Devoir de Philosophie

Et JE N'ai JAMAIS appris le polonais.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

Et JE N'ai JAMAIS appris le polonais. A présent, en décembre en Israël, pendant que Shlomo parlait d'une voix forte à cet homme étrange de Copenhague, j'écoutais sans comprendre les sons sifflants qui grésillaient dans le combiné, les bruits émis par un homme dont (je dois l'admettre) j'avais espéré un moment qu'il serait trop fragile ou qu'il aurait perdu la mémoire pour justifier un autre voyage transatlantique. Shlomo s'est tourné vers moi, a couvert le combiné de sa main et dit, Les Jäger - il y avait qui d'autre dans la famille ? J'ai dit, Shmiel. Je l'ai entendu dire, Shmiel Jäger. Puis Shlomo a écouté pendant un long moment la voix à la fois ferme et grêle qui parlait à l'autre bout de la ligne. Shlomo me regardait par-dessus la monture de ses lunettes, avec une expression qui disait, Si vous étiez peut-être furieux que j'aie oublié de vous parler d'Adam Kulberg, vous ne serez pas furieux d'entendre ce que je vais vous raconter. Il a dit, son père était lié aux Jäger, mais il ne sait pas comment. Il se souvient de tout. Shlomo a recommencé à parler avec Kulberg. Je l'ai entendu dire, Ruchel... tak tak tak tak tak, tak. Tak. Brat ? Wolf? Il a couvert le combiné de nouveau et dit, Son plus jeune frère, Wolf, vivait chez Shmiel ! J'ai dit, Chez Shmiel ? Shlomo souriait, comme s'il avait été responsable de l'adresse du frère de Kulberg. Il vivait chez Shmiel ! Et il sait qu'ils étaient parents, mais il ne sait pas comment, mais il se souvient de toutes les filles ! J'ai pensé, Parents ? Je ne pouvais pas imaginer comment, je ne pouvais pas imaginer quel lien de parenté cet homme dont je n'avais jamais entendu parler pouvait avoir avec nous. Fouillant mes souvenirs, faisant défiler mentalement les douzaines, les centaines de noms et de faits que j'avais accumulés depuis 1973, lorsque mon obsession avait commencé et que je m'étais mis à rassembler et trier tout ce qui pouvait être connu à propos de ma famille. J'ai dit, Quel était le nom de jeune fille de sa mère ? Ils ont parlé un instant et puis Shlomo a dit, Friedler, elle n'était pas de Bolechow, pas de Bolechow. Elle était de Rozniatow. Rozniatow ? Pour autant que je le savais, nous n'avions pas de parents, même par alliance, dans ce petit village situé à quelques kilomètres seulement de Bolechow. A cet instant précis, Matt, qui était resté dans la salle de séjour faire ses trucs de photo, a fait son entrée dans le Siège mondial de Bolechow. Je me suis tourné vers lui et j'ai dit, Je vais avoir une crise cardiaque. Le frère de ce type habitait chez Shmiel. Il les connaît tous. Matt a dressé un de ses fins sourcils, l'air amusé, et dit, Où est-ce qu'il vit ? Copenhague ! ai-je répondu d'une voix tendue par l'exaspération. Je pensais comme il aurait été facile d'aller de Suède au Danemark, avant de partir pour Israël. A ce moment-là, j'ai entendu Shlomo dire, Tak, Frydka i Ciszko Szymanski... Shmiela Jägera. Ah, nu ? Je me suis détourné de Matt pour demander à Shlomo, Qu'est-ce qu'il vient de dire ? Shlomo hochait la tête fébrilement. Il a dit, Il me raconte l'histoire du professeur qui a caché Frydka ! Il sait que Ciszko a été tué en même temps que Frydka. A Bolechow. C'est une histoire qu'il a entendue après la guerre. Ils ont de nouveau parlé en polonais. Shlomo dressait les sourcils. Il a dit, Il se souvient du nom du professeur de dessin qui les a cachés ! Il s'est tu pour ménager son effet et il a ajouté, Le nom du professeur était Szedlak ! Shedlak ? Je l'ai prononcé comme il venait de le faire. Shlomo a hoché la tête avec un grand sourire. Il savait ce que valait la nouvelle qu'il venait de m'annoncer. Oui, Szedlak. En me tournant vers Matt, j'ai dit, C'est parti pour le Danemark, je suppose. Peu après, nous avons mis fin à la conversation téléphonique avec Adam Kulberg, en lui promettant, après une brève et frénétique consultation de nos agendas, de venir le voir en février. Puis, nous avons mangé le repas pantagruélique qu'avait préparé Ester, en faisant rouler nos yeux pour signifier notre appréciation silencieuse des différents plats qu'elle apportait sur la table. Nous avons mangé et mangé, et discuté de la remarquable découverte que nous venions de faire, cet homme dont personne ne nous avait parlé, et finalement nous nous sommes levés pour prendre congé. C'était notre dernier jour à Tel-Aviv. Le lendemain, nous allions à Jérusalem, en partie pour faire un peu de tourisme, en partie parce que je voulais me rendre à Yad Vashem. Yona Wieseltier avait une amie là-bas qui, m'avait-elle dit, m'aiderait à obtenir toutes les copies de dépositions de témoins, faites par les survivants de Bolechow après la guerre. Nous nous sommes levés, nous avons embrassé Ester et nous nous sommes retrouvés sur le palier, où Shlomo a appelé l'ascenseur. Au moment où nous nous glissions dans la minuscule cabine, un voisin de Shlomo est sorti et, d'une voix animée, il a dit quelque chose en hébreu. Shlomo, avec un grand sourire, nous a annoncé, Ils ont capturé Saddam Hussein ! Matt a dit, C'est incroyable ! Il a raconté à Shlomo que nous étions rentrés chez nous de notre premier voyage pour ce projet, de notre voyage en Ukraine, juste avant le 11/9, et que nous étions partis pour l'Australie le jour où la guerre avait commencé. Et maintenant, pendant notre dernier voyage... Je l'ai regardé avec un air amusé. Matt a souri. Enfin, pendant ce que nous pensions être notre dernier voyage, ils capturent Saddam Hussein ! Il m'est venu quelque chose à l'esprit et j'ai demandé, Où est-ce qu'ils l'ont trouvé ? Shlomo a transmis ma question à son voisin. Shlomo a dit, Ils l'ont trouvé à Tikrit.     3Danemark(hiver)     NOUs avons passé deux jours au Danemark, au milieu de l'hiver : un séjour qui serait, pensionsnous encore récemment, le dernier de nos voyages. Comme nous nous sommes envolés de New York un jeudi dans la nuit, à la fin du mois de février, comme nous sommes arrivés le vendredi matin et repartis le dimanche après-midi, je ne peux vous dire que peu de choses à propos de Copenhague. Pendant la plus grande partie de l'après-midi du vendredi et presque toute la journée du samedi, nous avons parlé avec Adam Kulberg, pour l'essentiel dans l'appartement de sa fille, Alena, professeur d'histoire de l'art pour qui j'ai éprouvé un attachement immédiat, peut-être parce qu'elle est universitaire comme moi, peut-être parce que nous avons d'autres choses en commun, le lien de parenté n'étant pas la plus importante ; mais aussi - afin que Matt puisse prendre une photo qui « ferait » Copenhague - dans un parc magnifique du centre de la ville, dans une allée du centre, dans une allée de grands arbres lugubres où, alors que nous nous y trouvions, la neige s'est mise à tomber. Comme nous étions dans cette ville pour un séjour très bref, comme nous avons passé presque tout notre temps avec Adam et Alena, nous ne pouvons vous dire que très peu de choses à propos de Copenhague, ce qui est, je trouve, un peu honteux, dans la mesure où le Danemark est le seul pays parmi les nations de l'Europe continentale à avoir opposé une résistance paisible, mais remarquablement efficace, aux politiques antijuives des nazis, l'exemple le plus spectaculaire étant le passage clandestin et réussi, en une nuit, de presque tous les huit mille Juifs du pays dans des petits bateaux jusqu'à la Suède, avec (selon le livre que j'ai consulté) seulement quatre cent soixante-quatre Juifs déportés à Theresienstadt, un endroit que j'ai eu le temps de visiter. Quatre cent soixante-quatre sur huit mille, cela signifie que six pour cent des Juifs du Danemark ont péri dans l'Holocauste, ce qui, même si cela peut paraître un chiffre cruellement élevé, pâlit, en termes purement statistiques, en comparaison des chiffres qu'il faut calculer pour un endroit comme, disons, Bolechow, où sur les six mille Juifs - à peine moins que la totalité de la population juive du Danemark - ne survivaient que quarante-huit personnes en 1944, ce qui veut dire que quatre-vingt-dix-neuf virgule deux pour cent des Juifs ont été tués dans cet endroit. Mais nous n'avions pas beaucoup de temps pour explorer Copenhague, encore moins pour retrouver les traces de son histoire pendant la guerre. En fait, on pourrait dire que l'ironie du sort veut que, au cours des différents voyages que Matt et moi avons fait à la recherche d'Oncle Shmiel et des autres, le seul artefact de ce célèbre sauvetage des Juifs du Danemark que nous ayons vu ne se soit pas trouvé au Danemark, mais en Israël, où un des minuscules bateaux qui ont servi à transporter les Juifs en Suède et à l'abri est amoureusement conservé à

« Je me suis détourné deMatt pourdemander àShlomo, Qu'est-ce qu'ilvient dedire ? Shlomo hochaitlatête fébrilement.

Iladit, Ilme raconte l'histoire duprofesseur quiacaché Frydka ! Ilsait que Ciszko aété tué enmême tempsqueFrydka.

ABolechow.

C'estunehistoire qu'il aentendue aprèslaguerre. Ils ont denouveau parléenpolonais.

Shlomodressait lessourcils.

Iladit, Ilse souvient dunom du professeur dedessin quilesacachés ! Il s'est tupour ménager soneffet etila ajouté, Lenom duprofesseur étaitSzedlak ! Shedlak ?Je l'ai prononcé commeilvenait delefaire. Shlomo ahoché latête avec ungrand sourire.

Ilsavait ceque valait lanouvelle qu'ilvenait de m'annoncer.

Oui, Szedlak. En me tournant versMatt, j'aidit, C'est partipour leDanemark, jesuppose. Peu après, nousavons misfinàla conversation téléphonique avecAdam Kulberg, enlui promettant, aprèsunebrève etfrénétique consultation denos agendas, devenir levoir en février.

Puis,nous avons mangé lerepas pantagruélique qu'avaitpréparéEster,enfaisant rouler nosyeux pour signifier notreappréciation silencieusedesdifférents platsqu'elle apportait surlatable.

Nousavons mangé etmangé, etdiscuté delaremarquable découverte que nous venions defaire, cethomme dontpersonne nenous avait parlé, etfinalement nous nous sommes levéspourprendre congé.C'étaitnotredernier jouràTel-Aviv.

Lelendemain, nous allions àJérusalem, enpartie pourfaireunpeu detourisme, enpartie parcequejevoulais me rendre àYad Vashem.

YonaWieseltier avaituneamie là-bas qui,m'avait-elle dit,m'aiderait à obtenir touteslescopies dedépositions detémoins, faitesparlessurvivants deBolechow après laguerre.

Nousnoussommes levés,nousavons embrassé Esteretnous noussommes retrouvés surlepalier, oùShlomo aappelé l'ascenseur.

Aumoment oùnous nousglissions dans la minuscule cabine,unvoisin deShlomo estsorti et,d'une voixanimée, ila dit quelque chose en hébreu. Shlomo, avecungrand sourire, nousaannoncé, Ilsont capturé Saddam Hussein ! Matt adit, C'est incroyable ! Il araconté àShlomo quenous étions rentrés cheznous denotre premier voyagepource projet, denotre voyage enUkraine, justeavant le11/9, etque nous étions partispour l'Australie lejour oùlaguerre avaitcommencé.

Etmaintenant, pendantnotredernier voyage... Je l'ai regardé avecunair amusé. Matt asouri.

Enfin, pendant ceque nous pensions être notre dernier voyage, ilscapturent Saddam Hussein ! Il m'est venuquelque choseàl'esprit etj'ai demandé, Oùest-ce qu'ilsl'onttrouvé ? Shlomo atransmis maquestion àson voisin. Shlomo adit, Ilsl'ont trouvé àTikrit.  . »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles