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Article de presse: L'affaire Ben Barka

Publié le 22/02/2012

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29 octobre 1965 - Le vendredi 29 octobre 1965, vers 12 h 30, devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain à Paris, deux hommes porteurs de carte de police invitaient M. Mehdi Ben Barka à monter dans une voiture à bord de laquelle ils vont le conduire, en compagnie d'autres hommes, jusqu'à la villa d'un repris de justice, Georges Boucheseiche, à Fontenay-le-Vicomte. Nul ne doit, de ce jour, revoir celui qui est l'un des principaux dirigeants de l'Union des forces populaires du Maroc et l'un des chefs de file du tiers-monde. Ainsi commence ce qui sera l'affaire Ben Barka et dont, vingt ans après, tous les dessous n'ont pas pu être exactement établis. Du moins l'arrestation dans les jours qui suivent de six personnes, mêlées à cet enlèvement, l'identification de sept autres, une instruction suivie de deux procès ardemment débattus, vont-ils permettre d'apporter une vérité tout en montrant ce qui fut appelé non sans raison ses " zones d'ombre ". En fait, ce qui se passe le 29 octobre 1965 et dont Charles de Gaulle, alors président de la République, dira qu'il " n'a rien que de vulgaire et de subalterne ", offre quand même à l'opposition de l'époque matière à poser des questions et à interpeller violemment le pouvoir dès lors que le principal protagoniste, Antoine Lopez, se trouve être un " honorable correspondant " des services secrets d'alors, le SDECE. Tout va se jouer dans la nuit qui suivra. On ne saura jamais avec certitude ce qui se passa alors à Fontenay-le-Vicomte. Mais les événements qui suivent montrent que le sort de Ben Barka se joua bien là-bas. Georges Figon, qui lui aussi avait suivi les événements du boulevard Saint-Germain et devait à son tour venir à Fontenay-le-Vicomte, racontera bientôt qu'il vit le général Oufkir frapper d'un poignard le chef de l'opposition marocaine. Le récit sera publié ultérieurement par l'Express. Mais Figon ne sera pas revu vivant. Repéré par la police dans un studio de la rue des Renaudes à Paris, il sera trouvé mort. L'enquête officielle conclut à son suicide. Cette conclusion laisse sceptique. Le remuant Figon n'aurait-il pas été " suicidé " ? Cependant l'affaire est maintenant publique. Depuis le dimanche 31 octobre, où le frère de Mehdi Ben Barka a déposé plainte, la brigade criminelle a recherché et trouvé des témoins. Elle sait que Lopez est un témoin encore plus important. Il se présentera spontanément le 3 novembre. Pour tout dire ? Non pas. Il ne dit rien de ses liens avec le SDECE. Il paraît attendre. Or les Marocains qu'il a mis en cause, Oufkir et Dlimi, vont entre le 3 et le 4 novembre se retrouver à Paris très officiellement pour préparer la visite que doit faire le roi Hassan II. Ils auraient même eu un entretien dans la soirée du 3 avec M. Maurice Grimaud, directeur général de la sécurité nationale. En cet état, le dossier va se conclure par un procès devant la cour d'assises de Paris, qui n'apporte pas d'inédit mais un coup de théâtre. Alors qu'il est sur le point de s'achever, le 19 octobre 1966, Ahmed Dlimi vient se constituer prisonnier. Tout est à reprendre. En fait, lorsqu'on peut recommencer, le 13 avril 1967, on sait que rien de neuf n'est à attendre. Lopez, accusateur initial de Dlimi, brouille les cartes en revenant sur ses déclarations. Pour finir, le 5 juin, Dlimi est acquitté tout comme Philippe Bernier, Roger Voitot, El Mahi et Marcel Leroy-Finville. Lopez et Souchon, condamnés respectivement pour arrestation illégale à huit et six ans de réclusion criminelle, bénéficieront de libérations conditionnelles. Quant à Mehdi Ben Barka, si sa mort est une certitude, nul ne peut dire comment et pourquoi elle lui fut infligée, et le crime, volontaire ou par accident, reste un crime sans cadavre. La mort a frappé Dlimi et Oufkir. Le premier a été victime, le 25 janvier 1983, d'un accident de la route au Maroc, dont les circonstances ont été mal définies. Le second, impliqué dans un complot contre Hassan II, en août 1972, s'est officiellement suicidé... JEAN-MARC THEOLLEYRE Le Monde du 27-28 octobre 1985

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