Devoir de Philosophie

DÉPLACÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 23/12/2015

Extrait du document

 

DÉPLACÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de déplacer* 

II.—  Adjectif. 

A.—  Qui n'est plus à sa place. 

1. [En parlant d'une chose]  Il reclasse avec humeur les papiers déplacés (ROGER MARTIN DU GARD, Un Taciturne,  1932, I, 3, page 1249 ). 

2. [En parlant d'une personne]  À qui l'on a retiré sa place (c'est-à-dire sa situation ou son emploi). Confer muté. Fonctionnaire déplacé. L'aiguilleur, déplacé, était venu lui faire ses adieux (ÉMILE ZOLA, La Bête humaine,  1890, page 217 ). 

·    Personne déplacée. Personne contrainte à vivre en dehors de son territoire à cause de la guerre ou d'une oppression politique. Camp de personnes déplacées (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). J. C. Flujel rend compte (...) des névroses particulières aux personnes déplacées et à beaucoup d'émigrés (MARYSE CHOISY, Qu'est-ce que la psychanalyse?  1950, page 125 ). Par ces temps (...) de personnes déplacées, d'apatrides (...) la méfiance, le soupçon constant règnent (ALEXANDRE ARNOUX, Pour solde de tout compte,  1958, page 163 ). 

B.—  Au figuré.  Qui ne se trouve pas à la place qu'il devrait occuper. Dans « la ville où on ne joue pas », elle [la coquette de la troupe] apparaît déplacée, saugrenue, avec son profil bourbonien (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Envers du music-hall,  1913, page 5) : 

Ø 1. Dans ce monde, il y a de ces hommes puissants et déplacés, qui, n'étant pas sous le vrai jour qui leur convient, choquent par le fait de leur puissance même...

JULES BARBEY D'AUREVILLY, Mémorandum 1,  1836, page 96. 

·    Emploi comme substantif : 

Ø 2. D'abord, elle s'y [dans Paris] trouvait presque à l'étroit, ayant dans les veines ce sang des coureurs de mer. Et puis, elle s'y sentait une étrangère, une déplacée : (...) elle se trouvait mal à l'aise dans les rues de Paris, ne se rendant pas compte que, si on se retournait tant pour la voir, c'est qu'elle était très charmante à regarder.

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Pêcheur d'Islande,  1886, page 35. 

—  Par extension.  Qui ne convient pas, qui n'est pas conforme. 

1. à l'usage (confer inopportun, intempestif) : 

Ø 3.... les plantes crucifères (...) sont plutôt des assaisonnemens et des remèdes que des alimens, et (...) leur abus, ou leur usage déplacé peut quelquefois porter un principe de dissolution dans les humeurs...

PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 1, 1808, page 213. 

2. aux bonnes moeurs (confer inconvenant, malséant, incorrect, hors de propos). Propos déplacés; cela est déplacé; il est déplacé de (+ verbe infinitif). Je crains qu'on ne trouve déplacé que vous dansiez avec moi (CLAIRE DE KERSAINT, DUCHESSE DE DURAS, Édouard, 1825, page 153 ). Quel homme exquis! quel malheur qu'il ait fait un mariage tout à fait déplacé! (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, page 149 ). 

 Fréquence absolue littéraire : 566. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 732, b) 603; XXe.  siècle : a) 918, b) 906. 

 

Forme dérivée du verbe \"déplacer\"

 déplacer

DÉPLACER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif direct. 

A.—  1. [L'objet désigne une chose] 

a) Ôter quelque chose de la place qu'il occupait pour le mettre à une autre place ou pour mettre autre chose à sa place. Déplacer un objet, un meuble; déplacer une lettre, un mot, une virgule. Le père de la seconde retourna un trésor dans son pré en déplaçant une borne (CHARLES NODIER, La Fée aux miettes,  1831, page 171 ). Là-bas on ne déplace jamais un bulletin de vote; ici, on les maquignonne (EUGÈNE MELCHIOR, VICOMTE DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent, 1899, page 111 ). Un pas traîna derrière la porte, on déplaça un verrou (HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?,  1934, page 214) : 

Ø 1. À travers [les barreaux d'une cage] , on distinguait des formes humaines immobiles, dont la lampe agitée par le vent déplaçait les ombres fantastiques.

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Le Mariage de Loti,  1882, page 108. 

·    Déplacer de l'argent. Le retirer d'un lieu où on l'avait placé pour en tirer des intérêts : 

Ø 2. Rien ne l'obligerait à déplacer son argent placé. Elle aime mieux emprunter et payer des intérêts sur ses revenus.

JULES RENARD, Journal,  1899, page 524. 

—  Locutions. 

·    Sans déplacer. \" Sans ôter les choses de leur place, sans les emporter \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Le procès-verbal sera fait sans déplacer. Nous terminâmes l'affaire sans déplacer (Dictionnaire de l'Académie française. 1835). 

·    Déplacer de l'air. Se donner de l'importance (avec ou sans raison). Tout homme arrivé, nourri de louanges quotidiennes, a l'exacte notion de l'air qu'il déplace, de la notoriété dont il dispose (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1,  1934, page 182) : 

Ø 3. Quand un type porte un manteau tout neuf, un feutre souple, une chemise éblouissante, quand il déplace de l'air, il n'y a pas à s'y tromper, c'est quelqu'un du boulevard Maritime.

JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée,  1938, page 49. 

·    Avoir une foi à déplacer des montagnes. [Par référence à saint Paul, 1 Co 13, 2]  Avoir une foi telle qu'elle rend possible ce qui était impossible. J'avais cette foi robuste qui, au dire de l'apôtre, peut déplacer les montagnes (LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 17 ). 

—  Par extension.  Traîner à sa suite. Voyez la servante (...) elle déplaça un parfum d'office, de gousset et de savonnette (ALEXANDRE ARNOUX, Les Gentilshommes de ceinture.  1928, page 208 ). 

b) Par analogie.  Enlever ce qui était prévu pour un moment donné afin de le mettre à un autre moment. Déplacer un rendez-vous, une heure d'émission. Le doyen se ferait un plaisir de déplacer mon cours (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 416 ). 

2. [L'objet désigne une personne ou un animal] 

a) Faire quitter à un être humain ou à un animal la place qu'il occupait pour le faire aller à une autre place ou pour faire venir quelqu'un d'autre à sa place. Mais un mouvement déplace le médecin et les femmes, penchés sur le lit (ROGER MARTIN DU GARD, Devenir,  1909, page 200 ). Il n'eut qu'à dire un mot pour que l'ouvreuse déplaçât deux spectateurs (RAYMOND RADIGUET, Le Bal du Comte d'Orgel,  1923, page 30) : 

Ø 4.... les femmes vont de bête en bête jusqu'au bout de la longue file. Dès qu'elles ont fini d'en traire une, elles la déplacent, lui donnant à pâturer un bout de verdure intacte.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Aveu, 1884, page 159. 

·    Déplacer des populations. Les faire quitter leur territoire. 

—  Par extension. 

·    Attirer quelqu'un à soi. De nous tous, Rostand est le seul qui ait la gloire, qui déplace les foules (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 9, 1911, page 8 ). 

·    Entraîner quelqu'un à sa suite. Certains cardinaux jadis déplaçaient plus de cinq cents personnes avec eux (ÉMILE ZOLA, Rome,  1896, page 59 ). 

b) Ôter à quelqu'un sa place (ou son emploi) pour la donner à quelqu'un d'autre ou pour lui en donner une autre. On ne renvoie pas un maître d'école pour çà! —  On peut le déplacer! (GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, tome 2, 1880, page 42 ). 

c) [L'objet désigne une partie du corps]  Mouvoir. Déplacer son regard, sa tête, ses bras, ses jambes, ses pieds : 

Ø 5.... cette capacité ou ce pouvoir que nous avons de remuer et de déplacer les différentes parties de notre corps, et d'exécuter une infinité de mouvemens tant internes qu'externes.

ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 1. Idéologie proprement dite, 1801, page 246. 

B.—  Au figuré.  Faire porter sur un autre point. Déplacer la difficulté, le problème, la question, le débat. Je me livrais à tous les étourdissements qui pouvaient déplacer la douleur et substituer un nouveau remords au premier (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 2, 1834, page 144) : 

Ø 6.... je voudrais bien changer d'horizon, mais j'ai beau déplacer mon objectif, la vision gaie ne se présente pas.

LÉON FRAPIÉ, La Maternelle,  1904, page 227. 

C.—  MARINE.   [Le sujet désigne un navire]  Se substituer à un volume d'eau dont le poids est identique au sein. Déplacer des tonnes. Peser des tonnes : 

Ø 7.... ce paquebot peut être regardé comme un bâtiment considérable puisqu'il déplaçait 19 000 tonnes, mesurait 211 mètres de longueur et que pouvaient y trouver place 4 000 passagers et 6 000 tonnes de fret.

PIERRE ROUSSEAU, Histoire des techniques et des inventions,  1967, page 247. 

II.—  Emploi pronominal. 

A.—  1. Changer de place ou quitter sa place. Le gouvernail (...) se déplaçait (...) avec un grincement monotone, pareil à une voix ensommeillée (ÉMILE MOSELLY, Terres lorraines,  1907, page 226) : 

Ø 8. Lokoti où nous déjeunons. Village qui veut se déplacer. Déjà l'on voit les squelettes des nouvelles huttes, toits non encore garnis, à quelque cent mètres de l'ancien village sur lequel on a jeté un sort.

ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo,  1927, page 790. 

—  Par extension.  Se mouvoir, bouger. Le soleil, en tournant, se déplaçait (ÉMILE ZOLA, Le Rêve,  1888, page 54 ). Une fumée qui se déplaçait lourdement, par bancs horizontaux (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Mes Apprentissages,  1936, page 76 ). Des yeux bleus qui se déplaçaient avec une grande mobilité (PAUL NIZAN, La Conspiration,  1938, page 60 ). 

2. [Le sujet désigne un animé]  Parcourir une distance donnée (entre deux endroits). Mlle.  Verdure s'avançant, Isabelle se reculant, toutes deux se déplacèrent de quelques pas (ANDRÉ GIDE, Isabelle,  1911, page 658 ). On ne voit pas pourquoi il lui faudrait se déplacer [l'ecclésiastique] de Paris à Dijon (MICHEL BUTOR, La Modification,  1957, page 73) : 

Ø 9. Pendant une partie de l'acte, l'auto se déplace. On part des abords d'une petite gare pour s'élever ensuite le long d'une route de montagne.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Knock,  1923, I, page 2. 

—  Par extension.  [Le sujet désigne une personne]  Effectuer un voyage. Tant que l'industrie des transports n'était pas constituée, chacun se déplaçait avec les moyens dont il disposait (ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social.  1893, page 255) : 

Ø 10. D'ordinaire, nous nous déplaçons, pour être ailleurs, parce que la monotonie de nos habitudes nous lasse. Nous espérons rajeunir nos sensations, en abandonnant pour quelques semaines ou quelques mois un milieu qui ne nous suggère plus ni plaisirs aigus ni peines attachantes. Nous mettons notre existence de chaque jour en jachère, pour la retrouver plus féconde au retour.

PAUL BOURGET, Essais de psychologie contemporaine,  1883, page 235. 

B.—  Au figuré.  Changer de direction : 

Ø 11.... sa sensibilité se déplace : Des déplaisirs et des peines qu'il ne connaissait pas l'assiègent. Ce qui lui avait été indifférent lui devient un malaise.

JULES DE GAULTIER, Le Bovarysme,  1902, page 180. 

—  Par extension.  Se mettre en mouvement. La sieste où l'intelligence ne se déplace qu'au ralenti (ALEXANDRE ARNOUX, Calendrier de Flore.  1946, page 178 ). 

Remarque : On rencontre dans la documentation a) Déplaçant, ante, participe présent adjectivé Ramener à l'écurie, aux allures les plus folles et les plus déplaçantes (...) ses bêtes en sueur, les flancs sifflant comme un soufflet troué (Paul Morand, Fin siècle, 1957, page 10). b) Déplaceur, euse, adjectif, substantif (Celui, celle) qui déplace (confer supra A 1 a). On ne peut pas dire qu'elle soit voleuse : elle est déplaceuse. Elle prend un dé qu'elle sait qu'on cherche. Elle ne le rend pas tout de suite : elle laisse chercher (Jules Renard, Journal, 1904, page 876). Les princes de Juda sont devenus pareils à des déplaceurs de bornes (Dictionnaire de théologie catholique (A. VACANT, E. MANGENOT) tome 4, 1, 1920, page 989). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 993. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 692, b) 817; XXe.  siècle : a) 1 342, b) 2 386. 

DÉRIVÉS : Déplaçable, adjectif.  Qui peut être déplacé. Le mot, fait pour aller d'une chose à une autre, est, en effet, essentiellement, déplaçable et libre (HENRI BERGSON, L'Évolution créatrice,  1907, page 160 ). La même fumée familière l'embuait, aussi peu déplaçable qu'une concession à perpétuité (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 18 ). 

Liens utiles