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Ambiguité du Titre dans Les Justes

Publié le 10/09/2012

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Les Justes. Ce titre soulève une ambiguïté fondamentale. Les Justes. Ce titre soulève une ambiguïté fondamentale. *Les références aux Justes renvoient à la collection «Folio«, Gallimard, 1973. Le Petit Larousse (édition 2000) définit un juste comme suit: «quelqu'un qui se conforme à l'équité, en respectant les règles de la morale ou de la religion.« Pourtant dans Les Justes, une pièce basée sur un événement réel, la révolution de 1905 en Russie, une ambiguïté fondamentale est soulevée dans la mesure où les révolutionnaires (l'Organisation), appartenant au parti socialiste, qui tuent le grand-duc, sont considérés par Albert Camus comme «justes« ou des «meurtriers délicats« plutôt que des sanguinaires destructeurs. On peut résumer l'ambiguïté fondamentale par la question suivante: les justes sont-ils justes dans le cas du meurtre du grand-duc? Et plus précisément: quelles conditions leur permettent-elles de tuer le grand-duc, et jusqu'à quel point peuvent-ils comme révolutionnaires tuer? Ce sont les questions qu'on s'efforce de traiter ici. Commençons par considérer les conditions qui permettent aux justes de tuer le grand-duc. Sous le régime tsariste cruel, le peuple russe souffre. Un bon exemple de cette souffrance est Stepan Fedorov, un des révolutionnaires dans la pièce, à qui on donnait le fouet au bagne. Les justes veulent, comme l'explique Kaliayev, «donner une chance à la vie« (p. 32). Le problème là-dessus est qu'afin de donner cette chance à la vie, il faut s'insurger contre l'injustice dans une Russie qui laisse souffrir son peuple. Donc, devant la résignation et le manque de pouvoir des masses, il faut que les justes agissent, et le meurtre apparaît comme la seule possibilité d'éveiller la conscience des opprimés (1). Les mobiles des actions des justes sont purs: ils veulent tuer le grand-duc dans la poursuite de la justice sociale. L'Organisation est investie d'une mission qui dépasse l'aspect strictement politique: en tuant le seul grand- duc, les justes sauraient prétendre détruire la tyrannie. Leur terrorisme a bien plutôt la valeur d'un appel lancé au monde pour en finir avec l'indifférence face à l'injustice sous le régime impérialiste (2). Les justes sont prêts à exécuter un acte injuste pour mettre fin à l'injustice et de cette façon créer la justice parce que, s'ils ne le font pas, leurs frères continueront à souffrir. Les justes veulent tuer le grand-duc grâce à leur philanthropie. Ils veulent le tuer pour la liberté, pour le plus grand bien du peuple. Ils ne sont révolutionnaires que pour servir leurs semblables. En tuant le grand- duc, les justes souhaitent améliorer la condition du peuple, quelque chose qu'ils ne voient pas dans l'immédiat sous le régime présent. De cette façon, ils peuvent arrêter la souffrance subie par leurs frères et la remplacer par le bonheur. Il y a deux limites dans la pièce qu'il faut considérer. Considérons tout d'abord la première, celle de la sainteté de la vie. En fait, les justes dépassent la limite sur la sainteté de la vie au moment où ils décident de tuer le grand-duc. Kaliayev s'enorgueillit de la justice et de l'innocence sur lesquelles il base sa conception de la vie comme, affirme-t-il: «Les hommes ne vivent pas que de justice...et d'innocence« (p. 64). Pourtant il perd sans recours cette innocence qu'il défend et incarne lorsqu'il tue le grand-duc la deuxième fois. Alors, une expiation de la cruauté et de la culpabilité inévitable est possible: par la mort. Selon Roger Quilliot, si on accepte de tuer, on paie avec sa propre vie.

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