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Apres une longue traque, la mort de Pablo Escobar

Publié le 22/02/2012

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2 décembre 1993 - Mort ou vif ! Tous, et ils étaient nombreux ceux qui faisaient la chasse à Escobar, le voulaient mort ou vif. D'abord les policiers et les soldats d'élite du groupe spécial de recherche, à pied d'oeuvre à Medellin depuis le 22 juillet 1992, date de " l'évasion " spectaculaire et rocambolesque de Pablo Escobar de sa fausse prison d'Envigado, une résidence luxueuse sans vraies portes, organisée et arrangée, on le sait aujourd'hui, avec le gouvernement de Gaviria lui-même. Des hommes d'élite, surentraînés, qui avaient en seize mois réalisé quelque vingt mille perquisitions à Medellin même et dans toute la région, très boisée et accidentée, où le parrain possédait de très nombreuses propriétés, et donc des caches possibles. " Plutôt mort que vivant ", disaient les chefs de ce groupe spécial, exaspérés par les nombreuses occasions perdues de capture. A chaque fois, bien renseigné par ses informateurs officieux et officiels, Don Pablo s'échappait. Des mercenaires américains, israéliens et autres, alléchés par la prime de plusieurs millions de dollars offerte par le gouvernement de Bogota et les organismes gouvernementaux anti-stups des Etats-Unis, le recherchaient également avec avidité. Ils travaillaient dans des conditions encore plus difficiles et certains avaient abandonné une traque où les dés étaient pipés puisque le parrain pouvait compter sur des complicités au plus haut niveau de l'appareil d'Etat. Les tueurs à gage du cartel de Cali, rival de celui de Medellin, le poursuivaient également. De sanglants règlements de comptes avaient opposé les deux cartels : ils ont fait, en trois ans, des centaines de morts. A la rivalité traditionnelle de trafiquants, en conflit pour le contrôle de la commercialisation de la drogue aux Etats-Unis et en Europe, s'ajoutait la haine qui se nourrit de la trahison. Escobar dénonçait sans cesse les liens du cartel de Cali avec certains hauts fonctionnaires et accusait même carrément le gouvernement de Bogota de " connivence " avec des parrains, plus discrets et plus " civilisés ", qui ont su, bien mieux que lui, se gagner la vraie complicité chaleureuse de certains secteurs de la société de la troisième ville du pays. Le voulaient et le traquaient aussi, et avec une hargne particulière, les familles et les proches de certains de ses anciens associés dans le cartel de Medellin, qu'il avait convoqués dans sa prison d'Envigado " pour rendre des comptes " et qu'il avait fait exécuter sur place par ses lieutenants " incarcérés " avec lui. Ces associés avaient conservé pour eux quelques millions de dollars prélevés sur les recettes d'un trafic qu'Escobar continuait de diriger derrière ses fausses grilles dorées et électrifiées. " Il s'agissait de sommes réellement très importantes, plusieurs dizaines de millions de dollars " confiait récemment le procureur général de Greif, chargé de l'instruction des crimes du parrain. Les PEPES (le sigle espagnol pour : personnalités poursuivies par Escobar) est la plus connue de ces bandes armées constituées pour frapper le chef du cartel, ses amis et aussi sa famille. C'est parce que la pression des PEPES contre la femme et les enfants d'Escobar - bénéficiant pourtant d'une forte protection policière dans et autour de leur résidence du quartier du " poblado de Medellin " - était devenue trop forte ces derniers jours qu'ils avaient fait un voyage aller-retour sans grand espoir en Allemagne. Refoulés, ils ont demandé mercredi la protection des Nations unies et une intervention, refusée, de la Guatémaltèque Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix. Le cercle se resserrait, la femme et les enfants d'Escobar étaient parqués dans un grand hôtel de la capitale avec une impressionnante escorte policière. Escobar avait accumulé trop de charges criminelles contre lui, patiemment rassemblées par M. de Greif, pour espérer éventuellement des peines de prison réduites malgré les dernières modifications envisagées du code de procédure pénale qui incitent encore plus les trafiquants de drogue colombiens à négocier avec la justice, à avouer des délits mineurs et à accepter une collaboration avec les autorités en échange de très importants avantages. Ce nouveau système pourrait permettre aux principaux dirigeants du cartel de Cali de s'en tirer à très bon compte et de jouir tranquillement de leur fortune. Ce que ne pouvait plus espérer Pablo Escobar, gangster en cavale, devenu pour tous de plus en plus gênant, surtout après les dernières révélations de Mauricio Vargas, ancien ministre de l'information jusqu'en mai 1992 du président Gaviria, mettant carrément en cause le chef de l'Etat dans le scandale suscité par sa " reddition " en juin 1991, puis dans sa fausse évasion en juillet 1992. Tout un contexte juridico-politique qui explique, s'il ne le justifie, le scepticisme avec lequel la version officielle de la mort de Pablo Escobar est accueillie dans certains milieux. Seuls les cadavres ne parlent pas. MARCEL NIEDERGANG Le Monde du 4 décembre 1993

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