Définition: CALCULER, verbe transitif. A.— [L'objet désigne des choses nombrables ou envisagées comme telles] Déterminer une valeur ou une grandeur numérique par un calcul ou une suite de calculs. 1. [La chose à dénombrer, au singulier ou au pluriel, désigne une entité naturellement quantifiable] Calculer l'âge de quelqu'un, les impôts : Ø 1.... les interminables heures qu'il employait souvent, (...), à contempler les sculptures du portail, examinant tantôt les vierges folles (...), tantôt les vierges sages (...); d'autres fois calculant l'angle du regard de ce corbeau qui tient au portail de gauche et qui regarde dans l'église un point mystérieux où est certainement cachée la pierre philosophale,... VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 190. Ø 2. L'esprit des vieillards, voyez-vous, se concentre sur ce qui a été l'occupation majeure de leur vie. (...). C'est ainsi que vous verrez un mathématicien complètement gâteux vous calculer des intégrales. MAURICE DRUON, Les Grandes familles, 1948, page 52. Ø 3. On calcule pour divers produits globaux un chômage considéré comme inéliminable. On calcule pour chaque chômeur un secours de chômage exprimant un minimum de subsistance. FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe. siècle. 1964, page 343. · Calculer combien : Ø 4.... calculer combien de boisseaux de froment ont rendus les épis. THÉOPHILE GAUTIER, Le Roman de la momie, 1858, page 268. · Calculer que : Ø 5. Pour cet itinéraire donc je calcule que le billet d'aller doit valoir : (de Bourges à Bordeaux Bastide) 24 francs 40 et celui d'aller et retour à peu près : 38 francs (maximum). JACQUES RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Fournier] , 1907, page 226. 2. [La chose à dénombrer est une somme d'argent] Calculer la dépense. — Spécialement. Évaluer avec parcimonie une dépense. Calculer ses pourboires (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 153 ). 3. Par extension. [La chose à dénombrer au singulier ou au pluriel, est quantifiable par suite d'une décision de la personne qui calcule] Don Henri calculait froidement les avantages de la loyauté et ceux de la trahison (PROSPER MÉRIMÉE, Histoire de Don Pèdre Ier, roi de Castille, 1848, page 137 ). — En particulier. Évaluer avec une précision mathématique une force (par exemple la résistance des matériaux); par métaphore : Ø 6.... il n'était pas aussi facile que l'on voulait bien s'en flatter de « prendre » aux royalistes leur programme patriotique pour en confier la réalisation à la mauvaise ouvrière qui s'appelle démocratie. Le statuaire eût été sage de calculer la dureté du marbre, la fragilité du ciseau. « Elle est le Mal », disait M. l'abbé Lantaigne en parlant de la République. CHARLES MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, page XCVII. — Par analogie, rare. [L'objet désigne une personne] Il [Martial] ne vous aime pas, ma chère, il vous calcule comme s'il s'agissait d'une affaire (HONORÉ DE BALZAC, La Paix du ménage, 1830, page 339 ). 4. Absolument. a) Opérer sur des nombres pour obtenir ou vérifier un résultat numérique déterminé. Règle, machine à calculer (confer calculateur, trice) : Ø 7. Lorsqu'un mathématicien calcule en couvrant une page blanche de chiffres tracés à l'encre, il serait absurde de ne consentir à considérer comme réels que l'encre et le papier. RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 200. b) Être économe jusqu'à l'avarice : Ø 8.... le droit, tu entends Casado, est du côté de ceux qui souffrent, gémissent, espèrent. Il n'est pas, non, il ne peut pas être avec ceux qui calculent et qui entassent. ALBERT CAMUS, L'État de siège, 1948, page 256. B.— [L'objet désigne des choses d'une certaine intensité ou importance, mais non envisagées sous le rapport du nombre] 1. Évaluer avec précision les conditions d'existence, de fonctionnement ou de réalisation d'une chose concrète ou abstraite. Calculer son élan, ses coups : Ø 9. Mais sais-tu ce que c'est que l'amour d'une femme? En demandant le mien, as-tu sondé ton âme? As-tu bien calculé les forces de ton coeur? Que te sens-tu dans toi de puissant et de large À porter sans plier une pareille charge? THÉOPHILE GAUTIER, Albertus ou l'Âme et le péché, 1833, page 171. Ø 10. Il imagine des gymnasiarques qui se tuent s'ils n'ont pas pris leur élan à la même seconde. Toujours il a eu envie de traverser un barrage, louvoyant, calculant les arrivées et les points de chute : la même sensation, pense-t-il, qu'à traverser aux heures de presse les grands boulevards. HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe, 1922, page 123. 2. En particulier. [L'objet désigne une chose à venir] a) Calculer que + verbe au futur ou au conditionnel. Prévoir par la pensée l'avenir probable. ... Napoléon avait calculé que l'exécution du duc d'Enghien ne serait pas inutile (JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, page 114 ). b) [Avec une idée d'intention] Évaluer d'avance et aussi exactement que possible les conditions probables ou nécessaires pour qu'une chose se produise ou produise ses effets. Calculer son attitude, ses effets. — Par métonymie. Réaliser une chose avec cette perspective : Ø 11. LAURENT. — Est-ce que tu ne calcules pas tes coups? (...) Tu m'épies, tu tâches de me toucher au vif de mes plaies, et tu es heureuse quand la douleur me rend fou. ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin, 1878, IV, 6, page 123. Ø 12. Montesquieu n'a pas entrevu les lecteurs que nous sommes. Il n'écrit pas pour nous, qu'il ne prévoyait pas si primitifs. Il aime l'ellipse, et, dans nombre de ses maximes, il calcule sa phrase, la renoue finement à elle-même, il prévoit des esprits un peu plus déliés que les nôtres;... PAUL VALÉRY, Variété II, 1929, page 68. — Emploi absolu : Ø 13. « Ce qui me donne, dit le Marquis, un grand avantage sur beaucoup de gens, et notamment sur ceux qui calculent, vous entendez bien ce que je veux dire? sur ceux qui prévoient, organisent, s'entourent des sécurités de leur intelligence comme d'une fortification, c'est que je suis un homme de grand chemin... » JEAN GIONO, Angelo, 1958, page 211. Remarque : 1. Le participe présent calculant connaît un emploi adjectival : De son pas retrouvé de bête noble, une lueur dangereuse dans les yeux, Irène (...), calculante et froide, un cruel sourire sur les lèvres, commence à écrire une lettre (Julien Gracq, Un Beau ténébreux, 1945, page 177). 2. On rencontre dans la documentation un exemple du substantif féminin calculation, donné comme vieux dans le Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842, Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse) et Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin) 1892 (confer Alexandre Arnoux, Rêverie d'un policier amateur, 1945, page 196). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 066. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 893, b) 1 301; XXe. siècle : a) 1 300, b) 1 437.
