Dictionnaire en ligne: EMPIRE, substantif masculin.

Dictionnaire en ligne: EMPIRE, substantif masculin. I.— Suprématie, domination de quelqu'un ou de quelque chose. A.— Autorité exercée par une personne sur les êtres et sur les choses. L'empire du monde. Mme. Faujas eut bientôt un empire absolu dans la cuisine (ÉMILE ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, page 1084 ). L'homme avait reçu l'empire sur tous les êtres visibles (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 12, 1919-20, page 21 ). — Vieilli. [En parlant d'un ton, d'une attitude] Traiter quelqu'un avec empire (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1878). L'archidiacre parlait avec empire (VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 448 ). B.— Par analogie. Suprématie d'une chose, domination exercée par une chose. L'empire de la beauté, de la mode. [Je crois voir] la domination des rois faisant place à l'empire des lois (Le Moniteur. tome 2, 1789, page 474 ). Le rose s'éteint, se confond avec le gris. Le bleu étend son empire (JULES RENARD, Journal, 1901, page 680 ). C.— En particulier. Ascendant, influence morale de quelqu'un, de quelque chose sur une personne, une de ses facultés. Sous l'empire de la colère, de la passion. J'ai perdu tout empire sur moi-même (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1794, page 246 ). Cet homme exerçait un empire absolu sur mon imagination (CHARLES-JULIEN LIOULT DE CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1815, page 74 ). Sous l'empire du haschisch, je ne peux pas me retenir de voler (ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, 1227). SYNTAXE : L'empire de l'habitude, de la raison, de la volonté; avoir, prendre de l'empire sur; céder, être soumis à l'empire de. II.— Spécialement. A.— Autorité politique souveraine exercée par une personne, parfois par une collectivité ou une personne morale, sur une partie du monde; qualité, charge d'empereur. Aspirer, parvenir à l'empire (Dictionnaire de l'Académie Française). Une union (...) qui (...) eût assuré l'empire des mers à l'Angleterre (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 577 ). Dioclétien (...) après avoir renoncé à l'empire (ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, page 242) : Ø 1. [Carr (à Cromwell)] Si méchant que tu sois, j'aime mieux ton empire Qu'un Stuart, un Hérode, un royal débauché... VICTOR HUGO, Cromwell, 1827, page 135. B.— Régime, forme de gouvernement caractérisé par la présence, à sa tête, d'un empereur qui possède généralement tous les pouvoirs; date, période, durée de ce régime. Fonder, renverser un empire. Habitué aux chutes des républiques et des empires (JULES MICHELET, L'Insecte, 1857, page XXII. ). À la fin de l'ancien empire memphite ou du moyen empire thébain (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 216 ). C.— État, ensemble d'États. 1. État d'une certaine importance ayant ou n'ayant pas d'empereur à sa tête. Grand empire; empire allemand, ottoman. En 1910, la Russie m'était apparue comme un empire aux dimensions gigantesques (MARÉCHAL FERDINAND FOCH, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918, tome 1, 1929, page XXVI. ). SYNTAXE : Capitale, chef, unité d'un empire; limites, provinces d'un empire; se disputer un empire. — En particulier. · L'Empire du Milieu ou le Céleste(-)Empire. La Chine jusqu'au début du xxe. siècle. L'américanisation de l'Empire du Milieu (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 316 ). Confer aussi céleste B 2. · L'Empire du Soleil-Levant Le Japon (confer Paul Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine, 1921, page 30). 2. Par analogie. a) [Par référence à la notion d'État, de territoire, de domaine] Newton (...) l'un des hommes les plus marquans dans l'empire des sciences (JOSEPH, COMTE DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, tome 1, 1821, page 392 ). b) En particulier. — MYTHOLOGIE et POÉSIE. · L'empire céleste. Le ciel, le paradis. Les premiers, Diophore et l'informe Encelade, De l'Empire céleste ont tenté l'escalade! (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, 1852, page 276 ). · L'empire de Neptune, des eaux; le maritime empire. La mer. Comme deux flottes puissantes, se disputant l'empire de Neptune (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Natchez, 1826, page 276 ). · L'empire de Pluton, des morts; le sombre, le ténébreux empire. Les enfers. La région ténébreuse de l'empire des morts (CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 501 ). — HISTOIRE, DROIT. (Haut et souverain) empire de Galilée (Confer basoche A exemple 1 et syntaxe). 3. Ensemble de pays dépendant d'une même autorité et plus particulièrement d'une métropole. Empire britannique. Ils caressent le rêve d'une France (...) appuyée sur un vaste empire colonial (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 136 ). D.— Rare, par métonymie. Ensemble des habitants d'un empire; ensemble de personnes appartenant au gouvernement d'un empire. L'empire se souleva (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1878). L'empire voisin protestait contre l'occupation de la Nigritie (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, page 388 ). E.— HISTOIRE. 1. HISTOIRE ROMAINE et du MOYEN ÂGE. a) Empire (romain). État formé de nombreux territoires ayant Rome pour capitale, fondé par Auguste en 27 avant Jésus-Christ et qui dura jusqu'en 395 après Jésus-Christ; institution, période correspondante. La chute de l'Empire romain : Ø 2.... un chef germain du IIe. siècle était plus capable d'envahir l'empire qu'un patricien de Rome n'était capable de le défendre;... PAUL BOURGET, Essais de psychologie contemporaine, 1883, page 17. b) Haut(-)Empire (romain). Période de l'histoire romaine correspondant aux premiers siècles de l'Empire (27 avant Jésus-Christ — 192 après Jésus-Christ). La longévité — deux siècles — du Haut Empire romain (PIERRE ROUSSEAU, Histoire des transports, 1961, page 63 ). c) Bas(-)Empire. Période de l'histoire romaine allant de 192 après Jésus-Christ à la fin de l'Empire d'Occident (476), correspondant à une époque de décadence. L'histoire du bas empire (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1821, page 312 ). Remarque : Certains dictionnaires généraux et certains auteurs donnent cette appellation à l'Empire d'Orient (confer infra). d) Empire d'Occident. Partie occidentale de l'Empire romain, résultant de la division de celui-ci, gardant Rome pour capitale et qui dura de 395 à 476 après Jésus-Christ; institution correspondante (Confer agonisant exemple 13). e) Empire d'Orient ou Empire byzantin. Partie orientale de l'Empire romain, résultant de la division de celui-ci, ayant Byzance pour capitale et qui dura de 395 à 1453; institution correspondante. Dresser l'empire byzantin contre les Francs (RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades, 1939, page 222 ). f) Empire latin (d'Orient). État fondé par les Croisés au Moyen-Orient de 1204 à 1261. Défendre le nouvel empire latin d'Orient (CHARLES, COMTE DE MONTALEMBERT, Histoire de Sainte Elisabeth de Hongrie, duchesse de Thuringe (1207-1231), 1836, page XXXIX. ). 2. HISTOIRE DU MOYEN ÂGE, MODERNE et CONTEMPORAINE. a) à l'étranger. — (Saint) Empire (romain) (germanique). État fondé par Othon Ier en 962, qui dura jusqu'en 1806, dont les limites varièrent au cours des siècles recouvrant en particulier l'Allemagne actuelle; institution correspondante. Princes de l'Empire. Terre d'Empire (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1878). L'empereur Henri le Lion, dépossédé, mis au ban de l'Empire (ÉLÉMIR BOURGES. Le Crépuscule des dieux. 1884, page 15 ). Confer aussi césarisme exemple 3. · Lutte, querelle du Sacerdoce et de l'Empire. Conflit qui opposa l'autorité ecclésiastique à l'autorité impériale pendant un siècle (1154-1250) (confer Guizot, François Guizot, Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l'Empire romain jusqu'à la Révolution française, 1828, leçon 5, page 34). — Empires centraux (Confer central I A 2 Historique). b) en France. — (Premier) Empire. Régime institué par Napoléon Bonaparte qui devint empereur sous le titre de Napoléon Ier; durée de ce régime (1804-1814); territoire correspondant Maréchal d'Empire; histoire, guerres de l'Empire : Ø 3. Sous le Consulat, le bonhomme Grandet devint maire, administra sagement, vendangea mieux encore; sous l'Empire, il fut Monsieur Grandet. HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, page 11. · En apposition. Dans le style, selon la mode de cette époque. Style Empire. Les ors étincelants d'une pendule Empire (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Messieurs les Ronds-de-cuir, 1893, 5e. tableau, page 186 ). L'éclat merveilleux de sa robe Empire (MARCEL PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, page 1024 ). — (Second) Empire. Régime institué par Napoléon III; durée, période correspondante (1852-1870). Le maire (...), légitimiste rallié à l'Empire depuis peu (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Un Coup d'État, 1882, page 176 ). · En apposition. Dans le style de cette époque. Salon Second Empire (JEAN-PAUL SARTRE, Huis-clos, 1944, 5, page 130 ). · Empire libéral. Deuxième période du Second Empire au cours de laquelle Napoléon III renonça au gouvernement autoritaire et inaugura, par diverses réformes, un régime plus démocratique. Une nouvelle ère, l'empire libéral, s'ouvrait (ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon, 1876, page 353 ). Remarque : En ce qui concerne le régime politique, l'emploi absolu est utilisé dans les deux cas, mais plus fréquemment pour le Premier Empire que pour le Second. En ce qui concerne le style, l'emploi absolu est exclusivement réservé au Premier Empire. F.— Locution figurée. Pas pour un empire. Pour rien au monde. Il ne céderait pas pour un empire (Dictionnaire de l'Académie française. 1835, 1878). Quand je bêche dans mon jardin, je ne donnerais pas ma place pour un empire (ÉMILE MOSELLY, Terres lorraines, 1907, page 22 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 7 241. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 16 853, b) 7 136; XXe. siècle : a) 6 672, b) 8 576. Forme dérivée du verbe "empirer" empirer EMPIRER, verbe. I.— Emploi transitif, vieilli ou littéraire. [Le sujet désigne une personne ou un inanimé] Rendre pire. A.— [Le complément d'objet direct désigne une situation, un fait] Empirer la misère, une position, une situation. Lui-même empira son affaire par son silence farouche (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, 1867, page 104 ). · Emploi pronominal à sens passif. Il était impossible que notre situation s'empirât (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 462 ). — Spécialement. [Le complément d'objet direct désigne un état, un mal physique ou moral] Empirer un état. Quelque pauvre diable dont les recettes des sorcières ou les talismans du marabout ont empiré le mal (JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, La Fête arabe, 1912, page 42 ). · Emploi pronominal réciproque. Il [Maxime] était un produit défectueux, où les défauts des parents se complétaient et s'empiraient (ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 425 ). B.— Rare. 1. [Le complément d'objet direct désigne une personne] Rendre pire d'un point de vue moral. Il a (...) empiré les hommes, gâté les moeurs déjà mauvaises en multipliant les manufactures (JULES MICHELET, Journal, 1848, page 696 ). 2. [Le complément d'objet direct désigne un inanimé concret] : Ø 1. J'ai pensé qu'il valait mieux la donner telle que je l'ai faite [une feuille] que de la laisser courir défigurée et empirée par les sottises des imprimeurs. PAUL-LOUIS COURIER, Lettres de France et d'Italie, 1821, page 900. II.— Emploi intransitif. Devenir pire. A.— [Le sujet désigne une situation, un fait] Empirer encore, tous les jours; une position empire; les choses empirent. Elle connaissait, au contraire, à plusieurs signes, que les affaires ne feraient qu'empirer (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, page 50 ). — Spécialement. [Le sujet désigne un état, un mal physique ou moral] Empirer à vue d'oeil; un mal, une maladie empire; sembler empirer; aller (en) empirant L'état de monsieur votre fils, loin d'avoir empiré, s'améliore sensiblement (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 438 ). B.— [Le sujet désigne une personne ou un inanimé concret] 1. [Le sujet désigne une personne, un de ses attributs physiques ou une collectivité] Devenir pire sous l'effet d'un agent physique ou moral. L'harmonie doit (...) marquer au deuxième couplet que le malade empire (JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante, 1825, page 387 ). Ma jambe empire tellement que le Dr. Jullien m'ordonne l'Hôpital Saint-Louis (PAUL VERLAINE, Correspondance, tome 2, 1893, page 243) : Ø 2.... il y a bien des jours où on se dit qu'il vaudrait mieux être comme elle, et ne pas voir les vilaines gens et les méchantes choses. Le monde devient bien laid; il empire, de jour en jour... ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 588. 2. Rare. [Le sujet désigne un inanimé concret] Et le vent peu à peu empire (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 236 ). Remarque : 1. Certains dictionnaires signalent que l'emploi intransitif se rencontre, aux temps composés, avec l'auxiliaire avoir ou être suivant qu'il indique l'action ou l'état. Sa maladie a beaucoup empiré, est empirée (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878). Il semble que la construction avec l'auxiliaire être soit vieillie. 2. On rencontre le participe passé du verbe en emploi adjectival empiré, ée, vieilli. [En parlant d'une situation, d'un fait et en particulier d'un mal] Rendu, devenu pire. Voilà donc mes affaires empirées (HONORÉ DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2, 1850, page 23). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 17