tegaufres, comptepassurmoi pour teramener.

T’esvraiment tropnase. Les grincements delagouttière résonnèrent danslegarage.

Dérangé, Eddys’éclipsa parl’arrière du bâtiment etrejoignit savoiture, qu’ilavait garée àl’entrée del’impasse.

Devantlegarage, l’acrobate s’était hissésurunmur declôture etmettait sescopains audéfi delesuivre.

Lesdeux autres échangèrent unregard entendu. — OK, ilveut jouer, onvapas lerater.   Marion s’étaitengouffrée danslemétro.

Trouvant uneplace assise, elles’yrencogna, l’enveloppe serrée contresapoitrine.

Elledescendit avantsastation.

Elleregagnerait l’appartement plustard.

Elle n’avait nil’envie nilaforce derépondre auxquestions deJane nide feindre ladésinvolture.

Sedirigeant vers uncafé, elles’installa enterrasse etcommanda unevodka.

Elleavait besoin d’unalcool fort.Elle n’avait paseuletemps d’acheter sadose.

Pasuneligne depuis cinqjours.

Elletenait, ellenesavait pas comment.

Leserveur déposaleverre surlatable.

Ellebutune gorgée, puisouvrit lepli etcommença sa lecture.

Elleserait courte.

Yvanavaitarraché unefeuille debloc-notes etjeté dessus desbouts de phrases enrapport aveclechâteau deVillers-Cotterêts.

Nesachant pascomment interpréter ce brouillon, Marionychercha unmessage.

Envain.

Aumoins Yvanétait-il encore capable demanier un stylo etd’aligner deséléments deréflexion. * De retour danslelocal, Eddyordonna àYvan des’allonger facecontre terreetlui banda lesyeux.

À genoux surson dos, illui écrasait lesreins.

Yvanendura sansriendire, attendant lasuite.

Eddyouvrit le placard oùilrangeait sonmatériel photoeten sortit unepetite boîte.

Celle-ci contenait unearme de poing, unSig-Sauer.

Eddyremplit lechargeur dequinze ballescalibre 9millimètres. — On vaaller faire unpetit tour, annonça-t-il àson prisonnier. Yvan sentit dessueurs froidesluicouler dansledos.

Cetype étaitcapable del’exécuter.

Ilpensa à la mort.

Toutdéfilait enaccéléré danssatête.

Lesannées passées avecLise, safille chérie, leur départ… Ilpensa àMarion, àtout cequ’il n’avait puluidire. Eddy luiretirait déjàlebandeau. Tenter quelque chose,n’importe quoi. — Villers-Cotterêts, cen’est peut-être passiéloigné, ditYvan.. »

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