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Introduction Écrire une Histoire de l'Égypte pharaonique ne présente plus, de nos jours, l'aspect aventureux qu'une pareille tentative conservait encore au tournant du XXe siècle.

Publié le 06/01/2014

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Introduction Écrire une Histoire de l'Égypte pharaonique ne présente plus, de nos jours, l'aspect aventureux qu'une pareille tentative conservait encore au tournant du XXe siècle. G. Maspero composait alors, en plein essor du scientisme, sa monumentale Histoire des Peuples de l'Orient Ancien et, quelques années plus tard, J. H. Breasted son History of Egypt -- deux ouvrages qui sont, aujourd'hui encore, à la base de la majorité des synthèses. Il n'y a pourtant pas si longtemps, à l'échelle des autres Histoires, le poids de la Bible et de la tradition classique rejetaient la civilisation égyptienne dans un flou dont les grandes querelles chronologiques, passées du XIXe siècle au nôtre, portent encore témoignage. Ces querelles opposent les partisans d'une chronologie dite « longue », généralement les plus éloignés d'un usage scientifique des sources documentaires, aux tenants d'une histoire moins poétique et plus tributaire des données de l'archéologie. Elles ont fini par s'apaiser, et l'on s'en tient généralement aujourd'hui à une chronologie « courte » sur laquelle tout un chacun, ou presque, s'accorde, à quelques générations près. Mais si maintenant un accord est, en gros, acquis sur les deux premiers millénaires, les progrès récents de la recherche ont fait remonter le problème aux premiers temps de l'Histoire et posé sous un nouveau jour la question des origines de la civilisation. Ce n'est pas le moindre paradoxe de l'égyptologie -- une des plus jeunes sciences appliquées aux périodes de l'Antiquité les plus anciennes, si l'on veut bien considérer qu'elle naquit il y a seulement un peu plus d'un siècle et demi avec Jean-François Champollion --, que d'être, grâce à l'emploi des techniques les plus récentes, à la pointe de la recherche des origines de l'humanité. La culture pharaonique a de tout temps fasciné ceux qui la découvraient, même s'ils n'étaient pas capables de comprendre les mécanismes profonds d'un système dont toutes les réalisations donnent une impression de pérennité et de sagesse immuables. Les voyageurs grecs, particulièrement, à défaut de pouvoir transmettre à leurs cités ses valeurs fondatrices, répandirent de très bonne heure l'image qu'ils étaient venus y chercher : celle d'une source de la pensée humaine, respectable et mystérieuse, d'une étape illustre, mais d'une étape seulement au regard de la perfection du modèle grec. Leurs descriptions de la civilisation et de son cadre reflètent tout à la fois cet attrait et une certaine réserve face à des coutumes que la méconnaissance quasi obligée des sources rendaient suspectes. Les Grecs entreprirent une exploration systématique du pays : réalités contemporaines avec Hérodote au Ve siècle avant notre ère, géographie sous la plume de Diodore de Sicile et, à la génération suivante, de Strabon, qu'un séjour prolongé « sur le terrain » avait tous deux rendus familiers de la Vallée, arcanes religieux avec Plutarque six siècles plus tard. Parallèlement à ces dernières entreprises, d'autres travaux puisaient directement aux sources proprement égyptiennes, redécouvertes sous les souverains lagides grâce à des recherches comme celles de Manéthon, puis du géographe Ptolémée. Le regard que les Romains tournèrent à leur tour vers l'Égypte ne s'arrêtait pas seulement aux richesses du pays et à la fortune des héritiers d'Alexandre, même si ce fut dans les traces de ce dernier que vinrent marcher Antoine, César, Germanicus, Hadrien, Sévère et d'autres : Pline ou Tacite ne poursuivaient pas d'autre but que celui que visaient leurs prédécesseurs grecs, historiens et géographes. Mais l'Égypte, champ d'érudition privilégié des héritiers d'Aristote comme Théophraste, répondait aussi à une attirance profonde pour les valeurs orientales. Les premières manifestations s'en firent sentir à Rome au début du IIe siècle avant notre ère, lorsque la Ville, se croyant menacée dans sa structure propre par la montée des cultes orientaux habillés sous les traits grecs des Bacchantes, prit en 186 un sénatus-consulte inspiré par Caton : les valeurs traditionnelles furent sauvées pour un temps du déferlement incontrôlable de l'Orient, au prix de plusieurs milliers de morts. Les cités grecques durent se soumettre à l'imperium romain qui hérita d'Alexandre une nouvelle image de l'Orient : la royauté hellénistique recevait à travers lui l'autorité sur l'univers, des mains des dépositaires du pouvoir de Rê, ouvrant ainsi la voie au règne sans partage de Rome sur le monde connu. L'union du nouveau maître de ce monde à Cléopâtre, dernière descendante des pharaons -- même si cette descendance n'était que fictive --, en consacrant l'association d'Hélios et de Sélénè, scellait la fusion de l'Occident et de l'Orient. Mais l'union fut brève et Auguste, tout comme jadis Caton, en détruisit le fruit qui eût été tout aussi dangereux pour l'équilibre de l'Empire naissant que le furent les Bacchanales en faisant assassiner Césarion après la prise d'Alexandrie en 30 avant notre ère. L'Égypte, devenue propriété personnelle de l'empereur, s'installait définitivement dans le camp des vassaux de Rome; elle allait toutefois conserver son ancienne aura de sagesse et de science, revivifiée et transmise par la koinè méditerranéenne au nouveau centre de gravité de l'univers. Deux images se superposent alors. La première est celle de la civilisation hellénistique d'Égypte, que l'on perçoit au travers d'oeuvres comme celle de Théocrite. Les deux cultures s'y rejoignent dans une harmonie que l'on retrouve chez Apollonios de Rhodes et dans tout le courant de pensée alexandrin. La seconde rejoint une tradition que l'on pourrait déjà qualifier d' « orientalisante », illustrée par Apulée ou Héliodore d'Émèse. Cette dernière renforce l'aspect mystérieux de la vieille civilisation, avançant dans le même sens que la philosophie : le néoplatonisme donne naissance au courant hermétique, à travers le renouveau du pythagorisme qui marque n Orient les débuts de l'Empire. L'hermétisme sera, avec plus tard la Kabbale, le moyen principal d'accès à ne civilisation rendue définitivement incompréhensible par l'exclusive chrétienne. Ce courant vers l'ésotérisme st conforté par la montée des cultes égyptiens qui suit l'extension de l'Empire en popularisant à travers les igures d'Osiris, Isis et Anubis la passion de l'archétype du souverain égyptien, perçue comme l'un des modèles e la survie après la mort. out change en 380 après Jésus-Christ avec l'édit par lequel Théodose consacre le christianisme comme eligion d'État en interdisant sans retour les cultes païens. Il condamne ainsi irrémédiablement la civilisation gyptienne au silence. La fermeture des temples, amorcée en 356 par Constance II et définitivement onsommée avec le massacre des prêtres du Sérapeum d'Alexandrie en 391, signifie en effet, au-delà de l'arrêt e la pratique religieuse, l'abandon de la culture qui la supporte, tout entière transmise par une langue et une criture dont les seuls prêtres assuraient la continuité. Les chrétiens se vengèrent cruellement des persécutions es « idolâtres » en ravageant temples et bibliothèques et en massacrant les élites intellectuelles d'Alexandrie, e Memphis et de la Thébaïde. Les derniers à y échapper furent les foyers de Basse-Nubie et de Haute-Égypte. ls ne durent d'être les derniers qu'à une situation géographique qui les plaçait sur le limes impérial, les vouant insi à un rôle de résistants auquel une longue tradition de lutte avec les anciens colonisateurs de la vallée du il les avait préparés. À partir du milieu du VIe siècle, après la fermeture définitive du temple d'Isis à Philae, un ong voile de silence recouvre nécropoles et temples, livrés au pillage et à toutes les réutilisations : emploi des hapelles comme habitations et étables ou simple mise en carrière, en passant, naturellement, par la ransformation des sanctuaires en églises. Karnak abritera pendant plus de cinq siècles couvents et onastères, sur les murs desquels les yeux crevés des anciens dieux suivent le nouveau culte à travers les cailles d'un enduit grossier. es sites urbains ont eu plus de chance : la montée annuelle des eaux du Nil et la mise en valeur des terres nterdisant pratiquement de déplacer les habitats, les villes anciennes ont été progressivement recouvertes. ien des cités modernes, essentiellement dans le Nord du pays mais aussi dans le Sud, ne sont que l'ultime tat d'une superposition qui remonte souvent à l'aube de l'Histoire. ertains temples ont même quelquefois conservé leur caractère de lieux sacrés, un peu comme si le sens rofond du syncrétisme religieux des Anciens avait marqué leurs descendants, au point de leur faire conserver es temenoi, qui fournissent ainsi des stratigraphies à l'échelle des millénaires. L'accumulation qui sépare ans le temple de Louxor le sol de la cour de Ramsès II de la mosquée d'Abou el-Haggag représente plus de eux mille ans. Ce même lieu a connu tour à tour les invasions assyrienne, perse, grecque et romaine, avec 'établissement d'un camp militaire et toute la palette des cultes de l'Empire qui y furent célébrés, le hristianisme et enfin l'islam. Le saint auquel est consacré la mosquée est encore de nos jours l'objet d'une rocession annuelle de barques qui n'est pas sans rappeler celles qui conduisaient jadis Amon-Rê d'un temple l'autre. et exemple n'est pas unique, et les sites ainsi conservés sont nombreux dans la Vallée et le Delta ou des ndroits très reculés comme l'oasis de Dakhla : là, une autre mosquée, celle de l'ancienne capitale ayoubide 'el-Qasr, repose, elle aussi, sur une stratigraphie continue dont la base probable est la XVIIIe dynastie, peuttre même le Moyen Empire. 'archéologue se réjouit de cette accumulation pour son aspect conservatoire. Il est clair que l'historien ne peut, court terme, y trouver son compte. Ayant perdu sa langue et sa religion, soumise aux lois du vainqueur qui ransforment ou dénaturent ses propres structures -- l'application au pays du Droit romain, par exemple, a ressé une barrière parfois bien lourde à soulever pour retrouver la trace du code indigène antérieur --, 'Égypte s'est rapidement coupée de ses valeurs traditionnelles. Le christianisme d'Égypte, qui revendique à uste titre un primat historique et religieux en Orient, a développé une civilisation originale et riche, tant par son rt que par sa pensée. Il n'en reste pas moins qu'il a fait table rase des valeurs anciennes. En contrepartie, les optes ont donné droit de cité à la pensée populaire, bien éloignée alors des canons religieux. Son influence ans l'art et l'architecture est indéniable, ne serait-ce que par l'essor de la tapisserie figurée ou le traitement des isages des gisants funéraires qui aboutit aux extraordinaires portraits popularisés par les écoles du Fayoum. et art préfigure également l'apport islamique avec le renouveau des techniques ornementales ou le passage à a coupole en architecture. De même, le monachisme a fondé, dès le milieu du IIIe siècle avec Paul l'égyptien, ne tradition originale, dont la vivacité actuelle montre assez qu'elle fait partie du patrimoine profond de 'Égypte. 'Islam, souple et tolérant au moment de la conquête, plus exigeant par la suite, a permis le développement de ouvelles valeurs. Elles sont aussi fondatrices de l'Égypte contemporaine, mais bien éloignées des temps des haraons, en qui la tradition religieuse, reprenant des thèmes épars chez des scholiastes comme le (pseudo)érose, vit les oppresseurs de la vraie Foi. Ramsès II, en particulier, représenté d'abord comme l'adversaire de oïse, devint le parangon du mal. Il faut attendre la fin du XIXe siècle, puis la création de la République Arabe d'Égypte pour le voir devenir, réintégré dans l'Histoire par les manuels scolaires, au fil des heurs et malheurs de la politique contemporaine, un des symboles de l'unité de la nation arabe et, plus généralement, de la grandeur passée du pays. L'Histoire méconnaît donc par force les pharaons à partir du Ve siècle de notre ère. L'abandon progressif du copte au profit de l'arabe coupe le dernier lien avec l'Antiquité. La légende s'empare de celle-ci, selon une tendance naturelle qui s'était déjà fait jour chez les sujets de Pharaon qui prêtaient volontiers à leurs anciens rois des aventures dignes des Mille et Une Nuits. Très vite, le passé, que quelques monuments émergeant du sable permettent de supposer glorieux, excite la convoitise par les richesses qu'il laisse entrevoir au hasard de fouilles clandestines qui font partie, elles aussi, de la tradition de l'Égypte éternelle. Des recueils circulent, tel le Livre des perles enfouies, pour guider les chasseurs de trésors dans un monde peuplé d'esprits où Bès devient le gnome Aïtallah, Sekhmet une terrible ogresse, sans oublier la géante Sarangouma... Bien sûr, les sages se moquent des insensés qui poursuivent ces chimères. Mais Ibn Khaldoun peut fustiger leur folie, cela n'empêche pas le calife Al-Mamoûn, le fils du célèbre Haroun al-Rachid, de s'attaquer à la pyramide de Chéops. Il inaugure ainsi un processus qui, de pilleurs en carriers, dépouillera les pyramides de Gîza en même temps de leur mystère et des blocs de calcaire fin qui les recouvraient avant de servir à la construction des palais de la ville mamelouk et ottomane du Caire. La mémoire du pays, livrée partout aux chasseurs de trésors, aux carriers et chaufourniers, se voit aussi transformée par les nouveaux occupants. Quelques grands faits et croyances profondes survivent presque inchangés à travers des personnages comme Abou el-Haggag. La tendance la plus générale reste de réinterpréter ce que l'on ne peut pas comprendre à travers la seule approche qu'on accepte de ses propres origines : les textes sacrés. Les chrétiens se livrent comme les musulmans à cette recherche des sources : pour eux, l'Égypte est la terre biblique par excellence, de Babylone aux chemins de l'Exode, et tous s'y retrouvent, coptes comme chrétiens d'Occident. Ces derniers découvrent le pays à l'occasion de pèlerinages et des croisades. Ils le voient en croyants, informés par des traditions héritées de la civilisation gréco-byzantine. L'exemple le plus célèbre de cette déformation est le nom même des pyramides. Le mot qui sert à désigner ces grandes constructions de pierres qu'ils viennent dmirer en s'arrêtant au Caire sur le chemin des Lieux saints est grec. Dans cette langue, il désigne un gâteau de froment -- sans doute parce qu'elles en évoquaient la forme pour ces premiers « touristes ». Par la suite, et ur la base d'une étymologie reconstituée à partir du nom du froment, pyros, à l'origine du mot, la tradition les interprétées comme d'anciens silos à blé -- tant il est vrai qu'on avait oublié leur rôle réel. Il paraît tout à fait ormal à nos pèlerins pour qui l'Égypte est d'abord un grand exportateur de céréales d'y voir les greniers dans esquels Joseph entassa le grain pendant les années de famine. ces souvenirs de la Bible se mêle celui des merveilles qui, dès le début du IVe siècle après J.-C., avaient nchanté les empereurs, grands collectionneurs d'oeuvres d'art égyptiennes et d'obélisques qui font encore la loire de Rome et d'Istanboul. La Renaissance voit un retour de l'exotisme architectural, et les sphinx gyptisants le disputent aux pyramides de pierre ou de buis dans les jardins européens. Mais il faut attendre la econde moitié du XVIe siècle, c'est-à-dire la reprise des relations commerciales après la conquête turque -- eprise qui donne à la France le rôle que jouait Venise jusqu'au siècle précédent --, pour que l'Égypte onnaisse une vogue qui ne se démentira plus. es récits des voyageurs qui visitèrent l'Égypte sur les traces de leurs prédécesseurs arabes -- Abou Sâlih, Ibn attouta, Ibn Jobaïr et d'autres -- furent pour beaucoup dans cette mode. Parmi ceux-ci, on retiendra le èlerinage du dominicain Félix Fabri ou le voyage que fit le botaniste Pierre Belon du Mans dans la suite de 'ambassadeur que la France envoya auprès de la Sublime Porte juste après la conquête. Ces récits sacrifient ouvent aux lois du genre, comme ceux de Jean Palerne, Joos van Ghistele, en route pour le mystérieux oyaume du Prêtre Jean, Michael Heberer von Bretten, Samuel Kiechel, Jan Sommer et bien d'autres. Peut-être st-ce justement leur caractère artificiel qui plaît ? En tout cas, ils sont beaucoup lus. l convient de réserver dans cette énumération sommaire une place à part aux écrivains comme Maqrîzi ou, lus près de ces voyageurs, à Léon l'Africain. Certains comme Christophe Harant s'attachent à mettre leurs pas ans ceux des classiques, essentiellement Strabon et Diodore, imprimés pour la première fois à la fin du XVe iècle. D'autres cherchent à retrouver la même veine scientifique : le géographe André Thévet ou le médecin de adoue Prosper Alpin, auquel un séjour de presque quatre ans en Égypte, augmenté d'une connaissance rofonde de l'oeuvre de ses prédécesseurs, d'Hérodote à P. Belon du Mans en passant par Avicenne, tolémée, Diodore, Pline, etc., fournit la matière de trois ouvrages sur la faune, la flore et la médecine qui sont estés un modèle. n s'attendrait à ce que les voyageurs du XVIIe siècle suivent cette voie plus scientifique, en tout cas mieux ocumentée. Il n'en est rien, malgré la vogue croissante de l'orientalisme nourrie par la politique étrangère de olbert et les « turqueries » naissantes comme celle du Bourgeois Gentilhomme : commerçants, diplomates n mission ou simples touristes se cantonnent dans des descriptions conventionnelles et souvent inexactes qui ne dépassent guère la région du Caire. Les précisions sont rares et restent très matérielles, visant plus à fournir es renseignements pratiques que scientifiques ou historiques. C'est le cas de George Christoff von Neitzschitz, Don Aquilante Rocchetta, Johann Wild aux aventures dignes d'un roman picaresque, et d'autres encore. La tendance est plutôt à l'observation de l'Orient contemporain, que ce soit à l'occasion de brefs passages ou de longs séjours au sein de la nouvelle « nation française » d'Égypte; le Père Coppin en est un exemple... C'est aussi l'époque où naissent les « cabinets de curiosités », renouvellement de la mode des antiquités et préfiguration des grandes collections qui forment le fonds des principaux musées d'Europe. Voyageurs et érudits entreprennent d'exploiter la redécouverte de la civilisation égyptienne, qui se fait un peu au hasard des xhumations de momies. On en tire une poudre souveraine pour régénérer, entre autres, les terres cultivables ue l'Europe s'arrache, au point que les Anglais construisent dans leur pays des « moulins à momies » pour atisfaire la demande sans cesse croissante. On lit beaucoup les auteurs anciens, et Hérodote est le premier uide que l'on emporte pour le voyage en Égypte, à la mode dès avant la Révolution française. uelques grandes figures se détachent chez ces voyageurs, devenus plus « professionnels » depuis Thévenot archéologues et antiquaires comme le Père Vansleb, Lucas ou Fourmont, médecins comme Granger, xplorateurs comme Poncet et Lenoir. Peu à peu, l'Égypte ancienne apparaît à travers quelques grands sites : n redécouvre vers 1668 Karnak, connu dès la fin du XVe siècle par la carte d'Ortelius et le récit du Vénitien nonyme, et Memphis presque un siècle plus tard. Un premier ouvrage consacré exclusivement aux pyramides araît même à Londres en 1641. u XVIIIe siècle apparaissent des analyses scientifiques : Norden, Pococke, Donati, les relations du Père icard, Volney, Balthazar de Monconys, l'ami d'Athanase Kircher dont les travaux inspireront Champollion, avary et bien d'autres qui préparent, à leur façon, le travail de l'Expédition d'Égypte. C'est le grand tournant de l'égyptologie. L'affrontement des nations au sortir de la Révolution ouvre de grands espoirs en même temps qu'un champ quasi illimité à la soif de connaissances des héritiers de l'Encyclopédie. Les jeunes savants qui suivent l'armée de Bonaparte entreprennent une monumentale Description de l'Égypte qui prend en compte non seulement la faune, la flore, les ressources du pays, mais aussi toutes les formes d'architectures, d'art -- ref, toutes les civilisations qui s'y sont succédé. endant des mois, au prix de peines inouïes mais avec un courage, une opiniâtreté et une précision dignes d'éloges, ils rassemblent une masse de documents qui va alimenter non seulement les travaux des déchiffreurs, ais bon nombre de synthèses modernes. Désormais, l'orientalisme cesse d'être une mode pour devenir un courant littéraire et artistique. Les oeuvres se multiplient, de Gérard de Nerval à Eugène Delacroix en passant par le style « retour d'Égypte », les merveilleux dessins de James Owen et de David Roberts qui allient à la perfection thèmes orientalisants et précision archéologique, sans oublier des compositions moins liées à l'Egypte qu'à la naissance de l'empire colonial : Gérôme, qui visita en compagnie de Paul Renoir et Bonnat le Sinaï à l'occasion de l'inauguration du canal de Suez, Fromentin, Guillaumet, Belly, dont les « Pèlerins allant à la Mecque » firent scandale au Salon de 1861... Entre-temps, les travaux de Thomas Young en Angleterre, et ceux de Jean-François Champollion en France avaient fondé l'égyptologie moderne. En 1822, après bien des difficultés, dues autant aux changements politiques qui l'ont ballotté entre Grenoble, Paris et Figeac qu'à la résistance que lui opposent les autorités scientifiques, Jean-François Champollion expose, dans la Lettre à M. Dacier les bases de sa méthode de déchiffrement des hiéroglyhes. Il la développe l'année suivante dans un Précis du système hiéroglyphique. Ses détracteurs en sont encore à chercher une faille dans le système que déjà il se plonge dans les grandes collections amassées par des aventuriers attirés par un pays qui présente pour eux tous les attraits d'un nouveau monde. Ils écument les sites pour le compte des consuls étrangers en Égypte et profitent de la mise en valeur du pays sous Mehemet Ali et ses successeurs : c'est l'étonnant duel que se livrent Giambattista Belzoni pour le compte d'Henry Salt et Bernardino Drovetti, luimême secondé entre autres par le marseillais Jacques Rifaud. Ces affrontements épiques, plus proches des rezzou que de l'archéologie, sont à l'origine des premiers fonds du British Museum, du Louvre et de Turin. C'est d'ailleurs cette dernière collection, réunie par Drovetti et vendue en 1824 au roi de Sardaigne, qui donne à Champollion l'occasion d'être le premier à exploiter les listes royales. Il écrit également un Panthéon, premier tableau de la religion, qu'il ira compléter -- enfin ! -- en Egypte même. Il relève et décrit à son tour une énorme masse de documents qui seront publiés quarante ans après sa mort dans les Monuments d'Égypte et de Nubie. Rentré à Paris, il a à peine le temps de donner quelques cours dans la chaire créée pour lui au Collège de France; il meurt le 4 mars 1832, à quarante-deux ans, après avoir définitivement fixé les bases de la langue dans une Grammaire égyptienne, qui ne sera publiée qu'en 1835. La France se trouvait ainsi occuper une place de premier plan dans l'égyptologie naissante. L'oeuvre des successeurs de Champollion allait confirmer ce rôle, principalement celle d'A. Mariette sur le terrain. La façon dont celui-ci conduisit le dégagement de grands sites comme Saqqara ou Tanis est à peu près indéfendable aux yeux de l'archéologie moderne. Il n'en reste pas moins qu'il ne se contenta pas d'être le fouilleur heureux du Sérapeum, de Karnak ou de Tanis. Il sut exploiter ses propres trouvailles et celles, plus ou moins fortuites, que le hasard l'amena à connaître. Il parvint surtout, à force de fermeté, à faire jeter par le vice-roi Saïd les bases d'un organisme capable de mettre fin au départ massif des antiquités vers les collections européennes et d'assurer leur conservation sur place. Du musée de Boulaq à celui du Caire a commencé à se constituer le plus grand ensemble existant de témoignages sur la civilisation pharaonique. Dans le même temps, le Service des Antiquités garantit peu à peu l'exploitation scientifique des sites en limitant le pillage. Les rivalités qui opposèrent alors les nations européennes pendant presque un siècle n'affectèrent réellement le travail de leurs ressortissants en Égypte que pendant les périodes de guerre. L'expédition prussienne de 1842 à 1845 et les Denkmäler aus Ägypten und Äthiopien publiés dix ans plus tard par Richard Lepsius fournirent à la communauté scientifique un troisième corpus d'inscriptions et de monuments dans lequel elle puise encore de nos jours. La fin du XIXe siècle consacre définitivement l'égyptologie comme une science et constitue le second tournant de son histoire, autant par les découvertes sur le terrain que par leur exploitation et la mise sur pied 'institutions capables d'assurer son développement. Parmi les successeurs d'Auguste Mariette, Gaston aspero tient une place de premier plan : découvreur des Textes des Pyramides et directeur du Service des ntiquités, il sut sauver la majeure partie des momies royales de Thébaïde du pillage; il fut aussi le fondateur de 'école française, dans la chaire de Champollion où il succéda à de Rougé. Il peut être considéré comme l'un es pères de l'égyptologie moderne, avec Henri Brugsch pour l'Allemagne et Sir Fl. Petrie pour la Granderetagne. C'est ce dernier qui établit les règles de l'archéologie scientifique qu'il fixa en 1898 dans le cadre de a British School of Archaeology. u tournant du XXe siècle, les puissances européennes constituent à partir de leurs institutions muséologiques t universitaires les organismes qui sont à l'origine des recherches actuelles : Mission Archéologique Française n 1880, transformée en Institut Français d'Archéologie Orientale en 1898, Egypt Exploration Fund, Deutsche rient Gesellschaft. Les progrès des moyens de communication amplifient les découvertes qui se succèdent : a capitale d'Akhenaton à Tell el-Amarna avant la guerre de 1914, la tombe de Toutankhamon en 1922, la écropole des rois tanites en 1939, la grande barque de Chéops en 1954, puis le sauvetage des monuments de ubie dans les années soixante, pour ne prendre que quelques grands exemples. C'est surtout le trésor de outankhamon qui a mis l'égyptologie sur la place publique par l'exposition itinérante qui en fut faite autour des nnées soixante-dix -- exposition dont la vogue en entraîna à son tour toute une série sur des thèmes proches. ais aussi parce qu'il rejoint, par le mystère qui semble entourer sa découverte, un courant toujours vivace, lus ou moins alimenté à l'origine aux sources de l'hermétisme et de la Kabbale et marqué par les mouvements nitiatiques. On doit à ce courant le développement de grands thèmes isiaques, de la Flûte enchantée à Aïda, ont A. Mariette écrivit le livret, en passant par le culte d'Isis à Notre-Dame de Paris pendant la Révolution, ais aussi bon nombre d'interprétations ésotériques de la civilisation égyptienne, appliquées aux pyramides, à a religion, etc. a découverte d'H. Carter, par la masse d'objets précieux qu'elle révèle plus que pour son importance istorique que l'on n'exploitera réellement que plus tard, fournit justement au public cette image : un mélange ans lequel le mystère l'emporte avec son cortège de trésors et de malédictions, -- deux mots solidement ttachés à celui des pharaons --, qui parent l'égyptologue d'une aura romanesque. 'interaction de tous ces éléments et le développement fulgurant du tourisme de masse ne manquent pas 'accentuer le déséquilibre qui s'est installé, de fait, entre l'image couramment répandue dans le public -- et ouhaitée par lui -- et la réalité d'une science, dont on a tendance à minimiser la jeunesse et le long chemin qui ui reste à parcourir pour être à même de décrire dans ses moindres détails une civilisation si riche. es progrès accomplis ces dernières années dans la connaissance de l'Égypte d' « avant les pharaons » emettent en cause les limites traditionnellement accordées à la civilisation : nous sommes loin des « quarante iècles » qui séparaient Bonaparte des pyramides ! Une fois le pas décisif franchi qui consista à dégager 'Égypte de l'emprise de la Bible, le tissu des connaissances et des techniques n'a cessé, depuis la fin du XIXe iècle, à la fois de rendre plus précise la chronologie et d'éloigner de nous les origines de la civilisation. La civilisation pharaonique est peut-être plus que toute autre au coeur du débat sur la notion d'Histoire : sa durée exceptionnellement longue à l'intérieur d'un cadre rigide renforce l'opposition classique entre Histoire et Préhistoire, confortant l'apparition de l'écriture comme barrière implicite entre les deux. La coupure est censée se faire, en l'occurrence, au IVe millénaire avant notre ère. Cette date était relativement confortable jusqu'à ces ernières années, dans la mesure où elle trouve en Mésopotamie une correspondance qui renvoie, plus ou moins, à la problématique biblique : il suffit d'accorder à la Basse Mésopotamie une « nette avance » sur l'Égypte pour que le lieu d'apparition de l'écriture et celui supposé du paradis terrestre ne fassent qu'un. De plus, le IVe millénaire a l'avantage d'offrir les aspects d'une étape décisive de l'évolution de l'Homme par l'apparition de structures sociales qui témoignent de son éloignement de l'état de nature : il s'assure la mainmise sur celle-ci en passant définitivement à la condition d'agriculteur sédentaire aussi bien sur les bords du Nil que sur ceux de l'Euphrate.
histoire

« dernière renforcel'aspectmystérieux delavieille civilisation, avançantdanslemême sensquelaphilosophie : le néoplatonisme donnenaissance aucourant hermétique, àtravers lerenouveau dupythagorisme quimarque en Orient lesdébuts del'Empire.

L'hermétisme sera,avecplustardlaKabbale, lemoyen principal d'accèsà une civilisation renduedéfinitivement incompréhensible parl'exclusive chrétienne.

Cecourant versl'ésotérisme est conforté parlamontée descultes égyptiens quisuit l'extension del'Empire enpopularisant àtravers les figures d'Osiris, IsisetAnubis lapassion del'archétype dusouverain égyptien,perçuecomme l'undes modèles de lasurvie aprèslamort. Tout change en380 après Jésus-Christ avecl'éditparlequel Théodose consacrelechristianisme comme religion d'Étateninterdisant sansretour lescultes païens.

Ilcondamne ainsiirrémédiablement lacivilisation égyptienne ausilence.

Lafermeture destemples, amorcée en356 parConstance IIet définitivement consommée aveclemassacre desprêtres duSérapeum d'Alexandrie en391, signifie eneffet, au-delà del'arrêt de lapratique religieuse, l'abandondelaculture quilasupporte, toutentière transmise parune langue etune écriture dontlesseuls prêtres assuraient lacontinuité.

Leschrétiens sevengèrent cruellement despersécutions des «idolâtres »en ravageant templesetbibliothèques eten massacrant lesélites intellectuelles d'Alexandrie, de Memphis etde laThébaïde.

Lesderniers àyéchapper furentlesfoyers deBasse-Nubie etde Haute-Égypte. Ils ne durent d'êtrelesderniers qu'àunesituation géographique quilesplaçait surlelimes impérial, lesvouant ainsi àun rôle derésistants auquelunelongue tradition delutte avec lesanciens colonisateurs delavallée du Nil les avait préparés.

Àpartir dumilieu duVIe siècle, aprèslafermeture définitivedutemple d'IsisàPhilae, un long voile desilence recouvre nécropoles ettemples, livrésaupillage etàtoutes lesréutilisations :emploi des chapelles commehabitations etétables ousimple miseencarrière, enpassant, naturellement, parla transformation dessanctuaires enéglises.

Karnakabritera pendant plusdecinq siècles couvents et monastères, surlesmurs desquels lesyeux crevés desanciens dieuxsuivent lenouveau culteàtravers les écailles d'unenduit grossier. Les sites urbains onteuplus dechance :la montée annuelle deseaux duNil etlamise envaleur desterres interdisant pratiquement dedéplacer leshabitats, lesvilles anciennes ontétéprogressivement recouvertes. Bien descités modernes, essentiellement dansleNord dupays maisaussi dansleSud, nesont quel'ultime état d'une superposition quiremonte souventàl'aube del'Histoire. Certains templesontmême quelquefois conservéleurcaractère delieux sacrés, unpeu comme sile sens profond dusyncrétisme religieuxdesAnciens avaitmarqué leursdescendants, aupoint deleur faire conserver ces temenoi, quifournissent ainsidesstratigraphies àl'échelle desmillénaires.

L'accumulation quisépare dans letemple deLouxor lesol delacour deRamsès IIde lamosquée d'Abouel-Haggag représente plusde deux milleans.Cemême lieuaconnu touràtour lesinvasions assyrienne, perse,grecque etromaine, avec l'établissement d'uncamp militaire ettoute lapalette descultes del'Empire quiyfurent célébrés, le christianisme etenfin l'islam.

Lesaint auquel estconsacré lamosquée estencore denos jours l'objet d'une procession annuelledebarques quin'est passans rappeler cellesquiconduisaient jadisAmon-Rê d'untemple à l'autre. Cet exemple n'estpasunique, etles sites ainsi conservés sontnombreux danslaVallée etleDelta oudes endroits trèsreculés comme l'oasisdeDakhla :là, une autre mosquée, celledel'ancienne capitaleayoubide d'el-Qasr, repose,elleaussi, surune stratigraphie continuedontlabase probable estlaXVIII e dynastie, peut- être même leMoyen Empire. L'archéologue seréjouit decette accumulation poursonaspect conservatoire.

Ilest clair quel'historien nepeut, à court terme, ytrouver soncompte.

Ayantperdu salangue etsa religion, soumise auxloisduvainqueur qui transforment oudénaturent sespropres structures —l'application aupays duDroit romain, parexemple, a dressé unebarrière parfoisbienlourde àsoulever pourretrouver latrace ducode indigène antérieur —, l'Égypte s'estrapidement coupéedeses valeurs traditionnelles.

Lechristianisme d'Égypte,quirevendique à juste titreunprimat historique etreligieux enOrient, adéveloppé unecivilisation originaleetriche, tantparson art que parsapensée.

Iln'en reste pasmoins qu'ilafait table rasedesvaleurs anciennes.

Encontrepartie, les Coptes ontdonné droitdecité àla pensée populaire, bienéloignée alorsdescanons religieux.

Soninfluence dans l'artetl'architecture estindéniable, neserait-ce queparl'essor delatapisserie figuréeouletraitement des visages desgisants funéraires quiaboutit auxextraordinaires portraitspopularisés parlesécoles duFayoum. Cet artpréfigure également l'apportislamique aveclerenouveau destechniques ornementales oulepassage à la coupole enarchitecture.

Demême, lemonachisme afondé, dèslemilieu duIIIe siècle avecPaull'égyptien, une tradition originale, dontlavivacité actuelle montreassezqu'elle faitpartie dupatrimoine profondde l'Égypte. L'Islam, soupleettolérant aumoment delaconquête, plusexigeant parlasuite, apermis ledéveloppement de nouvelles valeurs.Ellessontaussi fondatrices del'Égypte contemporaine, maisbienéloignées destemps des pharaons, enqui latradition religieuse, reprenantdesthèmes éparschezdesscholiastes commele(pseudo)- Bérose, vitles oppresseurs delavraie Foi.Ramsès II,en particulier, représenté d'abordcommel'adversaire de Moïse, devintleparangon dumal.

Ilfaut attendre lafin du XIX e siècle, puislacréation delaRépublique Arabe. »

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