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Autrui comme un autre moi-même

Publié le 13/01/2004

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B - La constitution de soi-même à partir d'autrui■ Pourtant, si j'ai de l'existence de ma conscience une entière certitude, il faut, pour qu'elle soit une vérité universelle, que tout un chacun la constate comme l'existence d'une pierre. La certitude de l'existence de ma conscience ne se change en vérité que par la connaissance qu'autrui a d'elle.■ La conscience de soi, ce que j'ai de plus intime et de plus certain, n'existe véritablement qu'en existant aux yeux d'autrui ; j'ai bien la certitude subjective de mon existence en tant que conscience, je n'en détiens pas la vérité objective pour autant : j'ai besoin d'autrui pour affirmer l'existence de ma conscience.■ C'est donc en existant d'abord aux yeux d'autrui que chacun existe vraiment pour soi-même. Ainsi, chaque homme a besoin d'un autre homme pour savoir qu'il existe lui-même ; il faut donc deux consciences de soi pour que chacune reconnaisse l'existence de l'autre.2. AUTRUI COMME UN AUTRE QUE MOIA - La constitution d'autrui à partir de soi-même■ L'existence d'autrui, condition de la vérité de ma propre existence, n'est pour moi-même que si je la reconnais ; qu'est-ce que penser qu'une autre conscience de soi existe ? Poser en face de soi une autre conscience de soi, c'est supposer qu'il y a en-dehors de soi quelque chose d'autre que soi, qui est comme soi.■ La conception que l'on se fait d'une autre conscience a son origine dans l'expérience que l'on fait de sa propre conscience. C'est par analogie avec cet être primitivement découvert qu'est notre conscience que nous envisageons autrui comme une autre conscience de soi.

 

« Un autre moi-même « : tel pourrait être, a priori, la définition d’ « autrui «.

Certes, « l’autre «, c’est ce qui n’est pas moi. Mais si on peut penser qu’autrui est, pare définition, un autre moi-même, c’est parce qu’autrui désigne celui qui est comme moi : autrui est un homme doué d’une conscience, comme moi.

Autrui, comme moi, désigne celui qui a une identité personnelle, une conscience, une identité, une volonté, etc.

Pour autant, peut-on réellement dire que je partage avec les autres ce que je suis « moi-même «, dans ma singularité ?

Ce que je pense, ce que je vis, n’est pas ce que l’autre pense et vit.

N’est-ce pas alors exagérer que d’estimer qu’autrui est un autre moi-même ? Ce que je suis moi-même n’est-il pas, en effet, ce que je suis dans ma singularité ?

Savoir si autrui est un autre moi-même, c’est interroger, évidemment, le statut d’autrui. Mais pour répondre de manière décisive à la question, il convient, tout aussi évidemment, de s’interroger sur ce que caractérise « moi-même «. Le fait d’être moi-même est-il ce qui me singularise, ou au contraire ce que je partage avec autrui ?

 

Autrui, c’est une autre conscience, une autre volonté, que je ne saurais connaître. Puis-je alors ne serait-ce que me prononcer sur le rapport entre autrui et moi ?

 

Il faut en définitive se demander en quel sens, et jusqu’à quel point, je peux prétendre qu’autrui est comme moi.

Dans ce que je suis moi-même, qu’est-ce que je partage avec autrui ? Qu’est-ce qui m’est strictement singulier ? C’est en abordant ces questions que l’on pourra se demander si autrui est un autre moi-même ou non.

« Introduction Autrui n'est pas absolument différent de moi.

S'il était, je n'aurais aucun rapport à lui.

Mais il ne m'est pas pourautant identique : il doit être autre que moi.

Entre l'identité et la différence, faut-il donc dire qu'autrui est un autremoi-même ? La question porte sur la nature des rapports humains en général.

Savoir ce que sont les autres pour moipermet de comprendre ce qui nous lie et de se conduire comme il faut.

On doit d'abord voir en l'autre le semblable, àla fois identique et différent, avec lequel il est toujours possible de communiquer et de vivre en société : c'est l'ami,le voisin, le concitoyen, c'est-à-dire l'autre moi, autre que moi, dont la différence apparente n'est qu'accidentelleparce qu'elle renvoie à une même identité plus profonde et essentielle.

Mais on peut aussi voir en l'autre un êtrechez qui cette différence n'est pas qu'apparente, mais irréductible et réelle, parce qu'elle ne renvoie qu'à elle-mêmeet non à une identité ou une essence commune de l'humanité.

C'est ainsi que le barbare, l'autiste et le fou sont leshommes semblables à nous, bien que l'on puisse généralement vivre et communiquer avec eux comme avec lesautres.

Qui donc est l'autre pour moi : est-ce mon prochain, un être autre comme moi, avec lequel je puiscependant m'unir parce qu'il n'existe entre nous qu'une différence superficielle et contingente ? Ou est-ce un êtrelointain, sans moi, avec lequel je ne puis partager que la différence et non l'identité parce qu'elle seule est réelle ?Cette réflexion théorique sur notre rapport à autrui s'avère ainsi avoir une dimension ontologique et une significationpratique.

Il s'agit de séparer l'être du paraître, pour savoir ce qui est vraiment, entre l'identité et la différence.

Maisl'enjeu moral et politique, est de comprendre ce que c'est qu'être humain, pour parvenir à vivre ensemble.

Faut-il eneffet qu'autrui me ressemble pour que je voie en lui un homme ? Y a-t-il un modèle d'humanité ? Comment composerles différences pour vivre en société ? Autrui, l'ami, est un autre moi-mêmeI. « La ressemblance constitue l'amitié, nous dit Aristote .

L'ami veut un être « autre soi-même ».

Percevoir un ami, c'est en un sens se percevoir et se connaître soi-même » (Ethique à Eudème, VII, 12).

Aristote définit l'amitié par la ressemblance, conçue comme une synthèse d'identité et de différence.

L'ami est l'alter ego, le semblable, quin'est ni identique ni différent, parce qu'il est les deux simultanément. On ne peut en effet faire de l'identité le principe de l'amitié, remarque-t-il.

Deux êtres vraiment semblables ne peuvent rien s'apporter, car chacun d'eux dispose déjà de ce qu'à l'autre : ils n'ont pas besoin l'un de l'autre et nesont pas amis.

Mais on ne peut pas non plus la fonder sur le principe contraire, la différence, car deux êtresradicalement opposés ne peuvent jamais se rencontrer : étant tels, ils s'excluent mutuellement et ne peuvent doncvivre ensemble, ni être amis.

Aristote en conclut que l'on ne peut rendre raison de l'amitié qu'en opérant la synthèse de ces principes apparemment opposés.

Aussi fonde-t-il l'amitié sur de la ressemblance, celle-ci pouvantse concevoir soit comme une identité partielle, soit comme une petite différence.

L'ami est donc celui qui nousressemble, et l'on aurait tort de prendre au mot la sagesse populaire qui dit que « les contraires s'attirent », ou que« entre amis tout est commun », bien qu'il faille l'écouter lorsqu'elle nous dit que « l'ami est un autre moi-même ».Aristote tire de cette analyse une première leçon théorique : la connaissance de soi pase par celle de l'autre, nous dit-il en développant l'analogie suivante.

Il est impossible à l'homme de se connaître immédiatement lui-même,comme à l'œil de s'apercevoir directement, car tous deux doivent passer par l'intermédiaire d'autre chose qu'eux-mêmes.

C'est le miroir pour l'œil et l'ami pour l'homme.

De même qu'un œil peut en effet se voir dans la pupille d'unautre qui devient un miroir pour lui et lui permet de s'apercevoir, un homme peut se connaître par lui-même et deson être.

En voyant l'autre, il se voit, c'est en l'autre qu'il se réfléchit comme en un miroir.

La connaissance qu'il ade lui-même passe ainsi par celle de l'autre et la constitution de l'identité supposer l'altérité.

Je ne puis donc meconnaître sans autrui, en dehors d'une communauté humaine. La question est alors de savoir qui on peut reconnaître comme son semblable, son alter ego ? Aristote donne une réponse politique et morale à cette question, en définissant la ressemblance soit la proportionnalité, d'un pointde vue quantitatif et légal, soit par la sympathie, en un sens qualificatif et moral.

Mon « semblable » est d'abordcelui qui a les mêmes droits que moi, bien que sa constitution soit différente de la mienne : c'est mon frère, ou celuiqui a été éduqué de la même façon que moi, la communauté affective étant un second principe de ressemblance etd'amitié, plus immédiat que le précédent qui dépend du raisonnement et de la pensée.

Cette analyse conduitAristote à faire de l'amitié le principe général de la civilisation, puisque c'est lui qui permet aux cités de durer et auxhommes de s'élever.

C'est le seul lien social susceptible à exclure le « barbare » du champ de l'humanité.

L'étrangerqui n'a pas été élevé comme moi et n'obéit pas aux mêmes lois n'est pas un autre « moi-même » : il ne peut doncêtre mon ami et n'est pas un homme si j'en suis un.

On peut donc le réduire à l'esclavage au même titre qu'unanimal.

Mais le fait qu'autrui soit un autre moi-même signifie-t-il forcément qu'il soit mon ami ? L'alter ego est-il l'ami,. »

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