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Article de presse: Les Quinze ont échoué à réformer les institutions de l'Union

Publié le 22/02/2012

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16-17 juin 1997 - Les Quinze ne sont pas parvenus à s'entendre sur la réforme des institutions européennes. Les partisans d'une Europe forte la jugeaient pourtant indispensable pour éviter que l'Union ne se dilue lors de son futur élargissement aux pays de l'Europe centrale et orientale. La Conférence intergouvernementale (CIG) lancée à Turin le 26 mars 1996, après six mois de travaux préparatoires, a débouché dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 juin, à Amsterdam, sur un résultat bien en deçà des ambitions affichées il y a quelques mois encore à Paris et à Bonn. Le moteur franco-allemand est apparu grippé. L'entente est fragilisée par des désaccords sur la gestion de la zone monétaire européenne et par le contre-coup des difficultés politiques et sociales des deux pays. Une fois réglé le différend franco-allemand sur le pacte de stabilité, il a fallu de longues heures aux chefs d'Etat et de gouvernement pour boucler les discussions sur le projet préparé par le gouvernement néerlandais pour réviser le traité de Maastricht. Le nouveau texte, qui sera signé en octobre par les ministres des affaires étrangères, devra être ratifié par tous les Etats membres. Jacques Chirac, venu avec Lionel Jospin tirer les conclusions du sommet vers 4 heures du matin mercredi, a jugé que le texte "ne suscite pas un changement tel qu'un référendum paraisse justifié". Quelques avancées Le chef de l'Etat et le premier ministre ont défendu les efforts faits par la France pour obtenir un meilleur résultat. Lionel Jospin a souligné que les Français auraient pu accepter une extension plus importante du vote à la majorité qualifiée. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Jacques Chirac a affirmé qu'il ne fallait pas "confondre hâte et précipitation" dans un double processus aussi complexe que l'élargissement et l'approfondissement de l'Union. "Dans certains domaines, je suis frustré, dans d'autres je suis satisfait. Mais, au total, c'est un pas raisonnable qui nous permet de commencer l'élargissement (...) et de tenir nos engagements sur l'euro", a-il déclaré. Le nouveau traité, qui vient compléter celui de Maastricht, contient quelques avancées. L'expérience acquise par les pays signataires de la convention Schengen dans l'établissement d'un espace de libre circulation, sans contrôles aux frontières, va être étendue à l'ensemble de l'Union, avec des dérogations pour la Grande-Bretagne, l'Irlande et le Danemark. Les Quinze se sont mis d'accord pour "communautariser" des politiques relevant de la coopération intergouvernementale en matière de sécurité intérieure et de justice. Cette communautarisation se fera pas à pas, parallèlement au renforcement de la coopération entre les services de police et l'établissement d'un socle commun dans le domaine de la justice pénale. Un autre progrès bien que les ambitions françaises soient allées au-delà est la décision de faire du secrétaire général du Conseil le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Il aura à sa disposition une cellule de planification et d'alerte sur les problèmes internationaux. L'opposition des Britanniques n'a pas permis d'avancées substantielles vers la transformation de l'UEO (Union de l'Europe occidentale) en "bras armé" de l'Union. En revanche, le nouveau gouvernement de Londres a accepté les coopérations renforcées qui permettront dans certaines conditions à des pays d'aller de l'avant dans des domaines d'intérêt général sans attendre les hésitants. Les Britanniques ont levé leur objection à ce que ces coopérations soient décidées à la majorité qualifiée, étant entendu qu'ils peuvent toujours opposer un veto si leur intérêt national est en cause. Jacques Chirac a trouvé quelques satisfactions spécifiques, sur le statut des DOM-TOM, sur la reconnaissance de Strasbourg comme siège du Parlement européen. Mais il a été obligé de faire des concessions sur des points symboliques d'une vision de l'Europe, acteur international. Le chef de l'Etat voulait une limitation du nombre des commissaires européens pour rendre leur action plus efficace. Il souhaitait que les grands Etats se voient reconnaître un poids proportionnel à leur taille; il s'est fait contrer par les petits Etats et s'est heurté à l'attitude attentiste des Allemands. Les choses restent en l'état. Prudence des Travaillistes Au moment de l'élargissement vers l'Europe de l'Est, on tentera de limiter à un par pays le nombre de commissaires. Mais la décision dépend de l'issue de la discussion sur la pondération des voix qui, elle non plus, n'a pas avancé. Cette question a bloqué la réunion pendant plusieurs heures. La France a refusé d'accepter un compromis sur une procédure de vote à double majorité, tenant compte à la fois du produit intérieur brut (PIB) et de la population, qui aurait donné un nombre de voix supérieur à l'Allemagne. Elle a, en vain, tenté de passer en force, soutenue par cinq autres pays, dont la Grande-Bretagne. De guerre lasse, la présidence néerlandaise a renvoyé l'affaire au prochain élargissement. Jacques Santer, président de la Commission, a choisi le mode optimiste pour commenter les résultats de ce Conseil européen. Il a assuré qu'il ouvrait une nouvelle étape historique avec la perspective proche de son élargissement. La Commission rendra, le 16 juillet, ses avis sur les dix pays candidats à l'adhésion. Les négociations commenceront en décembre, comme prévu. Le chrétien-démocrate Elmar Brock, représentant du Parlement européen auprès de la CIG, se montrait philosophe. Les Quinze, a-t-il expliqué, ont besoin d'un peu de temps pour digérer leurs difficultés. Le nouveau gouvernement britannique, plus coopératif que les conservateurs, reste prudent. Les socialistes français, empêtrés dans leur querelle sur le pacte de solidarité, n'avaient pas le coeur à l'ouvrage, et le chancelier Kohl, obligé de défendre l'euro tous azimuts, paraît déjà entièrement absorbé par ses élections de l'automne 1998. HENRI DE BRESSON et ALAIN FRANCO Le Monde du 19 juin 1997

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