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Autrui est-il un vivant parmi les autres ?

Publié le 31/01/2004

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Autrui, c’est celui qui est autre que moi, qui n’est pas moi. Dans sa définition même, autrui se constitue par rapport à moi, et non par rapport au autres. Autrui est donc relatif à moi, parce qu’autrui, c’est celui n’est pas l’animal ou la plante, c’est l’être humain, le vivant de la même espèce que moi, mon congénère. Il semble donc que j’ai davantage de chose en commun avec autrui qu’avec les autres êtres vivants, et pourtant, autrui me semble parfois plus incompréhensible ou étranger qu’un animal. En effet, les hommes ont cette particularité de n’être pas déterminés par un instincts comme le sont les autres êtres vivants, ils sont guidés par leurs raison, et leur volonté libre les conduit à faire des choix de vies très divers, et à formuler des pensées singulières et distinctes de celles de leurs semblables. Ainsi, si l’espèce humaine n’est pas déterminée et est libre de se construire comme elle l’entend, autrui n’est pas plus prévisible ou compréhensible pour moi qu’un autre être vivant. Autrui est-il un vivant parmi les autres ?

1ère partie : Autrui est plus qu’un vivant parmi les autres : il est mon semblable.

2ème partie : Autrui n’a pas la même position que les autres êtres vivants, car sa présence m’est imposée.

3ème partie : Autrui m’élève au-dessus des autres êtres vivants.  

« rencontre est impossible à éviter.

Quand bien même on imaginerait un « état de nature » comme Hobbes le décritdans le Léviathan.

où l'homme vivrait en solitaire, la présence d'autrui m'est imposée par les circonstances.

En effet,si les conditions nécessaires à la subsistance humaine (nourriture, espace, protection) sont rares, autrui constitueun obstacle pour le sujet, et une entrave à sa survie.

Dans cet état de nature antérieur à la société civile, «chacun est en guerre contre chacun », selon l'expression de Hobbes.

Autrui, puisqu'en tant que semblable, de mêmeespèce, recherche les mêmes biens que le sujet, représente une menace car il est susceptible de lui voler ces biens.Autrui devient donc un prédateur, et ennemi à éliminer.

Si cet état de nature n'est qu'une fiction, il n'en reste pasmoins que l'esprit de concurrence entre les être humains perdure toujours, et que autrui, parce qu'il désire lesmêmes biens que le sujet, menace le sujet de les lui dérober (par les moyens illégaux du vol ou de l'escroquerie, ouplus légitimement par la supériorité de son statut social, professionnel ou familial, et de ses qualités physiques ouintellectuelles.) Autrui n'est donc pas un être vivant parmi d'autres, car contrairement aux animaux et aux plantesavec lesquelles nous avons ou bien une relation indifférente, ou bien une supériorité (sur les êtres dont nous nousnourrissons par exemple) tandis qu'autrui est de force égale et peut chercher à me nuire.- En fait, le conflit est le fondement constitutif de la relation à autrui.

Pour Sartre, chaque conscience est uneliberté qui cherche à devenir absolue et à détruire la liberté d'autrui en le reléguant au statut de chose passive.

Lesurgissement d'autrui est donc toujours une violence pour le sujet, selon Sartre.

Autrui est une menace constante,non seulement parce qu'il convoite les mêmes biens que moi, mais simplement car il menace le caractère unique etabsolu du sujet.

La présence d'autrui décentre le monde dans lequel se trouvait le sujet seul, et tend à lui « voler lemonde ».

En outre, le regard d'autrui saisi le sujet et le fige.

Le sujet, en la présence d'autrui, n'est plus une libertépure, mais est « chosifié » par autrui, qui le considère comme un objet.- C'est cette situation paradoxale qui fait qu'autrui est à la fois mon semblable et mon ennemi, que Kant décritcomme résultant d'une « insociable sociabilité ».

En effet, l'homme comprend vite qu'il ne peut survivre tout seuldans une situation précaire ou chaque autre le menace.

C'est pourquoi se forment les sociétés civiles, quipermettent d'organiser et de réglementer la vie entre les hommes afin qu'ils puissent vivre ensemble en sécurité, etplus encore qu'il puissent s'entraider pour assurer leur vie commune.

L'homme ne peut vivre en dehors de cettecommunauté organisée, qui lui permet de travailler en coopération et d'assurer sa subsistance et sa survie face auxdangers extérieur.

C'est pourquoi Aristote affirme que « l'homme est un animal politique » (Politiques, I, 2).

Autrui,contrairement aux autres êtres vivants, devient alors celui qui m'est indispensable dans la vie en société, celui avecqui je vis, et grâce à auquel je vis. 3ème partie : Autrui m'élève au-dessus des autres êtres vivants. - Autrui n'est pas un vivant parmi d'autre car il est ce l'être qui me reconnaît, et par lequel j'accède à laconnaissance de moi-même.

« Les hommes sont des miroirs les uns pour les autres », dit Hume dans le second livredu Traité de la nature humaine, car ils se réfléchissent les uns dans les autres.

Par autrui, j'accède à moi-même, carautrui est le témoin de mon existence, et celui qui me connaît extérieurement, tandis qu'autrement, je n'auaisqu'une connaissance subjective et introspective de moi-même.

En effet, on s'aperçoit souvent que les autres nousconnaissent mieux que nous-mêmes, car eux seuls peuvent nous juger à distance, et impartialement.

Si autrui estun autre que le sujet, alors la réciproque est vraie : le sujet est l'autrui d'autrui.

Autrui confère donc au sujet uneforme d'existence à laquelle le sujet lui fait accéder en retour.

Sartre reconnaît ainsi qu'autrui est un « médiateurindispensable entre moi et moi-même ».

Par la reconnaissance, autrui est ce qui permet au sujet de se sentir existereffectivement, de se considérer relativement à l'autre, et de se connaître.

« Je suis un être Pour-Soi, qui n'estPour-Soi que par un autre.

»- En outre, le sujet et autrui atteignent ensemble la dignité, ils s'élèvent ensemble.

C'est l'autre aspect de la"reconnaissance" : même s'il le conteste, même s'il s'oppose au sujet, autrui provoque chez le sujet un sentiment degratitude puisque c'est grâce à lui qu'il peut s'élever au-dessus de l'être égocentrique et égoïste.« Pour être heureux, il faut penser au bonheur d'un autre », écrit Bachelard, dans La Psychanalyse du feu.- Autrui n'est pas un vivant parmi d'autres car il est l'objet de mon désir.

Pour Hegel, désirer autrui, c'est désirerêtre reconnu par l'autre, c'est se ressaisir soi-même dans son rapport à une autre conscience de soi.

Échanger avecautrui, c'est alors se sentir exister pour quelqu'un, c'est avoir conscience de soi à travers le désir de l'autre.Lorsqu'on entre en relation avec autrui, on désire l'autre pour qu'il nous reconnaisse, et ce n'est qu'alors qu'on estsûr d'exister, car on a besoin de la médiation par l'autre.

Autrui nous élève au-dessus des autres vivants, car il nousinvite à nous dépasser pour être aimé par lui.

Platon raconte dans le Phèdre que pour se faire aimer d'autrui, onessaie d'atteindre la perfection que l'on trouve en lui, et l'on on cherche à s'élever pour atteindre au divin.

Parconséquent, autrui met en branle chez le sujet un processus de séduction pour atteindre l'être aimé, et qui consisteà prendre soin de soi-même, à chercher à atteindre la perfection pour briller aux yeux de l'autre.

Autrui divinisel'homme, l'encourage à devenir toujours plus « homme », et à se distinguer toujours davantage des autres vivants.- Rousseau explique ce processus d'émulation par la comparaison que la présence d'autrui introduit chez chacun.Parce qu'il est mon semblable, je me compare à lui, et j'essaie d'être meilleur que lui, donc je cherche à meperfectionner, et repousse toujours plus mes limites. Conclusion : Autrui n'est pas un vivant parmi d'autres, car étant mon semblable, il ne peut jamais me laisser indifférent.

En effet,par sympathie, je ressens pour autrui des affections particulières que je n'ai pas pour les autres vivants, et il est leseul avec qui je puisse communiquer via un langage commun : la parole.

En outre, la présence d'autrui m'estimposée, et je ne peux ignorer autrui, qui face à moi, peut devenir mon ennemi ou mon allié, mais n'est jamais unobjet comme le peuvent l'être la plante qui ne m'atteint pas ou la fourmi que je ne vois même pas.

Autrui est donc levivant avec lequel je vis, et plus encore, il est le vivant pour lequel je vis, et sans lequel je ne peux vivre.

Autrui me. »

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