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l'art recherche t-il la laideur?

Publié le 03/04/2013

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Le terme art (ars en latin traduit le mot grec technè) désigne aussi bien la technique, le savoir faire que la création artistique, la recherche du beau. L'art vise la création du beau. Il s'affranchit de l'utile et d'une fin déterminée à l'avance. Le beau est quant à lui quelque chose qui plait à l'oeil, qui provoque un sentiment d'esthetique, il fait parti de l'ordre, de la proportion etc. Cela voudrait-il dire que le laid est exclu d'une caracteristique artiste ? La laideur, en effet, produit un déplaisir, un malaise ; la laideur n'est pas « esthétique «. On parle d'un visage laid parce que difforme, ou d'une ville laide parce que pauvre ou sale. Elle ne semble donc pas pouvoir être « l'objet de l'art « , c'est-à-dire ce que l'art chercher à représenter, ce qu'il veut donner à gouter, voire. Pourtant, certains artistes représentent des choses laides : cadavres, saleté, corps malades... on demande donc si ce sont là de mauvais artistes ou si il peut y avoir une façon artistique de présenter des choses laides. On peut envisager le problème, de trois façons : l'art doit-il chercher à représenter le laid au lieu du beau ? mais alors, l'art n'apporterait plus de plaisir, mais le choc, la surprise, voire le malaise. Ou l'art peut-il représenter des choses belles ou laides, du moment que la forme est belle ? ce que disaient Aristote et Kant. Ou encore, l'art n'a pas à représenter des choses laides, mais a être laid lui-même, une forme laide et dégoutante, ce qui serait le plus grand paradoxe sur la nature de l'art. en somme, l'enjeu est de définir la fonction possible de l'art, en dehors de son rôle classique de production d'un sentiment de plaisir par le beau. Il existe beaucoup d'autres catégories esthétiques que le beau, en effet il y a aussi le merveilleux, le comique, le monstrueux, le laid, la caricature... L'artiste n'est pas obligé de produire forcement quelque chose qui soit beau, le métier même d'artiste est de produire des objets d'art. Il convient de combattre les idées reçues concernant la liaison du beau et de l'art, mais aussi de montrer que le laid peut être « involontaire « dans la mesure où l'artiste s'est avéré incapable de produire de belle oeuvre d'art car ses talents sont médiocres ou parce qu'il a mauvais gout. Ici, il est question de savoir si un objet laid peut faire objet d'une représentation artistique. Cela sous entend, que seul des objets déjà beau, en eux-mêmes pourraient faire l'objet d'une représentation artistique et que l'artiste ne serait qu'un enregistreur, qu'un imitateur de la réalité, que la manière de représenter la chose ne serait pas importante, que la « touche « de l'artiste, son expressivité serait accessoires. Ce serait une vision réductrice de l'art. Hegel rompt avec Kant, pour qui la beauté naturelle tient une large part. Hegel rejette la beauté naturelle, car la beauté artistique étant un produit de l'esprit qui lui est nécessairement supérieure. C'est pour nous et non en soi et pour soi qu'un être naturel peut être beau. L'imitation de la nature n'est donc pas de l'art, tout au plus un exercice d'habileté, par lequel ou imite le créateur. Il y a plus de plaisir à fabriquer des outils ou des machines qu'à peindre un coucher de soleil. La valeur de l'art est tout autre : c'est l'esprit à l'oeuvre, qui s'arrache de la nature en la niant. Au moyen de l'art, l'homme se sépare de la nature et se pose comme distinct. L'art peut donc faire l'objet d'une science, pense Hegel , en ce sens que l'art est en son essence une intériorité qui cherche à s'exprimer, à se manifester ; c'est un contenu qui cherche une forme, un sens qui veut se rendre matériel. On ne peut le condamner pour son apparence. Le beau est une idée, soit l'unité d'un concept et de la réalité. Le concept est l'âme tandis que la réalité en est l'enveloppe charnelle. Tout ce qui est libre, indépendant, infini, conforme à la seule nécessité de son concept, peut être dit beau. De plus un bel objet est vrai, puisqu'il est conforme à son être. Il incarne l'universel dans l'individualité absolument libre et sereine : le symbole en est l'individualité apollinienne, perfection d'harmonie et de forme, sérénité conquise sur la douleur. En un sens, cette beauté idéale est hors du temps et de l'histoire, symbole de l'éternité. Si cet idéal de beauté est désormais révolu, alors qu'il culminait dans l'art grec, c'est que l'organisation sociale et la production économique sont devenues prévalences, soudant les individus dans des rapports de besoin, d'échange et de travail complexes et étroits. L'idéal ne peut plus s'incarner dans l'art, il s'est incarné dans l'Etat et la politique à la fin du 19eme siècle et au cours du 20eme siècle. On peut toutefois remarquer qu'à notre époque présente, ces deux formations ne semblent plus animées par les aspirations spirituelles les plus hautes des individus et de la collectivité. nous vivons dans l'ère du nihilisme que Nietzsche avait diagnostiquée à la fin du 19eme siècle. Art et beauté. Les canons esthétique classiques interdisent à une oeuvre de représenter la laideur. C'est à partir du 16eme siècle et surtout au 17eme siècle que la question du beau fait l'objet d'un examen particulier, de la part des artistes et de philosophes. Il revient donc à l'esthétique de la renaissance et du 16eme siècle, appelée classique, d'avoir dégagé des règles de production du bel objet. S'inspirant de la théorie platonicienne du beau, l'esthétique classique considéré le beau comme une réalité qui existe par soi. Le beau existe est une fleur ou une oeuvre d'art sont belles parce que la beauté est présente en elles. Elles ne sont pas belles pour nous mais en elles-mêmes. Elles ne sont pas belles parce que nous les trouvons belles ; nous les trouvons belles parce qu'elles sont belles. Quelles sont alors les propriétés de ce qui est beau ? Dans un premier temps il y a la règles de la perfection. Ce qui est beau est ce à quoi il ne manque rien. Rien de ce qui appartient à sa nature ne lui fait défaut. De même qu'un cheval avec des oreilles d'ânes n'est pas beau, de même une oeuvre inachevée n'est pas belle. On n'aurait jamais exposé à l'époque des esquisses. L'ordre et l'harmonie sont aussi primordiales, « le beau ne consiste que dans l'ordre c'est-à-dire dans l'arrangement et la proportion. « écrit Bossuet. Tout ce qui est disloqué, désordonné , démesuré est laid. Il s'agit alors de trouver la juste mesure, les rapports adéquats, les beaux rapports. D'où les travaux mathématiques des artistes de la Renaissance recherchant la proportion idéale. De plus il faut qu'il y ait de la simplicité. Ce qui est parfait et l'harmonieux ne peut qu'être simple. Tout ce qui a l'apparence de la complexité est laid. La complexité ne doit pas se voir, rien ne doit voiler l'unité. L'esthétique classique se caractérise par son rejet de l'ornementation, de la parure, préférant la ligne droite. Il y a aussi la clarté. En effet, est beau ce qui est clair, se voit bien, à l'oeil et à l'esprit. Est laid tout ce qui empêche de voir. Tout ce que l'on perçoit mal est laid. En peinture, par exemple, il est recommande d'utiliser des couleurs lumineuses. Sont belles les oeuvres claires et distinctes. En conséquence, est beau ce qui est vrai, ce qui rend visible. « Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable. Il doit régner partout et même dans la fable. « Boileau dans « art poétique «. L'art et l'expression de l'âme. Selon Hegel, l'art traduit les plus hautes manifestations de la vie de l'esprit, les sentiments humains les plus profonds et les plus vrais. En ce sens, il est non seulement voué la beauté, mais il est en plus moral. En effet, peignant les passions humaines, il en donne une représentation purifiée. Le spectateur, face à l'objet d'art, contemple, non la médiocrité de l'existence, mais la force des beaux sentiments. « L'esprit étant supérieur à la nature (...) Le beau naturel est donc un reflexe de l'esprit. « Suite à ce que l'on vient de dire le beau a-t-il réellement une place dans l'oeuvre d'art si justement le beau est « l'idée «, si il est manifestation d'esprit du créatif ? La laideur fait partie du monde, en effet l'artiste peint le monde. Il exprime les passions qui agitent l'âme humaine. Il ne peut pas ignorer qu'il existe des paysages disgracieux, des corps repoussants, des sentiments monstrueux. Exprimant la vie, il doit aussi être le témoin de ses difformités. Goya n'hésitera pas à peindre des toiles traduisant la laideur des violences humaines. L'art et la quotidienneté en est aussi un exemple, en effet si nous voyons un morceau de viande sur l'étal du boucher, nous ne le trouvons pas beau. Pourtant, nous prenons plaisir à contempler le « Boeuf écorché « de Rembrandt. De même, une charogne nous fait horreur dans la nature, mais nous la trouvons belle dans les écrit de Baudelaire. Pourquoi le domaine de l'art serait-il réservé aux belles choses, aux sentiments sublimes, aux matériaux nobles ? il faut lui ôter sa rigidité, la démocratiser, l'ouvrir aux objets qui nous entourent. C'est dans cet esprit que Marcel Duchamp exposera un urinoir, qu'il intitulera « Fontaine «, que le sculpteur César, en 1960, donnera à voir trois compressions de voitures. La beauté doit perdre de sa rigidité, en effet pour Adorno quelle que soit sa nature, le laid doit constituer ou pouvoir constituer un moment de l'art. L'art archaïque, puis l'art traditionnel, abondent en représentations dont le sujet fut considéré comme laid. L'importance de cet élément s'accrut dans l'art moderne au point qu'une nouvelle qualité en surgit. Selon l'esthétique traditionnelle, cet élément est en opposition avec la règle formelle régissant l'oeuvre. Ceux-ci seraient toutefois beaux en un sens plus élevé du terme : par exemple, grâce à leur fonction dans la composition du tableau. Selon la formule hégélienne «  La beauté ne tient pas à l'équilibre, comme simple résultat, mais toujours à la tension qui produit le résultat «. L'harmonie en tant que résultat nie la tension qui y trouve son équilibre, devient un élément perturbateur, faux, voire dissonant. Dans l'art moderne, l'aspect harmonieux du laid n'est plus acceptable. Il en ressort quelque chose de qualitativement nouveau. Jusque vers la fin du 19eme siècle, il était unanimement admis que l'art avait pour but de représenter le beau, c'est-à-dire l'harmonie des formes, des couleurs, des sons, des mots. Par la suite, des artistes ont voulu briser les canons de la beauté, faire entrer dans le domaine de l'art des objets, des matériaux, qui traditionnellement en étaient bannis, au nom d'une plus grande liberté créative. Cette ouverture sur le quotidien, l'anodin, va donner lieu à tous les excès. Le non-art, refusant toute notion de beauté, s'entichera du laid, du vulgaire, semblant se contenter de prendre le contrepied systématique de ce qui produit un authentique plaisir esthétique. La question du laid en art doit se poser autrement. L'objet d'art peut fort bien prendre pour objet la laideur, mai en le sublimant. Ce qui est laid. Les conception soutenues par Victor Hugo, dans les « Préface de Cromwell « (1827), « le beau n'a qu'un type ; le laid en a mille. C'est que le beau, à parler humainement, n'est que la forme harmonie la plus intime avec notre organisme. Aussi nous offre-t-il toujours un ensemble complet, mais restreint comme nous. Ce que nous appelons le laid, au contraire, est un détail d'un grand ensemble qui nous échappe, et qui s'harmonise non pas avec l'homme, mais avec la création toute entière. Voila pourquoi il nous présente sans cesse des aspects nouveaux, mais incomplets. « Aussi l'existence même du mal, du défaut à un lien directe avec la laideur. Le laid est la vision esthétique du défaut, de l'harmonie préétablie qui ne voit le mal comme favorisant l'harmonie du tout, qu'il est indispensable à la beauté du tout, et que par là l'individu seul ne peut en retirer un plaisir esthétique. Le beau ne peut pas être partout, sinon la beauté n'existerait pas, il doit y avoir du laid pour qu'il y ait du beau dans le monde. Une difficile pensée du laid. Le laid s'oppose au beau comme le raté au réussi, comme le pathologique au normal. Mais il y aussi les choses sans prétention, qui sont ce qu'elles sont, mais qui semblent n'exister qu'à demi : les choses plates, ternes, qui ne trompent pas le regard mais qui le découragent et le lassent ; non du point de vue des essences qui tendraient vainement à l'existence, mais plutôt des existences sans essence, sans individualité et sans force, sans signification parce qu'elles ne signifient pas. Les mauvaises oeuvres d'art naissent du mauvais gout qui a une origine social assez définie. Si le milieu et les conditions de vie d'un individu contribuent à former le gout, ils peuvent aussi le déformer, voir le dépraver, entrainant des aveuglements qui annihilent cette faculté sélective, essentielle au libre exercice du gout. « le gout dépravé dans les arts, écrit Voltaire, c'est se plaire à des sujets qui révoltent les esprits bien faits, préférer le burlesque au noble, le précieux et l'affecté au beau simple et naturel. C'est une maladie de l'esprit. « Même un oeil exercé peut ne plus « voir « ce qu'il a constamment sous les yeux. Il est bien évident que la véritable indépendance du jugement et du choix doit pouvoir faire abstraction des tendances qui sont celles du milieu, de la société contemporaine, sans opposition systématique, mais sans soumission aux contraintes ou aux préjugés et, le plus souvent, à contre-courant, puisque les options communes ne sont en général que le résultat d'un renoncement facile à l'élaboration d'un analyse personnelle. Le kitsch ou le mauvais gout volontaire. Le mot « kitsch « tirerait son origine d'un verbe allemand qui veut dire brader ; apparu vers 1870, ou le terme est utilisé pour qualifier les reproductions d'art à bon marché. Kitsch veut dire aussi « vendre en dessous du prix « ou « rénover, revendre du vieux «, d'abord « ramasser des déchets dans la rue « le mot a ensuite resurgi dans le vocabulaire suivant les besoins du temps. Jean Duvignaud définit ce phénomène dans « baroque et kitsch « : « kitsch, mot qui apparait à la fin du siècle dernier, en Europe centrale quand l'industrialisation esquisse une redistribution des bénéfices de la production. Les salaries achètent quelques bribes d'une culture à laquelle jusque-là ils n'avaient aucune participation. Les amateurs éclairés font la grimace : ces gens se pavanent dans la pacotille, dans un ersatz de grand art, et se laissent séduire par une musique dégradée, une peinture pervertie et les facilités commerciales du tape a l'oeil, le kitsch n'est-il que cela ? « aussi, des bâtiments, des peintures, des sculptures peuvent être kitsch. Le kitsch c'est la surcharge décorative, l'accumulation de symboles, la reproduction en un matériau moins noble ou inadapté d'un objet, la copie de styles artistiques incongrus pour une époque. Ainsi la peinture, l'art nouveau, les oeuvres architecturales de Gaudi ne sont à proprement parlé pas belle mais kitsch. Mais Gaudi reste un artiste qui a produit des oeuvres d'art, on ne peut dire le contraire. Le kitsch ; c'est sortir de son contexte des éléments culturels pour les insérer dans un autre milieu totalement différent ; ou s'en servie à des fins opposées ou étrangères à leur destination d'origine. Comme le dit Gilles Dorfles dans « les kitsch, un catalogue raisonné du mauvais gout « : «  le kitsch recourt en priorité à des élément irrationnels, fantasmagoriques, ou s'il on veut au subconscient ou au préconscient. «. souvent, la volonté ou non de l'artiste de produire un objet laid est floue, il est en effet difficile de savoir dans ce cadre si c'est le style même d'une époque, une commande, qui peut être démodé et rendu kitch par la suite, ou si l'artiste a su en conscience qu'il produisait un objet l laid. Produire un objet volontairement laid serait une perversion du gout, une provocation envers le bon gout, une plaisanterie et non une simple erreur. L'artiste produit des oeuvres d'art, des objets esthétiques qui ne sont pas forcement, l'art n'est pas forcement en lien avec le beau. L'artiste produit l'art de son temps, il ne peut véritablement en sortir. Les gouts sont relatifs aux époques, ce qui est beau à un moment donné ne le sera plus par la suite, au risque de devenir kitsch, fait de citation et de références culturelles qui sont en vérité de la provocation, qu'on retrouve en particulier dans l'art contemporain, le pop art, et certaines installations. Mais qui sait, ces oeuvres seront peut être jugées belles dans un siecle...

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