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terminé l'exposé des raisons que je donnais à mon refus, Taperahi toujours hilare, empoigna la marmite et la joignit sans açon à son matériel.

Publié le 06/01/2014

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terminé l'exposé des raisons que je donnais à mon refus, Taperahi toujours hilare, empoigna la marmite et la joignit sans açon à son matériel. Je n'avais qu'à m'incliner. D'ailleurs, fidèle à sa promesse, Taperahi me fournit pendant une semaine ntière un cahouin de luxe, composé d'un mélange de maïs et de tocari ; j'en fis une consommation prodigieuse, limitée seulement par le souci de ménager les glandes salivaires des trois bébés. L'incident rappelait un passage d'Yves d'Evreux : « Si quelqu'un d'entre eux a désir d'avoir quelque chose qui appartient à son semblable, il luy dit franchement sa volonté : et il faut que la chose soit bien chère à celui qui la possède, si elle ne luy est donnée incontinent, à la charge toutefois que si le demandeur a quelque autre chose que le donneur affectionne, il la luy donnera toutefois et quantes qu'il la luy demandera. » Les Tupi-Kawahib se font du rôle de leur chef une conception assez différente de celle des Nambikwara. Quand on les presse de s'expliquer sur ce point, ils disent : « Le chef est toujours joyeux. » L'extraordinaire dynamisme que manifestait en toutes occasions Taperahi apporte le meilleur commentaire à cette formule ; toutefois, elle ne s'explique pas seulement par des aptitudes individuelles, puisque, à l'inverse de ce qui se passe chez les Nambikwara, la chefferie tupikawahib est héréditaire en ligne masculine : Pwereza serait le successeur de son père ; or, Pwereza paraissait plus jeune que son frère Kamini, et j'ai recueilli d'autres indices d'une prééminence possible du cadet sur l'aîné. Dans le passé, une des charges incombant au chef était celle de donner des fêtes, dont on le disait « maître » ou « propriétaire ». Hommes et femmes se couvraient le corps de peintures (notamment à l'aide du suc violet d'une feuille non identifiée qui servait aussi à peindre la poterie), et il y avait des séances de danse avec chant et musique ; l'accompagnement était fourni par quatre ou cinq grandes clarinettes, faites de tronçons de bambou longs de 1,20 m, au sommet desquels un petit tuyau de bambou portant une anche simple, découpée sur le côté, était maintenu à l'intérieur à l'aide d'un tampon de fibres. Le « maître de la fête » ordonnait que les hommes s'exerçassent à porter sur les épaules un flûtiste, jeu de compétition qui rappelle le lever du mariddo chez les Bororo et les courses au tronc d'arbre des Gé. Les invitations étaient faites à l'avance pour que les participants aient le temps d'amasser et de fumer des petits nimaux tels que rats, singes, écureuils, qu'ils portaient enfilés autour du cou. Le jeu de la roue partageait le village en eux camps : les cadets et les aînés. Les équipes se groupaient à l'extrémité ouest d'un terrain circulaire tandis que deux anceurs, appartenant à chaque camp, prenaient respectivement position au nord et au sud. Ils s'envoyaient en le faisant ouler une sorte de cerceau plein, formé d'une section de tronc. Au moment où cette cible passait devant les tireurs, hacun essayait de l'atteindre d'une flèche. Pour chaque coup au but, le gagnant s'emparait d'une flèche de l'adversaire. Ce jeu possède des analogues frappants en Amérique du Nord. On tirait enfin à la cible sur un mannequin, et non sans risque : car celui dont la flèche se ficherait sur le poteau servant de support était promis à un sort fatal d'origine magique, comme aussi ceux qui auraient l'audace de sculpter un mannequin de bois à forme humaine, au lieu d'une poupée de paille ou d'un mannequin représentant un singe. Ainsi s'écoulaient les jours à rassembler les bribes d'une culture qui avait fasciné l'Europe et qui, sur la rive droite du haut Machado, allait peut-être disparaître à l'instant de mon départ : au même moment où je mettais le pied dans la galiote revenue d'Urupa, le 7 novembre 1938, les indigènes prenaient la direction de Pimenta Bueno pour s'y joindre aux compagnons et à la famille d'Abaitara. Pourtant, vers la fin de cette liquidation mélancolique de l'actif d'une culture mourante, une surprise m'était réservée. C'était au début de la nuit, quand chacun profite des dernières heures du feu de campement pour se préparer au sommeil. Le chef Taperahi était déjà étendu dans son hamac ; il commença à chanter d'une voix lointaine et hésitante qui semblait à peine lui appartenir. Immédiatement, deux hommes (Walera et Kamini) vinrent s'accroupir à ses pieds pendant qu'un frisson d'excitation traversait le petit groupe. Walera lança quelques appels ; le chant du chef se précisa, sa voix s'affermit. Et tout à coup, je compris à quoi j'assistais : Taperahi était en train de jouer une pièce de théâtre, ou plus exactement une opérette, avec mélange de chant et de texte parlé. À lui seul, il incarnait une douzaine de personnages. Mais chacun était distingué par un ton de voix spécial : perçant, en fausset, guttural, en bourdon ; et par un thème musical qui constituait un véritable leitmotiv. Les mélodies paraissaient étonnamment proches du chant grégorien. Après le Sacre évoqué par les flûtes nambikwara, je croyais écouter une version exotique de Noces. Avec l'aide d'Abaitara - si intéressé par la représentation qu'il était difficile de lui arracher des commentaires -- je pus me faire une vague idée du sujet. Il s'agissait d'une farce dont le héros était l'oiseau japim (un oriole à plumage noir et aune dont le chant modulé donne l'illusion de la voix humaine) ; avec pour partenaires des animaux : tortue, jaguar, faucon, fourmilier, tapir, lézard, etc ; des objets : bâton, pilon, arc ; enfin des esprits, comme le fantôme Maira. Chacun s'exprimait dans un style si conforme à sa nature que très rapidement, je parvins seul à les identifier. L'intrigue tournait autour des aventures du japim, qui, menacé d'abord par les autres animaux, les mystifiait de diverses façons et finissait par en triompher. La représentation, qui fut répétée (ou continuée ?) pendant deux nuits consécutives, dura chaque fois nviron quatre heures. Par moments, Taperahi semblait envahi par l'inspiration, parlait et chantait d'abondance : de tous ôtés, les éclats de rire fusaient. À d'autres, il paraissait épuisé, sa voix s'affaiblissait, il essayait différents thèmes sans se ixer sur aucun. Alors, un des récitants ou tous les deux ensemble venaient à son secours soit en renouvelant leurs appels ui donnaient à l'acteur principal un répit, soit en lui proposant un thème musical, soit enfin en assumant emporairement un des rôles, si bien que, pour un instant, on assistait à un dialogue véritable. Ainsi remis en selle, Taperahi repartait dans un nouveau développement. Au fur et à mesure que la nuit s'avançait, on percevait que cette création poétique s'accompagnait d'une perte de conscience et que l'auteur était dépassé par ses personnages. Ses différentes voix lui devenaient étrangères, chacune acquérait une nature si marquée qu'il était difficile de croire qu'elles appartenaient au même individu. À la fin de la deuxième séance, Taperahi, chantant toujours, se leva brusquement de son hamac et se mit à circuler de façon incohérente en réclamant du cahouin ; il avait été « saisi par l'esprit » ; tout à coup, il empoigna un couteau et se précipita sur Kunhatsin, sa femme principale, qui parvint à grand-peine à lui échapper en se sauvant dans la forêt, tandis que les autres hommes le maîtrisaient et l'obligeaient à rejoindre son hamac où il s'endormit aussitôt. Tout était normal le lendemain. XXXV AMAZONIE En arrivant à Urupa où commence la navigation à moteur, je trouvai mes compagnons installés dans une spacieuse abane de paille élevée sur pilotis, et divisée en plusieurs pièces par des cloisons. Nous n'avions rien à faire, sinon vendre es restes de notre matériel à la population locale ou les échanger contre des poulets, des oeufs et du lait - car il y avait uelques vaches - vivre paresseusement et récupérer nos forces, en attendant que la rivière grossie par les pluies permette à la première barque de la saison de remonter jusque-là, ce qui demanderait sans doute trois semaines. Chaque atin, délayant dans le lait nos réserves de chocolat, nous passions le petit déjeuner à contempler Vellard extrayant uelques esquilles de la main d'Emydio et la reformant à mesure. Ce spectacle avait quelque chose d'écoeurant et de ascinant ; il se combinait dans ma pensée avec celui de la forêt, pleine de formes et de menaces. Je me mis à dessiner, renant ma main gauche pour modèle, des paysages faits de mains émergeant de corps tordus et enchevêtrés comme es lianes. Après une douzaine d'esquisses qui ont presque toutes disparu pendant la guerre -- dans quel grenier llemand sont-elles aujourd'hui oubliées ? - je me sentis soulagé et je retournai à l'observation des choses et des gens. Depuis Urupa jusqu'au Rio Madeira, les postes de la ligne télégraphique sont agrégés à des hameaux de chercheurs de aoutchouc qui donnent une raison d'être au peuplement sporadique des berges. Ils paraissent moins absurdes que ceux u plateau, et le genre de vie qu'on y mène commence à échapper au cauchemar. Tout au moins, celui-ci se diversifie et e nuance en fonction des ressources locales. On voit des potagers de pastèques, neige tiède et rosée des tropiques ; des basses-cours de tortues captives qui assurent à la famille l'équivalent du poulet dominical. Les jours de fête, celui-ci paraît même sous forme de gallinha em molho pardo (poule en sauce brune) et se complète d'un bolo podre (littéralement : gâteau pourri), d'un cha de burro (tisane d'âne, c'est-à-dire du maïs au lait) et de baba de moça (salive de demoiselle : fromage blanc sur, arrosé de miel). Le suc vénéneux du manioc, fermenté pendant des semaines avec des piments, fournit une sauce puissante et veloutée. C'est l'abondance : Aqui só falta o que não tem, ici, rien ne manque que ce qu'on n'a pas. Tous ces mets sont des « colosses » de délices, car le langage amazonien se plaît aux superlatifs. En règle générale, un remède ou un dessert sont bons, mauvais « comme diable » ; une chute d'eau est « vertigineuse », une pièce de gibier « un monstre » et une situation « abyssinique ». La conversation fournit un savoureux échantillon de déformations paysannes ; ainsi l'inversion de phonèmes : percisa pour précisa ; prefeitamente pour perfeitamente ; Tribucio pour Tiburcio. Elle s'accompagne aussi de longs silences, coupés seulement par de solennelles interjections : « Sim Senhor ! » ou « Disparate ! » qui se rapportent à toutes sortes de pensées confuses et obscures, comme la forêt. De rares commerçants ambulants, regatào ou mascate - généralement syriens ou libanais en pirogue - apportent, après des semaines de voyage, des médicaments et de vieilles gazettes également détériorés par l'humidité. Un numéro abandonné dans une hutte de chercheur de caoutchouc m'apprit, avec quatre mois de retard, les accords de Munich et la mobilisation. Aussi les fantaisies des forestiers sont plus riches que celles des habitants de la savane. Il y a les poètes, comme cette famille où le père et la mère, se nommant respectivement Sandoval et Maria, composent les noms des enfants à partir de ce lot de syllabes, soit, pour les filles : Valma, Valmaria et Valmarisa, pour les garçons : Sandomar et Marival ; et à la génération suivante : Valdomar et Valkimar. Les pédants appellent leurs fils Newton et Aristote et s'adonnent à la dégustation de ces médicaments si populaires en Amazonie qui se nomment : Teinture précieuse, Tonique oriental, Spécifique Gordona, Pilules de Bristol, Eau anglaise et Baume céleste. Quand ils ne prennent pas, avec de fatales conséquences, du bichlohydrate de quinine au lieu de sulfate de soude, ils parviennent à une telle accoutumance qu'il leur faut un tube entier d'aspirine absorbé d'un coup pour calmer leur mal de dents. En fait, un petit dépôt observé sur le cours inférieur du Machado semblait, de façon symbolique, n'expédier par pirogue en direction de l'amont que deux espèces de marchandises : des grilles tombales et des bocks à lavement. À côté de cette médecine « savante », il en existe une autre, populaire, qui consiste en resguardos, « prohibitions » et en orações, « oraisons ». Tant que la femme est enceinte, elle n'est soumise à aucune prohibition alimentaire. Après l'accouchement et pendant les huit premiers jours, elle a droit à la chair de poule et de perdrix. Jusqu'au 40e jour, en lus des précédentes, elle mange du chevreuil et quelques poissons (pacu, piava, sardinha). À partir du 41e jour elle eut reprendre des relations sexuelles et ajouter à son régime alimentaire le sanglier et les poissons dits « blancs ». endant une année restent prohibés : le tapir, la tortue terrestre, le chevreuil rouge, le mutum, les poissons « de cuir » : jatuarama et curimata. Ce que les informateurs commentent ainsi : Isso é mandamento da lei de Deus, isso é do inicio do mundo, a mulher só é purificada depois de 40 dias. Si não faz, o fim é triste. -- Depois do tempo da menstruação, a mulher fica immunda, a homem que anda com ela fica immundo também, é a lei de Deu para mulher. Comme explication inale : -- E uma cousa muita fina, a mulher (9). Voici maintenant, aux confins de la magie noire, la Oração do sapo secco, Oraison du crapaud sec, qu'on trouve dans n livre de colportage, le Livro de São Cypriano. On se procure un gros crapaud curucu ou sapo leiteiro, on l'enterre usqu'au cou un vendredi, on lui donne des braises qu'il avale toutes. Huit jours après, on peut aller à sa recherche, il a isparu. Mais au même endroit naît un « pied d'arbre à trois rameaux », de trois couleurs. Le rameau blanc est pour

« Taperahi repartait dansunnouveau développement. Au fur etàmesure quelanuit s’avançait, onpercevait quecette création poétique s’accompagnait d’unepertede conscience etque l’auteur étaitdépassé parsespersonnages.

Sesdifférentes voixluidevenaient étrangères, chacune acquérait unenature simarquée qu’ilétait difficile decroire qu’elles appartenaient aumême individu.

Àla fin dela deuxième séance,Taperahi, chantanttoujours, seleva brusquement deson hamac etse mit àcirculer defaçon incohérente enréclamant ducahouin ; ilavait été« saisi parl’esprit » ; toutàcoup, ilempoigna uncouteau etse précipita surKunhatsin, safemme principale, quiparvint àgrand-peine àlui échapper ensesauvant danslaforêt, tandis que lesautres hommes lemaîtrisaient etl’obligeaient àrejoindre sonhamac oùils’endormit aussitôt.Toutétait normal le lendemain.. »

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