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Autrui est-il un mediateur obligé ?

Publié le 22/02/2012

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Dans la tradition du « je pense » (Descartes), ce qui est atteint est une subjectivité « rigoureusement individuelle ». Avec le cogito existentialiste, on ne se découvre « pas seulement soi-même, mais aussi les autres ». En nous atteignant, nous nous atteignons « en face » de l'autre. D'un autre qui semble avoir été déjà là, puisque nous le trouvons par le mouvement même où nous nous trouvons.

« d'autrui, dit Sartre, je l'affirme » (p.

308).

Mais en se présentant ainsi autrui perturbe mon univers.

Par exemplelorsque autrui regarde le même paysage que moi, il me dérobe pour ainsi dire le monde.

« L'apparition d'autrui dans lemonde correspond...

à une décentration du monde qui mine par en dessous la centralisation que j'opère dans lemême temps » (p.

313).

C'est que pour Sartre, la source de tout sens, c'est la conscience (le pour-soi).

Dès lors, «je dois poser le problème d'autrui à partir de mon être » (p.

300).

Dans de telles conditions il n'est pas étonnant quela pluralité des consciences apparaisse comme un véritable scandale.

C'est l'analyse du regard qui nous révèle sansdoute le mieux ce.rapport conflictuel de moi à autrui.

Le regard de l'autre, lorsqu'il se pose sur moi, tend à me niercomme conscience, à m'objectiver, c'est-à-dire à me poser comme objet.

Reprenons l'exemple du phénomène de lahonte dont nous avons déjà parlé.

Sartre analyse le cas de quelqu'un qui, pour une raison ou pour une autre(jalousie, vice, simple curiosité) regarde par le trou de la serrure.

Or tout à coup survient une autre personne.

Leregard de l'autre déclenche chez moi la honte.

« Il suffit qu'autrui me regarde pour que je sois ce que je suis » (p.320), je ne suis plus pour l'autre que celui qui regarde par le trou de la serrure, de la même manière que le pot àtabac est sur mon bureau.

Nous retrouvons ainsi cette singulière triple dimension caractéristique du rapport moi-autrui.

La honte en effet fait non seulement apparaître un moi-objet aux yeux de l'autre, mais aussi « une ipséité(moi-même) qui a honte » (p.

350).

On peut dire que l'affrontement des regards manifeste bien le conflit qui sous-tend toutes mes relations avec autrui.

Le conflit serait ainsi le mode selon lequel s'articulerait le rapport moi-autrui :« Le conflit est le sens originel de l'être-pour-autrui » (p.

431). Or le conflit est-il vraiment le mode fondamental du rapport moi-autrui.

Nous ne le pensons pas.

Nous dirons doncplutôt que le conflit est un des modes de ce rapport, mais non le mode unique ou privilégié.

Lorsque deux personnesregardent le même paysage, il n'y a pas forcément conflit, il peut même fort bien y avoir aide ou compréhension.Prenons un autre exemple.

Supposons que je regarde un tableau avec quelqu'un d'autre ; si l'autre a un regard quiest plus exercé que le mien, il pourra m'apprendre à voir ce tableau.

On peut se demander si les trois dimensions deSartre ne se réduisent pas, malgré tout, aux deux dimensions qu'elles sont initialement, à savoir moi et autrui.

Ilmanquerait ainsi une dimension fondamentale à Sartre : celle du monde.

C'est peut-être parce que Sartre n'a pasanalysé avec suffisamment de densité cette appartenance commune d'autrui et de moi-même au monde que sesdescriptions manquent de nuances et ont un aspect unilatéral (elles se déroulent dans l'horizon du conflit).

Merleau-Ponty a quant à lui bien mieux tenu compte des véritables trois dimensions que sont autrui moi et le monde.

Ils'aperçoit alors qu' « autrui n'est plus tellement une liberté vue du dehors comme destinée et fatalité, un sujet rivald'un sujet, mais qu'il est pris dans le circuit qui le relie au monde, comme nous-mêmes, et par là aussi dans le circuitqui le relie à nous.

— Et ce monde nous est commun, est intermonde (Le Visible et l'Invisible, p.

322).

Autrement ditce qu'on peut rapprocher au sujet, à l'ego sartrien, c'est de n'avoir aucun relief, d'être si l'on veut, un egodésincarné.

L'ego en effet n'est' peut-être pas ce pur pour-soi que décrit Sartre.

Et l'ego auquel pense Merleau-Ponty est bien plutôt celui qui fait corps avec le monde.

Art fond dit Merleau-Ponty : « chez Sartre c'est toujours moi qui fais la profondeur, qui la creuse, qui faistout, et qui ferme du dedans ma prison sur moi » (Le Visible et l'Invisible, p.291).

Il est très vrai qu'en un sens il y a une médiation indispensable d'autruientre moi et moi-même, mais celle-ci n'est pas inéluctablement conflictuelle,et surtout, elle a lieu sur la toile de fond du monde.

C'est d'ailleurs pour cetteraison, notons-le, que le primat du conflit est supprimé.En transformant ainsi ce que Sartre appelait le « problème d'autrui », ons'aperçoit qu'il ne s'agit peut-être pas tant de parler d'autrui que des autres.En effet, nous prenons alors « les autres à leur apparition dans la chair dumonde » (Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, p.

22).

Le problème du rapportmoi-autrui est peut-être lié à un certain type de philosophie qui aurait ladouble caractéristique d'être une philosophie du sujet et une philosophie del'existence.

Pour définir les choses de façon très schématique, on pourraitqualifier de philosophie du sujet toute philosophie qui fait, comme nous l'avonsdéjà dit, de la conscience (le sujet) la source de tout sens.

Les philosophiesdu sujet posent ainsi le primat de l'ego.

Quant à la philosophie de l'existence,on pourrait dire qu'elle s'interroge sur la situation de l'homme dans le monde.C'est dans cette double perspective que Sartre aborde le problème d'autrui.On peut si l'on veut considérer que la philosophie de l'existence de Sartredans l'Être et le Néant correspond à une évolution précise de la philosophie dusujet.

d'est peut-être parce que Merleau-Ponty, surtout dans sa dernièreoeuvre inachevée : Le Visible et l'Invisible, a tenté de se dégager de ce cadreque sa méditation sur les rapports avec autrui prend une autre allure.

Le problème moi-autrui cède la place à unequestion plus vaste, celle qui concerne l'ancrage des autres comme de moi-même dans le monde. Plan: 1) Autrui n'est pas le médiateur entre moi et moi-même (le solipsisme et la certitude du cogito chezDescartes). Le solipsisme Du latin solus, "seul", ipse, "moi-même", le solipsisme est le point limite de l'idéalisme métaphysique : il définit uneattitude du sujet pour lequel rien n'existe en dehors de sa conscience.

Tout se passe dans la solitude du moi : jesuis seul dans ma tête et ne puis entrer dans la conscience d'autrui.

Dans cette perspective, les autres se réduisent. »

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