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dans les jaguars ; mais celles des femmes et des enfants sont emportées dans l'atmosphère où elles se dissipent à jamais.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

dans les jaguars ; mais celles des femmes et des enfants sont emportées dans l'atmosphère où elles se dissipent à jamais. ette distinction explique que les femmes soient bannies des cérémonies les plus sacrées, qui consistent, au début de la ériode agricole, dans la confection de flageolets de bambou « nourris » d'offrandes et joués par les hommes, uffisamment loin des abris pour que les femmes ne puissent les apercevoir. Bien que la saison ne s'y prêtât pas, je désirais beaucoup entendre les flûtes et en acquérir quelques exemplaires. édant à mon insistance, un groupe d'hommes partit en expédition : les gros bambous poussent seulement dans la forêt ointaine. Trois ou quatre jours plus tard, je fus réveillé en pleine nuit ; les voyageurs avaient attendu que les femmes ussent endormies. Ils m'entraînèrent à une centaine de mètres où, dissimulés par les buissons, ils se mirent à fabriquer es flageolets, puis à en jouer. Quatre exécutants soufflaient à l'unisson ; mais comme les instruments ne sonnent pas xactement pareil, on avait l'impression d'une trouble harmonie. La mélodie était différente des chants nambikwara uxquels j'étais habitué et qui, par leur carrure et leurs intervalles, évoquaient nos rondes campagnardes ; différente ussi des appels stridents qu'on sonne sur des ocarinas nasaux à trois trous, faits de deux morceaux de calebasse unis vec de la cire. Tandis que les airs joués sur les flageolets, limités à quelques notes, se signalaient par un chromatisme et es variations de rythme qui me semblaient offrir une parenté saisissante avec certains passages du Sacre, surtout les modulations des bois dans la partie intitulée « Action rituelle des ancêtres ». Il n'aurait pas fallu qu'une femme s'aventurât parmi nous. L'indiscrète ou l'imprudente eût été assommée. Comme chez les Bororo, une véritable alédiction métaphysique plane sur l'élément féminin ; mais, à l'inverse des premières, les femmes nambikwara ne ouissent pas d'un statut juridique privilégié (bien qu'il semble, chez les Nambikwara aussi, que la filiation se transmette n ligne maternelle). Dans une société aussi peu organisée, ces tendances restent sous-entendues, et la synthèse s'opère plutôt à partir de conduites diffuses et nuancées. Avec autant de tendresse que s'ils caressaient leurs épouses, les hommes évoquent le type de vie défini par l'abri temporaire et le panier permanent, où les moyens de subsistance les plus incongrus sont avidement extraits, ramassés, capturés chaque jour, où l'on vit exposé au vent, au froid et à la pluie, et qui ne laisse pas plus de trace que les âmes, dispersées par le vent et les orages, des femmes sur l'activité desquelles il repose essentiellement. Et ils conçoivent sous n tout autre aspect la vie sédentaire (dont le caractère spécifique et ancien est pourtant attesté par les espèces riginales qu'ils cultivent), mais à laquelle l'immuable enchaînement des opérations agricoles confère la même perpétuité que les âmes masculines réincarnées, la durable maison d'été, et le terrain de culture qui recommencera à vivre et à produire « quand la mort de son précédent exploitant aura été oubliée... ». Faut-il interpréter de la même façon l'extraordinaire instabilité dont témoignent les Nambikwara, qui passent rapidement de la cordialité à l'hostilité ? Les rares observateurs qui les ont approchés en ont été déconcertés. La bande d'Utiarity était celle qui, cinq ans auparavant, avait assassiné les missionnaires. Mes informateurs masculins décrivaient cette attaque avec complaisance et se disputaient la gloire d'avoir porté les meilleurs coups. En vérité, je ne pouvais leur en vouloir. J'ai connu beaucoup de missionnaires et j'ai apprécié la valeur humaine et scientifique de plusieurs. Mais les missions protestantes américaines qui cherchaient à pénétrer dans le Mato Grosso central autour de 1930 appartenaient à une espèce particulière : leurs membres provenaient de familles paysannes du Nebraska ou des Dakota, où les adolescents étaient élevés dans une croyance littérale à l'Enfer et aux chaudrons d'huile bouillante. Certains se faisaient issionnaires comme on contracte une assurance. Ainsi tranquillisés sur leur salut, ils pensaient n'avoir rien d'autre à aire pour le mériter ; dans l'exercice de leur profession, ils témoignaient d'une dureté et d'une inhumanité révoltantes. Comment l'incident responsable du massacre avait-il pu se produire ? Je m'en rendis compte moi-même à l'occasion d'une maladresse qui faillit me coûter cher. Les Nambikwara ont des connaissances toxicologiques. Ils fabriquent du curare pour leurs flèches à partir d'une infusion de la pellicule rouge revêtant la racine de certains strychnos, qu'ils font évaporer au feu jusqu'à ce que le mélange ait acquis une consistance pâteuse ; et ils emploient d'autres poisons végétaux que chacun transporte avec soi sous forme de poudres enfermées dans des tubes de plume ou de bambou, entourés de fils de coton ou d'écorce. Ces poisons servent aux vengeances commerciales ou amoureuses ; j'y reviendrai. Outre ces poisons de caractère scientifique, que les indigènes préparent ouvertement sans aucune de ces précautions et complications magiques qui accompagnent, plus au nord, la fabrication du curare, les Nambikwara en ont d'autres dont la nature est mystérieuse. Dans des tubes identiques à ceux contenant les poisons vrais, ils recueillent des particules de résine exsudée par un arbre du genre bombax, au tronc renflé dans sa partie moyenne ; ils croient qu'en projetant une particule sur un adversaire, ils provoqueront une condition physique semblable à celle de l'arbre : la victime enflera et mourra. Qu'il s'agisse de poisons véritables ou de substances magiques, les Nambikwara les désignent tous du même erme : nandé. Ce mot dépasse donc la signification étroite que nous attachons à celui de poison. Il connote toute espèce d'actions menaçantes ainsi que les produits ou objets susceptibles de servir à de telles actions. Ces explications étaient nécessaires pour comprendre ce qui suit. J'avais emporté dans mes bagages quelques-uns de ces grands ballons multicolores en papier de soie qu'on emplit d'air chaud en suspendant à leur base une petite torche, t qu'on lance par centaines, au Brésil, à l'occasion de la fête de la Saint-Jean ; l'idée malencontreuse me vint un soir d'en ffrir le spectacle aux indigènes. Un premier ballon qui prit feu au sol suscita une vive hilarité, comme si le public avait eu la moindre notion de ce qui aurait dû se produire. Au contraire, le second réussit trop bien : il s'éleva rapidement, monta si haut que sa flamme se confondit avec les étoiles, erra longtemps au-dessus de nous et disparut. Mais la gaieté du début avait fait place à d'autres sentiments ; les hommes regardaient avec attention et hostilité, et les femmes, tête enfouie entre les bras et blotties l'une contre l'autre, étaient terrifiées. Le mot de nandé revenait avec insistance. Le lendemain matin, une délégation d'hommes se rendit auprès de moi, exigeant d'inspecter la provision de ballons afin de voir « s'il ne 'y trouvait pas du nandé ». Cet examen fut fait de façon minutieuse ; par ailleurs, grâce à l'esprit remarquablement ositif (malgré ce qui vient d'être dit) des Nambikwara, une démonstration du pouvoir ascensionnel de l'air chaud à l'aide e petits fragments de papier lâchés au-dessus d'un feu, fut, sinon comprise, en tout cas acceptée. Comme à l'habitude uand il s'agit d'excuser un incident, on mit tout sur le dos des femmes « qui ne comprennent rien », « ont eu peur », et edoutaient mille calamités. Je ne me faisais pas d'illusion : les choses auraient pu fort mal se terminer. Pourtant, cet incident, et d'autres que je onterai par la suite, n'ont rien enlevé à l'amitié que seule pouvait inspirer une intimité prolongée avec les Nambikwara. ussi ai-je été bouleversé en lisant récemment, dans une publication d'un collègue étranger, la relation de sa rencontre avec la même bande indigène dont, dix ans avant qu'il ne la visitât, j'avais partagé l'existence à Utiarity. Quand il s'y endit en 1949, deux missions étaient installées : les jésuites dont j'ai parlé, et des missionnaires américains protestants. a bande indigène ne comptait plus que dix-huit membres, au sujet desquels notre auteur s'exprime comme suit : « De tous les Indiens que j'ai vus au Mato Grosso, cette bande rassemblait les plus misérables. Sur les huit hommes, un était syphilitique, un autre avait un flanc infecté, un autre une blessure au pied, un autre encore était couvert du haut en as d'une maladie de peau squameuse, et il y avait aussi un sourd-muet. Pourtant, les femmes et les enfants paraissaient en bonne santé. Comme ils n'utilisent pas le hamac et dorment à même le sol, ils sont toujours couverts de terre. Quand les nuits sont froides, ils dispersent le feu et dorment dans les cendres chaudes... (Ils) portent des vêtements seulement quand les missionnaires leur en donnent et exigent qu'ils les mettent. Leur dégoût du bain ne permet pas seulement la formation d'un enduit de poussière et de cendre sur leur peau et leur chevelure ; ils sont aussi couverts de parcelles pourries de viande et de poisson qui ajoutent leur odeur à celle de la sueur aigre, rendant leur voisinage repoussant. Ils semblent infectés par des parasites intestinaux car ils ont l'estomac distendu et ne cessent pas d'avoir des vents. À plusieurs reprises, travaillant avec des indigènes entassés dans une pièce étroite, j'étais obligé de m'interrompre pour aérer. .................................................... « Les Nambikwara... sont hargneux et impolis jusqu'à la grossièreté. Quand je rendais visite à Julio à son campement, l arrivait souvent que je le trouve couché près du feu ; mais en me voyant approcher il me tournait le dos en déclarant u'il ne désirait pas me parler. Les missionnaires m'ont raconté qu'un Nambikwara demandera plusieurs fois qu'on lui onne un objet, mais qu'en cas de refus il essayera de s'en emparer. Pour empêcher les Indiens d'entrer, ils rabattaient arfois le paravent de feuillage utilisé comme porte, mais si un Nambikwara voulait pénétrer, il défonçait cette cloison our s'ouvrir un passage... « Il n'est pas nécessaire de rester longtemps chez les Nambikwara pour prendre conscience de leurs sentiments rofonds de haine, de méfiance et de désespoir qui suscitent chez l'observateur un état de dépression dont la sympathie 'est pas complètement exclue (6). » Pour moi, qui les ai connus à une époque où les maladies introduites par l'homme blanc les avaient déjà décimés, mais où - depuis les tentatives toujours humaines de Rondon - nul n'avait entrepris de les soumettre, je voudrais oublier cette description navrante et ne rien conserver dans la mémoire, que ce tableau repris de mes carnets de notes où je le griffonnai une nuit à la lueur de ma lampe de poche : « Dans la savane obscure, les feux de campement brillent. Autour du foyer, seule protection contre le froid qui descend, derrière le frêle paravent de palmes et de branchages hâtivement planté dans le sol du côté d'où on redoute le vent ou la pluie ; auprès des hottes emplies des pauvres objets qui constituent toute une richesse terrestre ; couchés à même la terre qui s'étend alentour, hantée par d'autres bandes également hostiles et craintives, les époux, étroitement enlacés, se perçoivent comme étant l'un pour l'autre le soutien, le réconfort, l'unique secours contre les difficultés quotidiennes et la mélancolie rêveuse qui, de temps à autre, envahit l'âme nambikwara. Le visiteur qui, pour la première fois, campe dans la brousse avec les Indiens, se sent pris d'angoisse et de pitié devant le spectacle de cette humanité si totalement démunie ; écrasée, semble-t-il, contre le sol d'une terre hostile par quelque implacable cataclysme ; nue, grelottante auprès des feux vacillants. Il circule à tâtons parmi les broussailles, évitant de heurter une main, un bras, un torse, dont on devine les chauds reflets à la lueur des feux. Mais cette misère est animée de chuchotements et de rires. Les couples s'étreignent comme dans la nostalgie d'une unité perdue ; les caresses ne s'interrompent pas au passage de l'étranger. On devine chez tous une immense gentillesse, une profonde insouciance, une naïve et charmante satisfaction animale, et, rassemblant ces sentiments divers, quelque chose comme l'expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine. » XXVIII LEÇON D'ÉCRITURE Au moins indirectement, je souhaitais me rendre compte du chiffre approximatif de la population nambikwara. En 915, Rondon l'avait estimé à vingt mille, ce qui était probablement exagéré ; mais à cette époque, les bandes tteignaient plusieurs centaines de membres et toutes les indications recueillies sur la ligne suggéraient un déclin rapide : l y a trente ans, la fraction connue du groupe Sabané comprenait plus de mille individus ; quand le groupe visita la station élégraphique de Campos Novos en 1928, on recensa cent vingt-sept hommes, plus les femmes et les enfants. En ovembre 1929 cependant, une épidémie de grippe se déclara alors que le groupe campait au lieudit Espirro. La maladie évolua vers une forme d'oedème pulmonaire, et trois cents indigènes moururent en quarante-huit heures. Tout le groupe se débanda, laissant en arrière les malades et les mourants. Des mille Sabané jadis connus, dix-neuf hommes subsistaient seuls en 1938 avec leurs femmes et leurs enfants. À l'épidémie, il faut peut-être ajouter, pour expliquer ces chiffres, que les Sabané se mirent en guerre il y a quelques années contre certains voisins orientaux. Mais un large groupe installé non oin de Tres Buritis fut liquidé par la grippe en 1927, sauf six ou sept personnes dont trois seulement étaient encore ivantes en 1938. Le groupe Tarundé, jadis l'un des plus importants, comptait douze hommes (plus les femmes et les nfants) en 1936 ; de ces douze hommes, quatre survivaient en 1939. Qu'en était-il à présent ? Guère plus de deux mille indigènes, sans doute, dispersés à travers le territoire. Je ne pouvais onger à un recensement systématique en raison de l'hostilité permanente de certains groupes et de la mobilité de outes les bandes pendant la période nomade. Mais j'essayai de convaincre mes amis d'Utiarity de m'emmener vers leur illage après y avoir organisé une sorte de rendez-vous avec d'autres bandes, parentes ou alliées ; ainsi pourrais-je stimer les dimensions actuelles d'un rassemblement et les comparer en valeur relative avec ceux précédemment bservés. Le chef de la bande hésitait : il n'était pas sûr de ses invités et si mes compagnons et moi-même venions à isparaître dans cette région où aucun blanc n'avait pénétré depuis le meurtre des sept ouvriers de la ligne télégraphique n 1925, la paix précaire qui y régnait risquait d'être compromise pour longtemps. Finalement, il accepta sous la condition que nous réduirions notre équipage : on prendrait seulement quatre boeufs our porter les cadeaux. Même ainsi, il faudrait renoncer à emprunter les pistes habituelles, dans des fonds de vallée ncombrés de végétation où les animaux ne passeraient pas. Nous irions par le plateau, en suivant un itinéraire improvisé our la circonstance. Ce voyage, qui était fort risqué, m'apparaît aujourd'hui comme un épisode grotesque. À peine venions-nous de quitter uruena que mon camarade brésilien remarqua l'absence des femmes et des enfants : seuls les hommes nous ccompagnaient, armés de l'arc et des flèches. Dans la littérature de voyage, de telles circonstances annoncent une ttaque imminente. Nous avancions donc en proie à des sentiments mélangés, vérifiant de temps à autre la position de os revolvers Smith et Wesson (nos hommes prononçaient Cemite Vechetone) et de nos carabines. Vaines craintes : vers a mi-journée, nous retrouvions le reste de la bande que le chef prévoyant avait fait partir la veille, sachant que nos ulets marcheraient plus vite que les femmes chargées de leur hotte et ralenties par la marmaille. Peu après cependant, les Indiens se perdirent : le nouvel itinéraire était moins simple qu'ils ne l'avaient imaginé. Vers e soir il fallut s'arrêter dans la brousse ; on nous avait promis du gibier, les indigènes comptaient sur nos carabines et 'avaient rien emporté, nous ne possédions que des provisions de secours qu'il était impossible de partager entre tous. ne troupe de cervidés qui paissaient aux bords d'une source s'enfuit à notre approche. Le lendemain matin régnait un écontentement général, visant ostensiblement le chef tenu responsable d'une affaire que lui et moi nous avions ombinée. Au lieu d'entreprendre une expédition de chasse ou de cueillette, chacun décida de se coucher à l'ombre des bris, et on laissa le chef découvrir seul la solution du problème. Il disparut, accompagné par l'une de ses femmes ; vers le oir, on les vit tous deux revenir, leurs lourdes hottes remplies de sauterelles qu'ils avaient passé la journée entière à écolter. Bien que le pâté de sauterelles ne soit pas un plat très apprécié, tout le monde mangea avec appétit et retrouva a belle humeur. On se remit en route le lendemain. Enfin, nous atteignîmes le lieu du rendez-vous. C'était une terrasse sableuse surplombant un cours d'eau bordé 'arbres entre lesquels se nichaient les jardins indigènes. Des groupes arrivaient par intermittence. Vers le soir, il y eut oixante-quinze personnes représentant dix-sept familles et groupées sous treize abris à peine plus solides que ceux des ampements. On m'expliqua qu'au moment des pluies, tout ce monde se répartirait entre cinq huttes rondes construites our durer quelques mois. Plusieurs indigènes semblaient n'avoir jamais vu de blanc et leur accueil rébarbatif, la ervosité manifeste du chef suggéraient qu'il leur avait un peu forcé la main. Nous n'étions pas rassurés, les Indiens non lus ; la nuit s'annonçait froide ; comme il n'y avait pas d'arbres où accrocher nos hamacs, nous fûmes réduits à coucher ar terre à la manière nambikwara. Personne ne dormit : on passa la nuit à se surveiller poliment. Il eût été peu sage de prolonger l'aventure. J'insistai auprès du chef pour qu'on procédât aux échanges sans tarder. lors se place un incident extraordinaire qui m'oblige à remonter un peu en arrière. On se doute que les Nambikwara ne avent pas écrire ; mais ils ne dessinent pas davantage, à l'exception de quelques pointillés ou zigzags sur leurs alebasses. Comme chez les Caduveo, je distribuai pourtant des feuilles de papier et des crayons dont ils ne firent rien au

« la moindre notiondecequi aurait dûseproduire.

Aucontraire, lesecond réussittropbien : ils’éleva rapidement, monta si haut quesaflamme seconfondit aveclesétoiles, erralongtemps au-dessusdenous etdisparut.

Maislagaieté dudébut avait faitplace àd’autres sentiments ; leshommes regardaient avecattention ethostilité, etles femmes, têteenfouie entre lesbras etblotties l’unecontre l’autre, étaientterrifiées.

Lemot de nandé revenait avecinsistance.

Lelendemain matin, unedélégation d’hommesserendit auprès demoi, exigeant d’inspecter laprovision deballons afindevoir « s’il ne s’y trouvait pasdu nandé  ». Cet examen futfait defaçon minutieuse ; parailleurs, grâceàl’esprit remarquablement positif (malgré cequi vient d’être dit)des Nambikwara, unedémonstration dupouvoir ascensionnel del’air chaud àl’aide de petits fragments depapier lâchésau-dessus d’unfeu,fut,sinon comprise, entout casacceptée.

Commeàl’habitude quand ils’agit d’excuser unincident, onmit tout surledos desfemmes « quinecomprennent rien »,« onteupeur », et redoutaient millecalamités. Je ne me faisais pasd’illusion : leschoses auraient pufort malseterminer.

Pourtant, cetincident, etd’autres queje conterai parlasuite, n’ontrienenlevé àl’amitié queseule pouvait inspirer uneintimité prolongée aveclesNambikwara. Aussi ai-jeétébouleversé enlisant récemment, dansunepublication d’uncollègue étranger, larelation desarencontre avec lamême bandeindigène dont,dixans avant qu’ilnelavisitât, j’avaispartagé l’existence àUtiarity.

Quandils’y rendit en1949, deuxmissions étaientinstallées : lesjésuites dontj’aiparlé, etdes missionnaires américainsprotestants. La bande indigène necomptait plusquedix-huit membres, ausujet desquels notreauteur s’exprime commesuit : « De touslesIndiens quej’aivus auMato Grosso, cettebande rassemblait lesplus misérables.

Surleshuit hommes, un était syphilitique, unautre avaitunflanc infecté, unautre uneblessure aupied, unautre encore étaitcouvert duhaut en bas d’une maladie depeau squameuse, etilyavait aussi unsourd-muet.

Pourtant,lesfemmes etles enfants paraissaient en bonne santé.Comme ilsn’utilisent paslehamac etdorment àmême lesol, ilssont toujours couverts deterre.

Quand les nuits sontfroides, ilsdispersent lefeu etdorment danslescendres chaudes… (Ils)portent desvêtements seulement quand lesmissionnaires leurendonnent etexigent qu’ilslesmettent.

Leurdégoût dubain nepermet passeulement la formation d’unenduit depoussière etde cendre surleur peau etleur chevelure ; ilssont aussi couverts deparcelles pourries deviande etde poisson quiajoutent leurodeur àcelle delasueur aigre,rendant leurvoisinage repoussant.

Ils semblent infectéspardes parasites intestinaux carilsont l’estomac distenduetne cessent pasd’avoir desvents.

À plusieurs reprises,travaillant avecdesindigènes entassésdansunepièce étroite, j’étaisobligé dem’interrompre pour aérer.

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« Les Nambikwara… sonthargneux etimpolis jusqu’à lagrossièreté.

Quandjerendais visiteàJulio àson campement, il arrivait souvent quejeletrouve couché prèsdufeu ; mais enme voyant approcher ilme tournait ledos endéclarant qu’il nedésirait pasmeparler.

Lesmissionnaires m’ontraconté qu’unNambikwara demanderaplusieursfoisqu’on lui donne unobjet, maisqu’en casderefus ilessayera des’en emparer.

Pourempêcher lesIndiens d’entrer, ilsrabattaient parfois leparavent defeuillage utilisécomme porte,maissiun Nambikwara voulaitpénétrer, ildéfonçait cettecloison pour s’ouvrir unpassage… « Il n’est pasnécessaire derester longtemps chezlesNambikwara pourprendre conscience deleurs sentiments profonds dehaine, deméfiance etde désespoir quisuscitent chezl’observateur unétat dedépression dontlasympathie n’est pascomplètement exclue (6) . » Pour moi,quilesaiconnus àune époque oùles maladies introduites parl’homme blanclesavaient déjàdécimés, mais où –depuis lestentatives toujourshumaines deRondon –nul n’avait entrepris deles soumettre, jevoudrais oubliercette description navranteetne rien conserver danslamémoire, quecetableau reprisdemes carnets denotes oùjele griffonnai unenuit àla lueur dema lampe depoche : « Dans lasavane obscure, lesfeux decampement brillent.Autourdufoyer, seuleprotection contrelefroid qui descend, derrièrelefrêle paravent depalmes etde branchages hâtivement plantédanslesol ducôté d’où onredoute le vent oulapluie ; auprès deshottes emplies despauvres objetsquiconstituent touteunerichesse terrestre ; couchésà même laterre quis’étend alentour, hantéepard’autres bandeségalement hostilesetcraintives, lesépoux, étroitement enlacés, seperçoivent commeétantl’unpour l’autre lesoutien, leréconfort, l’uniquesecourscontrelesdifficultés quotidiennes etlamélancolie rêveusequi,detemps àautre, envahit l’âmenambikwara.

Levisiteur qui,pour lapremière fois, campe danslabrousse aveclesIndiens, sesent prisd’angoisse etde pitié devant lespectacle decette humanité si totalement démunie ;écrasée,semble-t-il, contrelesol d’une terrehostile parquelque implacable cataclysme ; nue, grelottante auprèsdesfeux vacillants.

Ilcircule àtâtons parmilesbroussailles, évitantdeheurter unemain, unbras, un torse, dontondevine leschauds refletsàla lueur desfeux.

Maiscette misère estanimée dechuchotements etde rires. Les couples s’étreignent commedanslanostalgie d’uneunitéperdue ; lescaresses nes’interrompent pasaupassage de l’étranger.

Ondevine cheztousuneimmense gentillesse, uneprofonde insouciance, unenaïve etcharmante satisfaction animale, et,rassemblant cessentiments divers,quelque chosecomme l’expression laplus émouvante etlaplus véridique de latendresse humaine. ». »

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