Définition et usage du mot: BARRER, verbe transitif. I.— [Correspond à barre I] . Munir d'une barre. A.— Consolider au moyen d'une barre. Barrer une table, barrer le fonds d'un tonneau (Dictionnaire de l'Académie Française). B.— Fermer à l'aide d'une barre : Ø 1. Il avait fallu barrer les portes, faire de nuit des rondes avec un fusil autour des bâtiments. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 259. 1. Par extension. a) Fermer un passage (en plaçant un obstacle en travers), obstruer. Deux pièces de canon et des fourgons barraient la porte (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 1, 1870, page 308) : Ø 2. Le postillon descendit et jeta un cri d'alarme en trouvant des cordes tendues d'un arbre à l'autre, ce qui barroit le chemin :... HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, 1824, page 111. Ø 3. Un, deux... cinq miliciens quittèrent le camion renversé, coururent vers les arbres, tombèrent l'un après l'autre. Le camion barrant la route, ceux qui le suivaient s'étaient arrêtés. ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 484. Remarque : Une personne peut aussi barrer un passage : Ø 4. Armé du pistolet d'arçon du maréchal des logis, Fabrice avait repris fièrement sa faction lorsqu'il vit arriver à lui sept hussards montés : il s'était placé de façon à barrer le pont,... HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 65. Ø 5. Mais les gens de l'hôtel de la Tête noire n'étaient pas assez nombreux pour barrer entièrement la rue;... JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, page 6. — VÉNERIE. Barrer une enceinte. La parcourir avec un chien barreur*. — Par métaphore ou au figuré. · Barrer quelque chose. S'y opposer. Avec une froide et infranchissable règle, elle barrait tous mes caprices (CHARLES BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, 1867, page 194 ). Barrer la route, le chemin (à quelqu'un). Faire obstacle (à quelqu'un) : Ø 6. J'ai soutenu brillamment à Châlons-sur-Marne la candidature d'un radical modéré, pour barrer la route au conservateur. GEORGES BERNANOS, L'Imposture, 1927, page 420. Ø 7. Tu prétendais non à l'amour mais à un culte. Tu as barré ma route. Tu t'es dressée sur mon chemin comme une idole. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 867. · Barrer quelqu'un.. L'empêcher d'agir à sa guise, entraver ses projets. b) Spécialement. MÉDECINE VÉTÉRINAIRE. Barrer une veine. " Empêcher le sang d'y arriver au moyen d'une ligature " (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). — Au figuré. Causer une sorte de contraction à. L'angoisse lui barrait l'estomac (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 195) : Ø 8.... à ce moment, la vue de la viande déposée sur la table, lui souleva le coeur; il prescrivit qu'on la fît disparaître, commanda des oeufs à la coque, tenta d'avaler des mouillettes, mais elles lui barrèrent la gorge;... GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours, 1884, page 218. 2. Par analogie. Être disposé en travers de : Ø 9. Elle s'était laissée glisser, assise à demi contre le mur, muette de terreur, devant le poing dont le prêtre la menaçait. Ses cheveux se dénouaient, une grande mèche blanche lui barrait le front. ÉMILE ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, page 1176. Ø 10. Les missels tremblaient dans leurs doigts. Angles verts, aurore et bleus, des rubans hiérarchiques barraient les pèlerines plates des pensionnaires que guidaient, mains jointes, des dominicaines entraînant de longs manteaux noirs ouverts sur la croix de Malte de leurs robes en bure jaune. PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, page 327. — Spécialement. VÉNERIE. " On dit d'un chien qu'il barre lorsqu'il balance sur la voie et la cherche à droite et à gauche " (Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART) 1834). Barrer une enceinte. " Passer à travers une enceinte avec un limier pour tâcher de mettre le cerf debout " (Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART) 1834). Remarque : Attesté dans les dictionnaires du XIXe. et du XXe. siècle. II.— Par analogie. [Correspond à barre II B] .. Marquer d'une ou de plusieurs barres : Ø 11. «... vous ne barrez point vos t. Comment pouvez-vous ignorer à votre âge qu'un t doit être barré? C'est inexplicable! » ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Désirs de Jean Servien, 1882, page 155. Ø 12.... Issy-les-Moulineaux nous avait renvoyés, juste pour Noël, deux mois et demi après la commande. Ces bons étaient barrés d'un gros trait au crayon bleu, une main énergique avait écrit dans un coin : Bons retournés. JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 297. — Spécialement. · Rayer quelque chose d'un trait pour l'annuler : Ø 13. Je crois qu'il faudra barrer deux ou trois phrases qui pourraient faire rire hors de saison. PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1898, page 324. · DROIT COMMERCIAL. Barrer un chèque. Tracer en diagonale sur un chèque deux barres parallèles afin qu'il ne puisse être touché que par l'intermédiaire d'un institut bancaire ou un centre de chèques postaux. — Argot. · Abandonner. Balanstique ta garce, barre-la sans secousse (ARISTIDE BRUANT, Dictionnaire français-argot, 1905, page 2 ). · Emploi pronominal. S'en aller : Ø 14. Si tu l'avais vu se barrer avec sa patte amochée, je te jure qu'il était marrant ROLAND LECALELÉ, DIT ROLAND DORGELÈS, Les Croix de bois; 1919, page 217. III.— MARINE. Tenir, manoeuvrer la barre du gouvernail : Ø 15. Le pilote (...), fit un geste amical au matelot de barre qui ne se départit pas pour cela de son flegme nordique, remercia pour l'excellent accueil qui lui avait été fait, enjamba le bordage et disparut le long de la coque. Le matelot, qui barrait son voilier, le reçut à bras ouverts, et bientôt de la passerelle de l'Étoile-des-mers, en route de nouveau, on aperçut le petit navire dansant comme un bouchon, à un mille, sur une houle grise,... ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, page 9. — Absolument : Ø 16. — Tu as déjà navigué? — Oui. — Où çà? — En Suisse, sur le lac de Neuchâtel. — Tu sais barrer? — Bien sûr. J'avais un petit lougre qui filait comme une flèche, remontant le vent au plus près. BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 172.
