Devoir de Philosophie

L'amour est-il un mode de connaissance ?

Publié le 26/03/2004

Extrait du document

amour
Discussion. - Ce schéma parfaitement clair nous fournit une analyse satisfaisante du mécanisme théorique du psychisme élémentaire ; il est nécessaire de passer par lui, mais on ne saurait s'y arrêter comme à la description exacte de la vie psychologique réelle. En effet, la réalité est beaucoup plus complexe. Le psychisme ne commence pas par une véritable connaissance et on ne saurait appeler de ce mot les impressions confuses de l'enfant qui vient de naître. Celui-ci n'éprouve guère que des sensations désagréables qu'il cherche à écarter. Ses connaissances, si connaissances il y a, sont incluses dans ses réactions affectives, germe de ce que nous appellerons plus tard amour ou haine. Aussi l'amour, dans ce cas, semble-t-il pouvoir être considéré comme un mode de connaissance. Même chez l'adulte, l'ordre est moins absolu que ne le prétend la conception classique. Si la connaissance détermine l'amour, celui-ci, à son tour, influe sur la connaissance. Qu'un événement fortuit ou une observation de détail fasse naître en nous un mouvement de sympathie, nous voyons avec des yeux tout autres celui qui jusque-là nous était indifférent.
amour

« (MOLIÈRE, Le Misanthrope, acte II, se.

iv.) L'amoureux voyant ce qu'il aime autrement que ne le voient les autres, ne nous est-il pas permis de considérerl'amour comme un mode de connaissance ? II.

— L'AMOUR EST UN MODE DE CONNAISSANCE (Antithèse) On peut distinguer deux façons d'attribuer la connaissance à l'amour: une première façon est celle del'intellectualisme, qui ramène à la connaissance tous les faits psychiques qui semblent s'en distinguer ; une secondefaçon est celle de la phénoménologie contemporaine qui, tout en admettant la spécificité des différentes catégoriesde faits de conscience, leur reconnaît un caractère cognitif ou « intentionnel », d'où le nom d'« intentionnalisme »que nous donnerons à cette théorie.A.

L'intellectualisme. — La conception intellectualiste de l'homme peut se retrouver dans tous les chapitres de la psychologie qui traitent de faits attribués à quelque autre faculté que l'intelligence : l'intellectualiste prétend réduiretous ces faits à des faits intellectuels.

Pour lui, l'amour se réduirait à la connaissance : aimer quelqu'un consisteraità le reconnaître aimable-Les faits contredisent cette conception.

Il est des cas dans lesquels nous jugeons unindividu aimable, comprenant que d'autres l'aiment, mais sans éprouver nous-mêmes cet attrait dénommé amour.Inversement, nous éprouvons parfois des attraits auxquels ne correspondent encore ou ne correspondent plus lesjugements que nous portons sur la personne qui nous attire : l'amour est tantôt en avance et tantôt en retard surle jugement ; il se distingue donc de lui.B.

L'intentionnalisme. — A la psychologie classique, trop souvent construite avec des abstractions, la phénoménologie veut substituer une étude plus objective fondée sur l'expérience immédiate et concrète : « Reveniraux choses elles-mêmes », tel est le mot d'ordre du fondateur de la phénoménologie, Edmond Husserl (1859-1938). Mais Husserl avait appris de son maître Franz Brentano (1838-1917) lecaractère intentionnel de la conscience, thèse que tous lesphénoménologistes font leur.

Une des données les plus évidentes del'expérience, avant son interprétation discursive et sa traduction enconcepts, est que la conscience ne se renferme pas sur elle-même, elle tendessentiellement vers un objet ; tout fait de conscience, qu'il soit d'ordrecognitif ou d'ordre affectif, est une attitude à l'égard d'un objet et impliquepar conséquent une certaine connaissance de cet objet.

« La conscience,répètent les phénoménologistes, est conscience de quelque chose ».Nous retrouvons la même idée chez les phénoménologistes contemporains, enparticulier chez Jean-Paul Sartre : « Tout sentiment est sentiment de quelquechose, c'est-à-dire qu'il vise son objet d'une certaine manière et projette surlui une certaine qualité.

Avoir de la sympathie pour Pierre, c'est avoirconscience de Pierre comme sympathique».Ainsi, la sympathie est un mode de connaissance.

Sans doute elle est elle-même déclenchée par une perception qui constitue ce qu'on pourrait appelerun mode de connaissance pure.

Mais, une fois déclenchée, elle projette surl'objet qui l'a provoquée une qualité nouvelle, un sens qu'il n'avait pas pournous jusque-là, elle le fait connaître autre.« Le sentiment de haine n'est pas conscience de haine : il est conscience dePaul comme haïssable ; l'amour n'est pas, avant tout, conscience de lui-même: il est conscient des charmes de la personne aimée.

(...) En un sens, lesentiment se donne donc comme une espèce de connaissance.

(...) Mais ce n'est pas une connaissanceintellectuelle».Que penser de ces observations et de la thèse que les phénoménologues fondent sur elles ?Leurs observations et leurs analyses sont fort justes et elles mettent heureusement en relief des faits trop négligéspar les psychologues.Il ne semble pas cependant qu'on doive se rallier à la thèse d'après laquelle l'amour serait un mode de connaissance.L'affectivité sensibilise nos fonctions cognitives, oriente le regard de l'esprit, mais c'est toujours l'esprit qui connaîtet non le coeur : « quand le coeur a des yeux, c'est l'intelligence qui lui prête son regard ».. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles