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Analyse: PREMIER ACTE - SCÈNE 1 du Tartuffe de Molière

Publié le 22/02/2012

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Cette scène est construite sur un triple mouvement. D'abord Madame Pernelle lance une offensive contre les membres de la famille d'Orgon, dont elle critique le train de vie qu'elle juge indécent. Damis réagit en prenant pour cible Tartuffe : « Votre Monsieur Tartuffe est bienheureux sans doute... » Cette répartie marque le passage à la deuxième partie centrée sur Tartuffe, présenté comme un modèle de moralité par Madame Pernelle, comme un parasite et un hypocrite par Damis, vigoureusement relayé par Dorine. Exaspérée par ces reproches, Madame Pernelle coupe vertement la parole à Dorine : « Taisez-vous et songez aux choses que vous dites. » Pressée de justifier Tartuffe et de reprendre le dessus, Madame Pernelle aborde un troisième thème qui n'est, en fait, que la reprise élargie et argumentée du premier : les médisances auxquelles donne lieu la conduite d'Elmire et des jeunes gens.

« les changements apportés par Tartuffe chez Orgon font suite à d'autres changements introduits dans un sens toutopposé par Elmire.Veuf de son premier mariage, Orgon a épousé une femme beaucoup plus jeune que lui et cette différence degénération est capitale pour bien comprendre la signification idéologique de la pièce.

Rappelons, en effet, que leconflit qui opposait Louis XIV aux dévots de la Compagnie du Saint-Sacrement était fondé sur une différence deconception de la vie qui tenait aussi à une différence d'âge.Les dévots appartenaient à l'entourage de la reine-mère, Anne d'Autriche, qui les protégeait.

Une nouvellegénération d'esprits libres, avides de goûter aux plaisirs de la vie était apparue à la cour, auprès du jeune Roi etprenait la relève de la génération ancienne attachée à des conventions bigotes, représentée par une sociétésecrète qui cherchait à faire régner un ordre moral pour assurer son pouvoir.

Les critiques adressées par Dorine à laprude Orante étaient applicables à cette classe de dévots visant à interdire les divertissements, le théâtre, àproscrire le luxe et jusqu'aux relations les plus innocentes de la vie de société.Tartuffe / 53Elmire est plus proche par l'esprit et par l'âge de Damis et de Mariane que de son mari Orgon.

Il est aisé d'imaginerque forcé, contre son gré, de subir un mode de vie que la dévote Femelle estime relâché, Orgon ait réagi en voulantimposer son autorité et en mettant sa famille sous le joug de Tartuffe, investi des pleins pouvoirs de directeur deconscience.

La crise de Tartuffe repose aussi sur un conflit des générations. Un pied-platMais ce « pouvoir tyrannique » dont se plaint amèrement Damis est d'autant plus mal ressenti par la famille qu'il estexercé par un parvenu.

Damis le traite, en effet, de « pied-plat », mot qui à l'époque désignait un rustre, un paysan.Il était donc humiliant pour un fils de la bonne bourgeoisie de subir les recommandations et les réprimandes d'unindividu d'origine inférieure.

On voit que la passion dévote d'Orgon et sa fascination pour Tartuffe le poussaient àenfreindre les préjugés sociaux et les usages du monde.Il n'est pas étonnant que les personnages les plus montés contre Tartuffe soient Damis, le fils aîné, et Dorine, lasuivante, qui prend à coeur les intérêts de la famille et, étant elle-même d'une catégorie subalterne, ressent commeun affront insupportable l'intrusion de quelqu'un qu'elle appelle sans ménagement « un gueux ».

C'est Dorine,d'ailleurs, qui a le mieux percé à jour l'Imposteur lorsqu'elle dit : «Je crois que de Madame il est, ma foi, jaloux.

»C'est plus que n'en peut supporter Madame Pernelle qui l'interrompt violemment, comme si elle comprenaitvaguement que Dorine venait de livrer un secret de Tartuffe qui deviendra l'un des principaux ressorts de la pièce.Dorine appartient, bien entendu, à la race des « servantes de Molière » qui ont pour fonction de faire entendre àleur maître le langage de la raison.

Mais, bien que Molière, plus loin, glisse cette indication pour atténuer les proposqu'il lui prête : « C'est une servante qui parle », Dorine n'est pas exactement une servante.

Elle est une « suivante», c'est-à-dire une sorte de dame de compagnie.

Quand, pour lui rabattre le caquet, Madame Pernelle lui rappellequ'elle n'est qu'une « fille suivante «, elle veut montrer à Dorine que celle-ci abuse de sa situation.

Dorine tirejustement sa liberté de parole de sa condition servile, un peu comme les bouffons du roi.

Sa qualité de suivanteexplique cependant un ton et un langage plus relevés que ceux des « servantes » ordinaires.Ainsi, au cours de cette scène d'exposition, l'agitation déployée par Madame Pernelle a eu pour effet de présenterau public les protagonistes de la comédie, les absents, Tartuffe et Orgon, aussi bien que ceux qui sont pris à partiepar la vieille dévote.Dès le lever du rideau, les spectateurs sont amenés à se familiariser avec le franc-parler et le bon sens de Dorine,l'impétuosité de Damis, la civilité de Cléante, la timidité de Mariane, la dignité d'Elmire.

Mais ils découvrent en mêmetemps les thèmes appelés à se développer et à produire de dramatiques conflits dans cette famille en crise.. »

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