Définition: ET, conjonction de coordination.

Définition: ET, conjonction de coordination. Conjonction copulative servant à coordonner des termes, des groupes de termes et des phrases, et exprimant une addition, une jonction, un rapprochement. I.— [Conjonction coordonnant des termes ou groupes de termes.] A.— [Deux termes reliés] 1. [Deux éléments de même nature, de même catégorie grammaticale et de même fonction dans la phrase] a) [Deux adjectif, deux adverbe, deux substantif ou équivalents, deux verbes] — [Deux adjectif épithètes] Le village d'Herlem, un amas disparate de maisons rouges et blanches (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 7 ). — [Deux adjectif apposés] Je pense à toutes les dames de province, sublimes et incomprises, qui ont tenu leur journal (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1939, page 5 ). — [Deux adjectif attributs] Redevenues folles et sauvages (JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle, 1931, page 191 ). · [Dans une phrase négative] Les hommes n'étaient point ignorants et grossiers (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Sur la pierre blanche, 1905, page 19 ). — [Deux adverbe] Bel et bien; parler haut et clair. — [Deux substantif ou équivalents de substantif] · [Sujets] Hier matin, lui et moi avons bavardé au salon, près du feu (JULIEN GREEN, Journal, 1943, page 4 ). Remarque : Et peut coordonner, dans le style littéraire, deux sujets dont le second est inversé, disjoint du premier, postposé au verbe. Jeanne. — Frère Dominique, la bonté de Dieu y suffira et le sang de cette fille innocente (PAUL CLAUDEL, Jeanne d'Arc, 1939, page 1202). · [Complément d'objet direct] Si le moyen âge a une littérature et un art, il n'a pas de philosophie qui lui soit propre (ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, 1935, page VII. ). Remarque : Le pronom personnel tonique se répète devant et. J'ai trouvé, disait-elle, bien des choses qui vous concernent, mon cher Laurent, vous et ceux de votre famille (GEORGES DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, page 7). · [Complément d'objet indirect] Nous les accuserions de se payer de mots et de formules (JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle, 1931, page 254 ). · [Complément circonstanciel] [préposition] Les silhouettes des hommes se livrant avec acharnement et dans le silence à un travail qu'ils ne comprenaient pas (ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, page 205 ). [avec ellipse de termes] Loth, assis avec sa cuirasse et une barbe du plus beau rouge (ANTONIN ARTAUD, Le Théâtre et son double, 1938, page 41 ). [non préposition] Sur la cheminée, la même dame en bronze, robe montante et manches longues (FRANÇOIS MAURIAC, Le Mystère Frontenac, 1933, page 12 ). · En apposition ou apostrophe. Je vous remercie, Monsieur et cher Bien-Aimé, de n'avoir jamais répondu à mes lettres (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 919 ). Remarque : 1. Et joint parfois deux substantifs dont le premier pourrait être complément déterminatif du second (souvent dans les titres), ou dont le second pourrait être remplacé par un adjectif (confer Le Bon Usage (MAURICE GREVISSE) 1969, § 965, 2°, Nota Bene 2). Oublions les crapauds et leur flûte nocturne (Georges Duhamel, Maîtres, 1937, page 8). 2. La coordination peut se faire après pause (mise en relief). Le temps des horloges se règle d'après certains événements rythmiques, tels que la rotation de la terre sur son axe, et autour du soleil (Carrel, L'Homme, 1935, page 189). 3. On rencontre dans la documentation une coordination insolite de complément de locution verbale, employé ici par plaisanterie. Le même héros des garnisons prend du galon et du ventre (Louis Aragon, Les Beaux quartiers, 1936, page 189). — [Deux verbes] Il fabriquait et vendait, ou achetait pour revendre (HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 222 ). Je pensais et pense toujours que (confer Henri de Montherlant, Pasiphaé, 1936, page 104 ). Remarque : On peut aussi considérer cette coordination comme une coordination de phrases (avec effacement du sujet). b) [Deux propositions] — [Deux relatives] L'inclination naturelle que l'homme éprouve vers le bien et sans laquelle il ne saurait d'ailleurs subsister (ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, 1931, page 528 ). — [Deux infinitif] Mme. Joigneau l'entend fermer sa porte et se jeter sur son lit (ROGER MARTIN DU GARD, Vieille France, 1933, page 1018 ). — [Deux complétives d'objet] Il me déclare que son coeur est lié à jamais à une dame de votre pays, Doña Inès de Castro, et que notre union n'aura pas lieu (HENRI DE MONTHERLANT, La Reine morte, 1942, I, 1er. tableau, 1, page 138 ). — [Deux interrogations indirectes] Un mot enfin pour savoir s'il faut t'écrire, et quoi (PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1894, page 197 ). — [Deux circonstanciel] · [La seconde est reprise par que] La Providence a donc choisi spécialement l'espèce humaine et la conduit à sa fin d'une manière toute particulière, puisque Dieu est la fin de l'univers et que c'est par l'humanité que l'univers l'atteindra (ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, 1931, page 170 ). · [Effacement du sujet et de l'auxiliaire dans la seconde] Quand les hommes (...) furent tous embarqués dans la chaloupe et rangés à leur banc (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves, 1883, page 10 ). 2. [Deux éléments de nature différente mais de même fonction] Qu'on me permette de traduire mot à mot et sans chercher aucunement l'élégance du langage actuel (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, De l'amour, 1822, page 184 ). — En particulier. [Adjectif + relation déterminative : fonction épithète] Un jeune professeur à la Faculté de Droit de Paris, et qui compte parmi ses principaux (JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle, 1931, page 11 ). 3. [Deux éléments de fonction voisine (deux circonstances)] Ce commérage avec et sur soi-même (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1939, page 5 ). — [Après pause] J'écris ceci pour dérouiller ma plume et m'entraîner; et aussi parce que je me sens, vis-à-vis du Caire, dans un état d'incuriosité totale (ANDRÉ GIDE, Carnets d'Égypte. 1939, page 1049 ). B.— Spécialement. 1. [Coordonnant deux termes dans un groupe nominal ou adjectif plus ou moins lexicalisé] Aristote et saint Thomas; les Ponts et Chaussées; un va-et-vient; des allées et venues; le jour et la nuit; bel et bon; etc. Pourquoi ne commencerais-je pas l'année 1869 en vous la souhaitant, à vous et aux vôtres, « bonne et heureuse (...) »? (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1869, page 1 ). — [Exprimant, dans un titre, non une simple coordination, mais une mise en rapport et une sorte de confrontation] Bouvard et Pécuchet (Flaubert), La Belle et la Bête (Mme Leprince de Beaumont), Racine et Shakspeare (Stendhal); Suzanne et le Pacifique (Giraudoux), Le Vieil homme et la mer (Hemingway), L'Enfant et les sortilèges (Ravel), etc. 2. [Joignant deux termes synonymes ou (quasi-)synonymes, ou de sens voisins] . — [Deux synonymes ou (quasi-)synonymes] Briand c'est le chef de bande, (...) celui sur qui s'appuient et s'étayent tous les abandons (LÉON DAUDET, La Police politique, 1934, page 13 ). Ma mère se dépensait et se dévouait non seulement sans ostentation, mais même en se cachant (ANDRÉ GIDE, Geneviève, ou la Confidence inachevée, 1936, page 1351 ). — [Deux termes de sens voisins] Un bourdonnement à mille pétillements et crépitements lui emplit les oreilles (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1931, page 6 ). 3. [Exprimant l'accompagnement, l'association (et = avec) + nom de personne] M. et Mme Untel; Dupont et compagnie. Les paysans avec lesquels j'allais (Joseph Brun et son fils, Sébastien Charrière, etc.) (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vie de Henry Brulard, tome 2, 1836, page 355 ). Il faut que j'aille chercher un jambon chez Potel et Chabot (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1860, page 683 ). À dix heures arrivaient en auto deux officiers et un sergent (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 127 ). 4. [Exprimant l'addition (devant des nom de nombre)] Deux et deux font quatre; cent francs et quelques, et des poussières. Synonyme : plus. Notre siècle a produit huit grandes comédiennes : quatre du théâtre et quatre de la société (NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Caractères et anecdotes, 1794, page 84 ). Il faut venir en province (...) pour trouver des femmes de trente et quelques années aussi fraîches que l'est madame (HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, page 62 ). — En particulier. a) [Servant à former certains nombres composés] · Vieux. Jamais il n'avait parlé à ce grand vieillard, qu'il rencontrait et saluait souvent, ferme et droit sous ses soixante et quinze ans (ALPHONSE DAUDET, L'Évangéliste, 1883, page 154 ). · Moderne. [Joignant un aux dizaines, et dans soixante et onze, soixante et onzième] Je sais votre âge. Vous avez vingt et un ans, j'en ai vingt-six (VICTOR HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866, page 414 ). b) Littéraire, dans des locutions figées. Cent et une fois; les mille et une nuits. · [Pour exprimer l'intensité] Des mille et des cents; mille et mille fois. Tous ces visages à la bouche tordue, ces milliers et ces milliers d'yeux... (GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites, 1948, page 1569 ). · [Pour exprimer un redoublement intensif (sans expression de nombre)] Voilà que tu vas te remettre à divaguer, dit Andrea, à parler et à reparler du passé toujours (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 327 ). Dzinng et dzinng! Ce sont les cymbales! (PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la croix, 1938, page 188 ). c) [Devant la fraction d'un nombre fractionnaire (et se place devant demi, et ou un devant quart, un ou et un devant les autres fractions)] Une heure et/un quart. En l'honneur de l'oncle Xavier, ils ne se coucheraient qu'à neuf heures et demie (FRANÇOIS MAURIAC, Le Mystère Frontenac, 1933, page 13 ). d) [Dans l'expression de l'âge ou de la durée (et se place devant le dernier terme)] Deux ans et trois mois; un an et un jour. Il y a aujourd'hui trois cent quarante-huit ans six mois et dix-neuf jours que les Parisiens s'éveillèrent au bruit de toutes les cloches (VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 11 ). C.— [Plus de deux termes reliés, dans une énumération (et introduit le dernier terme, les autres étant juxtaposés)] 1. [Plusieurs termes] Ces gens prêts au mariage civil, au divorce et à l'avortement (HENRI DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, page 1372 ). Remarque : La répétition de et, tour littéraire, notamment en poésie, peut se faire a) devant un ou plusieurs des termes d'une énumération. Ils vinrent, ceux-là plus sots encore avec leurs raisons et leurs mobiles et leurs belles argumentations (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 666). b) devant chacun des termes d'une énumération. Qu'à ton réveil joyeux, les chants des jeunes mères T'annoncent et l'enfance, et la vie, et le jour (VICTOR HUGO, Odes et ballades, 1828, page 375). 2. [Plusieurs proposition] Je vis la supérieure éclater de rire, Madame Eugénie s'essuyer les yeux et toute la communauté se dérider (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 239) : Ø 1. GIACCOMO. — Mais s'il passait en ce moment devant nous, et qu'il te rencontre ainsi que je t'ai rencontrée, et qu'il t'appelle comme je t'ai appelée, le suivrais-tu comme tu m'as suivi? ARMAND SALACROU, La Terre est ronde, 1938, I, 1, page 132. II.— [Conjonction coordonnant des phrases.] A.— [La coordination s'accompagne ou ne s'accompagne pas d'effacement de termes] 1. [Coordination sans effacement] a) [Sans pause] Ne pas laisser échapper les nuances, les petits faits, même s'ils n'ont l'air de rien et surtout les classer (JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 13 ). b) [Après virgule] Le temps s'était rétabli, et, ce matin-là, il s'annonçait magnifique (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1938, page 5) : Ø 2. Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatigant, pour les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Le Petit Prince, 1943, page 412. c) [Après point] Un saturnien, évidemment. Et il n'y a rien à faire à cela (ANDRÉ GIDE, Journal, 1905, page 146 ). 2. [Coordination avec effacement] a) [Sans pause] — [Effacement du sujet] Ils étaient vêtus de noir et cherchaient à se faire tout petits (JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 119 ). — [Effacement du verbe et du sujet] Ils disent « oui » en inclinant la tête, et « non » en la renversant en arrière (EDMOND ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, page 42 ). b) [Après virgule] On me posait dans un losange de tigres quand j'étais méchant, et dans un hexagone de fleurs quand j'étais sage (JEAN GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 1, page 13 ). c) [Après point] J'aurais pu être chirurgien, moi aussi, pensa-t-il. Et posséder une voiture comme celles-là (GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, page 7) : Ø 3. Il passe la plus grande partie de sa vie dans des laboratoires à étudier les êtres vivants. Et une autre partie dans le vaste monde, à regarder les hommes et à essayer de les comprendre. ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu, 1935, page 1. — [Dans un dialogue] Le Chevalier. — (...) Tu m'as dit qu'on t'appelle Auguste, n'est-ce pas? Auguste. — Et ma femme Eugénie (JEAN GIRAUDOUX, Ondine, 1939, I, 2, page 18 ). Remarque : La coordination est possible a) Entre deux phrases négatives. Nous n'avons pas d'amis, c'est un grand point, et pas d'ennemis (CHARLES BAUDELAIRE, Salon de 1845, 1845, page 4). b) Entre deux phrases dont l'une est négative. Je suis caché et je ne le suis pas (ARTHUR RIMBAUD, Saison enfer, 1873, page 222). c) Entre deux phrases interrogatives Mais, enfin, qu'avez-vous et pourquoi ces lamentations? (ALBERT CAMUS, Caligula, 1944, I, 1, page 10). d) Entre deux phrases dont l'une est interrogative. Seul son regard est hors de l'eau et qu'est-ce qu'il voit? Un bronze de Barbedienne (JEAN-PAUL SARTRE, Huis clos, 1944, 1, page 117). B.— Spécialement (effets de sens, valeurs sémantiques de la coordination) 1. [Introduisant un ajout, une précision supplémentaire, une explication, avec valeur d'insistance, de renchérissement (avec ou sans effacement de termes dans la phrase explicative)] — [Le plus souvent après virgule] Ils (...) feront avancer, et vivement, toute la troupe de ces oiseaux-là (HONORÉ DE BALZAC, Les Chouans, 1829, page 28 ). Je vois entrer, et pas plus tard qu'hier, quelque camarade ou quelque collègue (LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, page 9 ). · Et ce, et ceci..., et cela (valeur anaphorique). Utiliser un objet dont on n'a pas le goût, parce qu'on l'a eu pour rien, et cela quand on est dans la grande aisance (HENRI DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, page 1372 ). — [Après point] Nous avons tous vu des empires s'effondrer, et les plus solides. Et les plus habiles à croître et les plus justifiés à durer (JEAN GIRAUDOUX, Sodome et Gomorrhe, 1943, I, page 12 ). — [Après tiret] L'heure (...) où l'on n'a plus devant soi que l'insomnie, — et les spectres... (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 913 ). — [En phrase exclamative, avec valeur emphatique de soulignement] Le fait est que (...) il n'a plus que la peau sur les os. — Et quelle peau! (EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, tome 8, 1843, page 279) : Ø 4. — Et tu n'as pas averti ta tante! exclama Mme. Vanières. Non?... non?... Eh bien je vais la trouver, moi! Et tout de suite encore! PAUL REIDER, Mademoiselle Vallantin, 1862, page 137. · Locution interjective. Et pour cause (Confer cause2 II A 2). — [En incise] · [Dans une parenthèse, avec ou sans tiret] Mon grand-père qui s'est donné tant de peine pour déguiser sa maison en château (et jusqu'à le flanquer d'une tourelle supplémentaire) (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 2, 1937, page 106 ). · [Entre virgules] Mes préparatifs faits, et la chose ne fut pas longue, je sortis (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Comment je devins auteur dramatique. 1833, introduction, page 3 ). 2. [Exprimant la succession temporelle] Synonymes : puis, ensuite. a) [Succession immédiate] — [En structure binaire] Le Prologue se détache et s'avance (JEAN ANOUILH, Antigone, 1946, page 135 ). · [Après pause] Elle parut réfléchir, et, d'un ton bref : — Demain, à onze heures, dans la cathédrale (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 83) : Ø 5. Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante, Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux, Une ondulation majestueuse et lente S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux. CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, 1852, page 225. — [En structure binaire après virgule, précédé d'un complément de durée (idée de conséquence)] Une minute à peine, et elle revient (JEAN GIRAUDOUX, Ondine, 1939, I, 1, page 13 ). · Encore..., et... Encore un point, et j'ai fini (ALFRED DE MUSSET, Un Caprice, 1840, 1, page 175 ). — [En structure ternaire] À ce moment-là, je me suis arrêté, j'ai laissé tomber le caillou et je suis parti (JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 14 ). b) [Concomitance] Ensuite le choeur (...) croquant des pommes et se donnant des bourrades (PAUL CLAUDEL, Le Livre de Christophe Colomb, 1929, 1re. partie, page 1141 ). — En particulier. [Et + verbe = en + participe présent (gérondif)] Une soeur à cornette, assise devant un registre, lui souriait et disait : — Bonjour, Monsieur 6... (GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, page 9 ). 3. [Exprimant le résultat, la conséquence] Synonymes : alors, en conséquence. a) [Après une pause légère (après virgule le plus souvent)] À bord des avions découverts (...) on s'inclinait hors du pare-brise, pour mieux voir, et les gifles de vent sifflaient longtemps dans les oreilles (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 142 ). — En particulier. [Dans un système hypothétique] Qu'elle se fasse attendre encore un quart d'heure, et je m'en vais (ALFRED DE MUSSET, Lorenzaccio, 1834, I, 1, page 83 ). b) [Après une pause forte] On ne lui rendra pas Hélène. Et la guerre de Troie aura lieu (JEAN GIRAUDOUX, La Guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935, I, 1, page 11 ). — Par ironie (opposition, sous l'apparence d'une conséquence) : Ø 6. — J'en connais un qui, depuis des mois, prépare un rapport... Savez-vous sur quoi?... Sur les muscles des araignées! Les muscles des araignées! Mais il n'en a seulement jamais vu, des araignées... Et naturellement il en tire des conclusions d'intérêt mondial... ANDRÉ GIDE, Journal, 1910, page 289. c) Et ainsi. Sa mère lui avait enjoint de se taire et ainsi il ne devait plus faire d'efforts pour lutter contre son mal (PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 112 ). 4. [Exprimant l'opposition, le contraste] Synonymes : mais, pourtant. a) [Sans pause] Le fameux : « Ils ont des oreilles et n'entendent pas, des yeux et ne voient pas » (ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille, 1938, page 319 ). — [En corrélation (pas encore... déjà)] Il n'y a pas encore un an que ce rêve a pris fin et il me semble que j'ai déjà tout oublié de nos détresses (GEORGES DUHAMEL, Les Maîtres, 1937, page 8 ). b) [Après pause (très fréquent), le plus souvent après virgule] On ne sort même pas les bêtes, et tu cours les routes? (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 209) : Ø 7. — Comment, Maurice, s'écria le moribond (...) voici sept ou huit fois que je vous envoie chez mon avoué, depuis quinze jours, et il n'est pas venu? Croyez-vous que l'on puisse se jouer de moi? HONORÉ DE BALZAC, Gobseck, 1830, page 431. III.— [Élément de coordination entrant dans une structure corrélative, notamment dans un système comparatif.] A.— [Dans un système d'identité] 1. Et...(,) et... D'une part..., d'autre part...; aussi bien... que; autant... que; non seulement... mais encore (pour mieux marquer l'égalité entre deux termes). Vous faussez également la vision de votre oeil, et si vous mettez l'objet sur vos yeux et si vous le posez hors de votre portée (ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Caliban, 1878, II, 1, page 392 ). 2. Le même dans... et dans... : Ø 8. Ce musicien est du très-petit nombre de ceux qui combinent aussi agréablement les mots de la langue que les notes de la gamme, et qui se feraient écouter avec le même plaisir dans une tribune et dans un orchestre... VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 4, 1813, page 221. 3. L'un et l'autre. L'un comme l'autre, autant l'un que l'autre (confer autre). 4. Plus..., (et) plus...; moins..., (et) moins; mieux..., (et) mieux..., etc. (pour introduire la seconde proposition comparative). Plus je le vois et plus je l'apprécie (Dictionnaire de l'Académie française. 1932). Plus on connaîtra la Louisiane, et plus l'observation que nous faisons paraîtra politique et raisonnable (GÉNÉRAL LOUIS-NARCISSE BAUDRY DES LOZIÈRES, Voyage à la Louisiane et sur le continent de l'Amérique septentrionale, 1802, page 204 ). Remarque : Et ne s'emploie pas avec autant ..., autant ...; il est facultatif dans les autres cas. 5. (Tout) à la fois... et...; en même temps... et...; tour à tour... et... En ce moment le palais rit et pleure à la fois (JEAN GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 1, page 12 ). 6. Également... et...; indistinctement... et... Il écrivait aux femmes et aux hommes indistinctement (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 394 ). B.— [Dans un système de disparité, pour exprimer une différenciation, une distinction, une séparation, une opposition; et = tandis que dans la coordination de phrases, d'autre part dans la coordination de termes] 1. L'un..., et l'autre... Les deux moucheurs de chandelles. « L'un mouche le devant du théâtre, et l'autre le fond (...) » (ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille, 1938, page 365 ). 2. D'une part..., et de l'autre... Elle doit, d'une part, convenir à tous les peuples, indistinctement, et, de l'autre, on doit en voir suivre naturellement cette foule d'idées (PIERRE-AMBROISE-FRANÇOIS CHODERLOS DE LACLOS, De l'Éducation des Femmes, 1803, page 461 ). 3. Dédoublement en... et en... Le dédoublement d'un chimiste en chimiste et en chrétien (PAUL NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, page 61 ). 4. Mélange de... et de... Pour lui, la police était un mélange de combines et de chantage (ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 299 ). 5. Opposition, séparation de... et de... : Ø 9. Après toutes les dissociations et les dualismes de l'âge humaniste anthropocentrique, — séparation et opposition de la nature et de la grâce, de la foi et de la raison, de l'amour et de la connaissance, comme dans la vie affective de l'amour et des sens... JACQUES MARITAIN. Humanisme intégral, problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté, 1936, page 38. 6. Entre... et... La soudure est faite entre le passé et le présent (JEAN-RICHARD BLOCH. Destin du siècle, 1931, page 130 ) : Ø 10.... la différence entre le triangle et le carré n'est pas la même qu'entre le fer et l'azote, entre un oiseau et un mammifère, entre un Allemand et un Russe. RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 83. 7. (Moi) je... et toi tu... (et = tandis que) : Ø 11. Le monde est divisé en deux catégories de personnes. Celles qui acceptent de se gêner pour les autres. Et celles qui s'y refusent. HENRI DE MONTHERLANT, Un Incompris, 1944, 1, page 402. 8. Locution. Il y a... et... Il y a parfum et parfum, mensonge et mensonge. Tous les parfums, les mensonges ne sont pas pareils, il ne faut pas confondre. Attesté dans DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT), Petit DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT) et Larousse de la Langue française. IV.— [En début de phrase, à valeur phatique ou emphatique] A.— [À valeur dynamique, servant à accélérer un récit ou un dialogue] Synonyme : alors. 1. [En début de phrase affirmative] a) [Pour poursuivre le récit, avec valeur d'enchaînement] Non; c'était le sang de son bras qui coulait goutte à goutte. Et toujours cette sensation de mal de mer (ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 182) : Ø 12. Davis jeta un regard sur sa montre. Il était neuf heures vingt. Et il retourna sur la passerelle suivi des deux officiers. ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, page 157. b) [Pour accélérer le récit, avec valeur de soudaineté] Et voilà qu'elles lui tournent le dos ensemble (GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, page 1351) : Ø 13. Un cri part; et soudain voilà que par la plaine Et l'homme et le cheval, emportés, hors d'haleine (...) Volent avec les vents! VICTOR HUGO, Les Orientales, 1829, page 180. c) [Pour conclure le récit] Et voilà. — Et voilà. Voilà la dignité humaine qui vous revient. C'est formidable (JEAN-PAUL SARTRE, Huis-clos, 1944, 1, page 116 ). d) [Avec effet oratoire ou poétique, notamment dans le style biblique et le style poétique] Madrid se pansait. Et ils allaient vers un autre bruit (ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 761 ). 2. [Devant un infinitif de narration, avec valeur de soudaineté, de rapidité, parfois de conséquence] Et les dames de s'écrier, et moi d'appeler à tout rompre, et gens d'accourir, et chien d'aboyer (HONORÉ DE BALZAC, Œuvres diverses, tome 2, 1830-35, page 321 ). B.— [En début de phrase exclamative ou interrogative, avec valeur de renforcement] 1. [Exclamation] Et comment! [Ils] n'abordaient aux Îles Blanches qu'en passant, par curiosité. Et comment donc! (JULES LAFORGUE, Moralités légendaires, 1887, page 144 ). — Locution. Et d'une! et de deux! etc. (confer de1). — En particulier. [Devant une interjection] Et hop! et zou! Vous vous allongez sur le canapé et pffft... le sommeil s'envole (JEAN-PAUL SARTRE, Huis-clos, 1944, 1, page 117 ). 2. [Interrogation] a) [Avec une nuance de sentiment vif, indignation, colère, étonnement, etc.] Monsieur Alphonse, et la musique que vous deviez m'avoir copiée pour demain? (THÉODORE LECLERCQ, Proverbes dramatiques, Le Bal, 1835, 4, page 104 ). — Et si...? Et si je ne veux pas, moi, être vengé par le bourreau!... (VICTORIEN SARDOU, Patrie! 1869, IV, tableau6, 7, page 152 ). b) [Souvent employé devant un pronom personnel tonique] Et moi alors? Et nous? Et vous, vous en avez, des gosses? demanda Shade (ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 601 ). — Et alors? (confer aussi alors) Je ne peux pas m'empêcher de le plaindre, je m'attendris, je le raisonne... — Et alors? — Alors, des fois il ne répond pas (GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, page 1503 ). — Populaire. Et ta soeur*? V.— [Particule de renforcement, explétive, ou élément de locution adverbiale] Et puis (non pléonastique, confer puis), et enfin, et encore (pour introduire une restriction), et ainsi de, et pourtant, et ainsi de suite (en fin d'énumération, confer et coetera). Tu seras dégoûté de la précédente [beauté] sans même en avoir joui; et ainsi de l'autre, et ainsi de celle qui suivra (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 1, 1834, page 180 ). Elle résolut d'entrer un instant à l'église. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et pourtant elle n'aimait pas cette église (PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 9 ). Et encore trouve-t-il le moyen de ramener les angoisses de son Claude à des tares héréditaires (ANDRÉ GIDE, Journal, 1943, page 162) : Ø 14.... nous sentons qu'elles [les habitudes] ont un rapport entre elles, étant réclamées de nous par notre entourage immédiat, ou par l'entourage de cet entourage, et ainsi de suite jusqu'à la limite extrême, qui serait la société. HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 3. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 745 248. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 631 087, b) 2 620 959; XXe. siècle : a) 2 470 605, b) 2 287 001.