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DISTINGUÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 16/01/2016

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DISTINGUÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de distinguer* 

II.—  Emploi adjectival.  [Correspond à distinguer B] 

A.—  [En parlant d'une personne ou par métonymie d'un trait physique, intellectuel ou moral de cette personne] 

1. Qui est à part, au-dessus des autres en raison de qualités particulières. Esprit distingué. Synonymes : brillant, célèbre, éminent, remarquable, supérieur. M. Proudhon est certainement une intelligence philosophique très distinguée (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science,  1890, page 474 ). Blochlinger, qui dirige l'éducation du neveu de Beethoven. Pédagogue distingué, admirateur de Pestalozzi, qu'il connaissait personnellement (ROMAIN ROLLAND, Beethoven, tome 2, 1928, page 593) : 

Ø 1. Des hommes distingués par le coeur et par l'esprit, tel notre Emmanuel des Combes, se pressaient dans l'ombre de Vidame avec des grâces d'enfants de choeur, pour lui tendre les burettes et lui présenter le missel.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, page 24. 

—  En particulier.  [En parlant de l'expression, du style]  Quel plaisir de goûter ce noble style si flexible et si distingué, je dirai surtout si aisé, et si homogène qui se déploie d'un bout à l'autre du récit [dans le Retour de l'Enfant prodigue] sans aucune solution de continuité (PAUL CLAUDEL, Correspondance [avec André Gide] , 1899-1926, page 83 ). 

2. Qui est remarquable par la distinction de ses manières. Femme, personne distinguée; fort distingué; air, allure distingué(e). M. Germain est un homme très distingué sous tous les rapports (LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard,  1860, page 209 ). Un visage mondain, distingué et affable (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 368) : 

Ø 2. Peu de minutes après, précédé de la sonnerie et accompagné du suisse, le prêtre arriva, et presque aussitôt survint pour servir la messe un homme souffreteux d'apparence, mais de ce type distingué (dans les deux sens physiques et moral du terme) qui est celui de l'artisan français... 

CHARLES DU BOS, Journal,  1928, page 129. 

B.—  [En parlant d'un inanimé concr]  Qui traduit la distinction, l'élégance, qui est de bon ton. Synonymes : chic (familier), élégant. La boutique fut peinte en noir, et relevée de filets jaunes, deux couleurs distinguées (ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 674 ). Le chrysanthème distingué qu'il porte à son veston (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école,  1900, page 74 ). 

—  Locution familière. Trouver distingué de. Trouver de bon ton de. Je trouvais distingué de m'ennuyer auprès de M. Barrault (JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots,  1964, page 63 ). 

—  Emploi comme substantif masculin singulier avec valeur de neutre.  Ce qui est ou fait distingué. Les femmes demandent à être étonnées. Le beau et le distingué, c'est de les étonner par la simplicité (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1861, page 891 ). 

C.—  Domaine épistolaire.  Considération distinguée, sentiments distingués. Formule de politesse à la fin d'une lettre. Agréez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance,  1834, page 596 ). Agréez, Monsieur le rédacteur, l'assurance de ma considération la plus distinguée (ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale.  1835, page 108 ). 

 Fréquence absolue littéraire : 2 719. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 5 980, b) 3 897; XXe.  siècle : a) 3 830, b) 2 067. 

 

Forme dérivée du verbe \"distinguer\"

 distinguer

DISTINGUER, verbe transitif.  

Par un effort d'attention, aboutir à découvrir ou à déterminer, sans confusion possible, dans des êtres ou des choses, ce qui les rend différents (d'êtres ou de choses de même niveau ou de même environnement). 

A.—  [L'effort d'attention porte sur des différences de nature (caractères, traits, attributs, etc.); le sujet désigne une personne ou un être assimilé; l'adjectif correspondant est distinct] 

1. [Le discernement est l'aboutissement d'une opération des sens] 

a) Distinguer quelque chose. Distinguer un chant, une silhouette, un visage. J'écoute et je distingue les accents d'une voix humaine (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 363 ). Elle tendait son oreille à un roulement éloigné. On distingua le bruit d'une voiture mêlé à un claquement de fers (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 88 ). Je distingue l'odeur des lys (PAUL CLAUDEL, La Ville,  1901, I, page 432) : 

Ø 1. Assis l'un près de l'autre, éclairés par la lueur des deux lanternes suspendues au plafond, ils purent distinguer les changements survenus à leurs traits depuis leur séparation, marquée pour elle et pour lui par tant d'incidents graves.

LÉON GOZLAN, Le Notaire de Chantilly,  1836, page 222. 

SYNTAXE : Distinguer les couleurs, des formes, une foule, la pâleur, les paroles, les traits, des voix; distinguer dans la pénombre. 

—   [Avec un complément circonstanciel (préposition par) indiquant le sens, l'organe qui permet le discernement]  Cet aveugle distingue par le toucher une pièce d'or d'une pièce d'argent (Dictionnaire de l'Académie française.  1932). 

—  Distinguer que + subordonnée complément. On distinguait dans la demi-obscurité du soir d'hiver que la table, la cheminée et même les fauteuils étaient chargés de grands vases, d'objets de prix, d'armes anciennes (HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, Le Grand Meaulnes,  1913, page 76 ). 

b) [Avec un complément d'objet second] 

—  Distinguer quelque chose d'autre chose. Je distingue le cachet rouge du cachet bleu (JULES RENARD, Poil de carotte,  1894, page 102 ). Dès que nous savons distinguer un éléphant d'un parapluie, nous regardons comme faite l'éducation de notre oeil (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes,  1927, page 209 ). 

—  Distinguer quelque chose d'avec une autre. Nous étions si éloignés que nous ne pouvions distinguer la cavalerie d'avec l'infanterie (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932). 

—  Distinguer quelque chose sur d'autres (rare). Sa robe était bleue et si simple, que vous ne l'eussiez pas distinguée sur tant d'autres robes bleues qui passaient (RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises,  1839, page 141 ). 

2. [Le discernement est l'aboutissement d'une opération de l'esprit] 

a) Distinguer quelque chose. Il faut distinguer trois espèces de sectes religieuses et philosophiques en Allemagne (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 5, 1810, page 144 ). Ces observations permettent à Zuckermann de distinguer trois facteurs dans le comportement soi-disant maternel de la guenon et de son petit (JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort,  1949, page 6) : 

Ø 2. Et voici qu'aujourd'hui je distingue son optimisme, je le querelle, j'en distingue l'accent superficiel, la pensée facile, injustifiée, indigne d'une si puissante orchestration.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 9, 1911-12, page 14. 

—   [Avec un 2e.  complément] 

·    Distinguer quelque chose/quelqu'un (d'une autre chose, personne). Je ne distingue plus le bien du mal et j'ai besoin qu'on me trace ma route (JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches,  1943, II, tableau1, 4, page 62 ). Pour distinguer les paranoïaques constitutionnels des paranoïaques délirants, le docteur Genil-Perrin les appelle les « petits paranoïaques » (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 548 ). 

·    Distinguer quelque chose/quelqu'un d'avec. Distinguer l'ami d'avec le flatteur (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932). 

·    Distinguer entre (quelque chose et une autre). Toutefois il est incontestable qu'extases, visions, ravissements sont des états anormaux, et qu'il est difficile de distinguer entre l'anormal et le morbide (HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion,  1932, page 242 ). Mais comment saurais-tu distinguer entre les effets et les causes (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 634) : 

Ø 3. Ici, comme dans tous les domaines, il faut maintenir à la fois le monisme nécessaire de la conception philosophique et les distinctions qui ont une valeur usuelle. Dans une automobile, pratiquement, il faut distinguer entre le mécanisme moteur, la structure des organes de transmission et d'utilisation de mouvement —  et la quantité de mouvement fournie par la combustion de l'essence.

RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure,  1930, page 61. 

—   [Avec un complément prépositionnel en indiquant le résultat (classes d'êtres ou de choses) de l'opération]  Distinguer (des personnes, des choses) en. Les individus ont été distingués en intellectuels, sensitifs et volontaires (ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 293 ). 

b) En particulier.  Reconnaître (dans une chose ou entre plusieurs) ce qu'il y a de différent et y avoir égard. Synonymes : diviser, séparer. Distinguer les divers sens d'un mot (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932). 

—  emploi absolu. Il faut distinguer. Je vous accorde le principe; mais, avant de tirer les conséquences, distinguons (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932). 

3. Emploi factitif.  Réaliser les conditions (de 1 et/ ou 2) permettant ou rendant nécessaire le discernement, faire que les oppositions soient discernables par les sens ou par l'esprit. 

a) [Le sujet désigne celui ou ce qui réalise ces conditions, avec généralement un complément circonstanciel (préposition par) indiquant le trait qui permet le discernement]  Distinguer les objets par des noms différents (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932).  On l'appelait le grand Cointet pour le distinguer de son frère, qu'on nommait le gros Cointet (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues,  1843, page 566 ). 

—  Emploi pronominal à sens passif. Ces philosophes se distinguaient des autres hommes par leur vêtement comme, aujourd'hui, un prêtre se distingue par le sien des hommes qui l'entourent (ÉTIENNE GILSON. L'Esprit de la philosophie médiévale,  1931, page 30 ). C'est, dit-il, un vieux préjugé, une proposition triviale, de dire que l'homme se distingue de l'animal par la pensée (JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort,  1949 page 88) : 

Ø 4.... végétaux et animaux représentent bien les deux grands développements divergents de la vie. Si la plante se distingue de l'animal par la fixité et l'insensibilité, mouvement et conscience sommeillent en elle comme des souvenirs qui peuvent se réveiller.

HENRI BERGSON, L'Évolution créatrice,  1907, page 120. 

b) [Le sujet exprime le trait inhérent (à l'être ou à la chose) qui permet le discernement]  L'espèce de casque qui distingue cet animal [le caméléon] (GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 2, 1805, page 31 ). Je sais enfin ce qui distingue l'homme de la bête : ce sont les ennuis d'argent (JULES RENARD, Journal,  1904, page 943) : 

Ø 5. L'homme est, avant tout, l'inventeur des armes, des outils et des machines. C'est à l'aide de ces inventions qu'il a pu manifester ses caractères propres, ceux qui le distinguent de tous les autres êtres vivants.

ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 67. 

B.—  [L'effort porte sur des traits qui valorisent, en mettant à part ou au-dessus un être ou une chose; l'adjectif correspondant est distingué] 

1. Mettre à part (quelque chose ou quelqu'un) par un trait de singularité, de supériorité. 

a) [Le sujet désigne celui ou ce qui est valorisé, avec généralement un complément circonstanciel (préposition par) indiquant le trait qui valorise] 

—  Emploi pronominal. 

·    Réfléchi. L'auteur se distinguait par un esprit éminemment classique (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 269) : 

Ø 6.... à l'université McGill où il [McDowey] se distingua tant par ses exploits dans tous les sports, boxe, lutte, rugby, hockey, que par les hautes marques qu'il décrocha dans la plupart des matières.

GERMAINE GUÈVREMONT, Le Survenant,  1945, page 279. 

·    Absolu à sens passif. Chercher à se distinguer (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). 

b) [Le sujet désigne le trait qui valorise; l'objet désigne celui ou ce qui est valorisé]  Les vertus chrétiennes qui distinguent si éminemment la princesse (MADAME COTTIN, Mathilde, tome 5, 1805, page 319 ). La délicatesse de nos estomacs nous distinguait du commun (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 49) : 

Ø 7. La gravité des moeurs, l'intégrité, la science, qui distinguoient si éminemment la magistrature française, lui avoient acquis, avec le respect et la confiance des peuples, une haute considération dans l'Europe entière.

FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, De la Religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil,  1826, page 85. 

2. [Le sujet désigne la personne qui valorise; l'objet, la personne qui est valorisée]  Mettre (quelqu'un) à part des autres personnes, de manière à le valoriser à leurs yeux et le traiter avec des égards particuliers, généralement en vue d'une fin définie. Dès qu'il parut à la cour, le prince le distingua d'une manière flatteuse (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932). Il s'échauffa et finit par crier que les Napoléon savaient distinguer les hommes de coeur et d'énergie (ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 304 ). 

Remarque : On rencontre dans la documentation a) Distinguable, adjectif.  Susceptible d'être distingué.  (Quasi-)synonyme : distinct.  Des chansons sans signification ni mots distinguables (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1850, page 176). b) Distinguant, ante, en emploi adjectival  [Correspond à distinguer A 3]  Qui permet la distinction, le discernement. Si la « manufacture » et la « machino-facture » sont indiscernables en acte, elles ne sont nullement indiscernables selon la manière! Or, de toutes les manières, la plus distinguante est la médiation (VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 149). c) Distingueur, adjectif masculin  Qui fait état d'une distinction. Leur logique rudimentaire, de roc, de fer, est impénétrable à tout raisonnement contradictoire et « distingueur » (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, page 114). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 7 023. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : 10 784, b) 7 994; XXe.  siècle : a) 9 895, b) 10 431. 

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