Vocabulaire: CHEVALERIE, substantif féminin. A.— Moyen Âge. Institution militaire à caractère religieux propre à la noblesse et exigeant de ses membres, certaines qualités telles que courage, loyauté, protection des faibles, courtoisie envers les femmes... : Ø 1. La chevalerie ne ressemble guère, en fait, à la féodalité, cependant elle en est la fille; c'est de la féodalité qu'est sorti cet idéal des sentimens élevés, généreux, fidèles. FRANÇOIS GUIZOT, Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l'Empire romain jusqu'à la Révolution française, 1828, page 33. · Roman de chevalerie. Œuvre relatant la vie des chevaliers. · Chevalerie errante (Confer aussi chevalier* errant I B 4) : Ø 2. [Arthur :] ... toi qui ne rêves qu'aux antiques prouesses de la chevalerie errante, ne vois-tu pas que tu es un noble preux, condamné par ta dame à de rudes épreuves pour avoir manqué aux lois de la galanterie... AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Mauprat, 1837, page 209. B.— Par métonymie. 1. Grade, qualité de chevalier. Conférer la chevalerie à un noble : Ø 3. Tout pressé qu'il [le duc] était, il voulut se faire armer chevalier de la main de Messire de Luxembourg; puis lui-même conféra la chevalerie à Philippe de Saveuse,... PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 4, 1824, page 341. 2. Corps des chevaliers : Ø 4. Après avoir battu près d'Andjar un corps d'armée damasquin, Baudouin ramena « à grand joie » sa chevalerie jusqu'à Tyr où le butin fut partagé. RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades, 1939, page 213. · Chevalerie de mer : Ø 5. Il y a une belle capitulation entre Henri IV et Saint-Malo : (...). Rien ne ressemblait davantage à Venise (au soleil et aux arts près) que cette petite république Malouine par sa religion, ses richesses et sa chevalerie de mer. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 43. · La fleur, la fine fleur de la chevalerie. L'élite des chevaliers : Ø 6. Autrefois périt devant Saint-Jean-d'Acre la fleur de la chevalerie, sous Philippe-Auguste. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 355. — Par extension. Ordre militaire et religieux. Ordre de chevalerie de Malte, du Temple : Ø 7. La puissance de ces chevaleries, ainsi les nommait-on [les ordres militaires espagnols] était encore augmentée par les alliances qu'elles faisaient entre elles. PROSPER MÉRIMÉE, Histoire de Don Pèdre Ier, roi de Castille, 1848, page 23. Ø 8. Si j'osais, je dirais que faire représenter, en 1954, des pièces touchant les problèmes du jansénisme ou ceux des ordres de chevalerie, cela n'est pas sérieux. HENRI DE MONTHERLANT, Notes de théâtre, 1954, page 1087. · Moderne. Ordre honorifique. Ordre de chevalerie de Saint-Louis, de saint Michel : Ø 9.... il les emporte en mer comme des décorations [ces amours] , des ordres de chevalerie qui vous parent sans vous entraver. JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Le Maréchal de Tourville et son temps, 1943, page 8. — Figuré. a) Noblesse d'idées et de sentiments : Ø 10. Repensant cette nuit à la figure de Blum — à laquelle je ne puis dénier ni noblesse, ni générosité, ni chevalerie, (...) il me paraît que cette sorte de résolution de mettre continûment en avant le Juif de préférence et de s'intéresser de préférence à lui, (...) vient d'abord de ce qu'un Juif est particulièrement sensible aux qualités juives;... ANDRÉ GIDE, Journal, 1914, page 396. Ø 11. Zèphe avait regardé la lutte avec lucidité, mais sans vouloir intervenir. À cet instant-là, il était libre de gagner la porte et d'appeler à l'aide, mais la menace éveillait en lui, au plus profond de la bête, un certain sentiment de chevalerie : il acceptait que l'affaire se déroulât dans un ordre convenu. MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 299. · Locution. Être sur un pied de chevalerie; par chevalerie; se piquer de chevalerie. — Mon cher marquis, reprit de Beuvu, vous vous êtes toujours piqué de chevalerie, je le sais (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré, 1858, page 315) : Ø 12. Entre les deux généraux en chef rivaux [Villars et Marlborough] , les procédés d'ailleurs étaient sur un pied de chevalerie courtoise. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 13, 1851-62, page 98. Ø 13. À ce qui touche ses amours... il [Chateaubriand] est très discret par soi-disant bon goût, par chevalerie, par convenance demi-mondaine, demi-religieuse... CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 2, 1851-62, page 145. b) Rare, péjoratif. · Chevalerie d'industrie (Confer chevalier II B 2) : Ø 14. Il [le colonel] avait sauté un des premiers sur la brèche de Constantine. Beaucoup de bravoure et de bassesse. Aucune chevalerie, que d'industrie. VICTOR HUGO, Histoire d'un crime, 1877, page 5. · Chevalerie + complément introduit par de (confer chevalier II B 2 par analogie). Désigne quelque chose de plus ou moins honnête : Ø 15. — Tous les noms de chiens... désignent des chiens de chasse, la noblesse du chenil, la chevalerie de la canaille. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Anneau d'améthyste, 1899, page 169.
