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On Ne Badine Pas Avec L'Amour, Scène D'Exposition

Publié le 22/10/2010

Extrait du document

amour

 

On ne badine pas avec l’amour

Lecture analytique n°1 :

La scène d’exposition

 

Le Plan :

 

Introduction :

 Au stade de la première scène, le spectateur lecteur ne connaît que le titre de la pièce. Le terme « badine « oriente vers l’amusement et ainsi la comédie. Comédie des mœurs ayant pour objet l’amour.

Or, cette scène paraît surprenante, originale, un personnage venant tout droit de la tragédie antique (le Chœur) accueille tour à tour deux autres personnages qu’il présente en les ridiculisant. Donc le lecteur perd ses repères.

 

Problématique : En quoi cette scène d’exposition révèle-t-elle le caractère innovateur du drame romantique ?

Nous montrerons ainsi que malgré l’apparente simplicité d’une scène présentée en diptyque, et remarquablement structurée, Musset innove donc en matière d’exposition, permettant par le mélange des genres de lancer le drame romantique.

 

    I) Présentation grotesque des fantoches par le Chœur

 

   1) Les fonctions du chœur :

 

   On note la présence d’un personnage venu tout droit de la tragédie antique, ainsi que la référence au vin semble rattacher la scène au Dionysies (Dionysos : dieu de la fête), elle devient alors un jeu, une recherche de la meilleure forme théâtrale possible, le personnage du chœur est l’emblème du spectacle : son statut est triple :

   Tout d’abord, c’est un personnage qui regarde l’action, la présentant et la commentant par des didascalies internes « maître Blazius «, « vous arrivez comme la fièvre «. La vivacité et le dynamisme apparaît ici. Les fantoches sont marqués par l’accueil du chœur  « salut maître Blazius« « bonjour donc Dame Pluche «, et l’incitation à la boisson « Buvez « (l.8, 24,).

   Ensuite, le Chœur est un personnage orateur, sa présentation orale de Pluche et de Blazius crée deux silhouettes associées, la présentation devient subjective.

   Et enfin, le Chœur est un personnage qui transcende le temps, c’est la mémoire du passé, le témoin du présent, l’annonciateur de l’avenir, on le lit dans cette expression « puissions nous retrouver l’enfant dans le cœur de l’homme «. On remarque à travers cette expression qu’il a connaissance du personnage enfant par son souvenir, avec une notion d’espoir pour la suite de la pièce.

   Le mot chœur revendique au centre la scène, également le point central de la pièce c’est donc un instrument de la liberté, de la vérité, pris dans le langage de la société. Le cœur et le langage sont les deux instruments du badinage.

   La dernière phrase correspond au lancement de l’action typique, le chœur est dans la position du dramaturge dont il peut être le représentant symbolique sur scène : c’est une recherche littéraire au cœur du théâtre de Musset. Le chœur est aussi la représentation d’un personnage supérieur dominant la scène et la maitrisant.

   On a là une parodie héroïque comique du chœur car il présente un sujet vulgaire, les fantoches, par conséquent ils sont ridiculisés par le chœur. Dans cette même phrase, est annoncé le thème essentiel de la pièce entière et du drame romantique.

 

   2) La caricature des fantoches

 

   On remarque une apparente symétrie par laquelle sont présentés les personnages :

   « Doucement bercée sur sa mule fringante «, « durement cahotée sur son âne essoufflé «, cette symétrie est marquée par le rythme des phrases, ainsi que le même découpage de la scène en deux parties, cependant, malgré cette symétrie, les deux personnages sont en totale opposition, avec deux termes s’opposant : doucement, et durement, ainsi que fringante et essoufflée

 

   Blazius apparaît sous le mode de la dilatation : physique, il est tout en rondeurs, rondeurs qui enflent son discours «  la bouche pleine de façon de parler «. Il véhicule une image de bien-être, simple, d’abondance et de bonne chair, il apparaît sous l’égide  du dieu du vin Dionysos, visible dans la comparaison à une amphore antique «  pareil à une amphore antique « (l.5).

   A volonté de boire un verre de vin frais s’ajoute des images à connotations euphoriques suggérant le sommeil protégé par la petite enfance « poupon sur l’oreiller « « les yeux a demi- fermés « (l.2 et 3).

   On note aussi la naïveté  et la candeur des premiers apprentissages visible dans l’expression « l’écritoire au côté «.

   Tout se passe comme si l’allure générale de la silhouette commandait la description du personnage. On note  les champs lexicaux du positif « mule fringante «, « bluets fleuris « « vêtu de neuf «, et de la rondeur «  le ventre rebondi « « son triple menton «.

   La description de Blazius est gouvernée par des allitérations en « s « et des assonances en « o « et équivalent en « on « (met en valeur le caractère affable) : procèdent du sens ( ?)

 

   Le personnage de Pluche suggère la rétractation, sa description donne une image squelettique, agressive voire maladive « vous arrivez comme la fièvre «, « qui fait jaunir les bois «. De plus on remarque une opposition entre le vin et le vinaigre, ce qui permet l’opposition des personnages.

   Autre opposition, le discours de Blazius est abondant, tandis que celui de Pluche st sec, bref, agressif et hostile « sachez manant «, « canaille «, « vous êtes des butors et des malappris «. Il a un rythme haché et exprime la colère. Pluche est dépourvue de sensualité « vos faux cheveux sont couverts de poussière « « voila un toupet de gâté « et « votre chaste robe est soulevée jusqu'à vos vénérables jarretières « ; dans cette expression, on remarque l’association de la caricature grotesque et du ton sublime « vénérable «.

   Les sonorités beaucoup plus dures, les allitérations gutturales, les assonances en « u « et « ? « dénotent du caractère aigris et amer de Pluche. Les deux personnages sont des doubles négatifs l’un de l’autre :

   Ils portent tous les stigmates d’une dégradation : l’ascétisme sclérosant opposé à un hédonisme (amour de la vie) bien en chair.

 

   II) Les deux jeunes gens archétypes du sublime

 

 1) Un couple idéal :

 

   Dans la description qu’il fait  de Perdican, « il revient aujourd’hui même, la bouche toute pleine de façons de parler «, «  toute sa gracieuse personne est un livre d’or «, « il ne voit pas un brin d’herbe à terre, sans qu’il ne vous dise comment cela s’appelle en latin «, « c’est un diamant fin des pieds à la tête «, Blazius valorise l’étendue de la science du jeune homme, il l’appelle d’ailleurs « docteur « «  et qu’il est reçu docteur à Paris « .

   Blazius le matérialise par la métaphore du diamant « un diamant fin des pieds à la tête «, et a du mal à appréhender cette science (il n’arrive pas à la définir réellement « la bouche pleine de façons de parler si belles et si fleuries qu’on ne sait que lui répondre les trois quart du temps « : on constate donc la présence d’une isotopie de la parole, elle est verbe,  langage, comme le souligne la connaissance de la langue.

   On note le mode de la certitude et de l’enthousiasme quand à la science de Perdican. On sent dans le discours de Blazius une sorte d’admiration pour Perdican, admiration visible par le jeu d’accumulations, les corrélations à valeur intensives « si belle et si fleuri «, avec le si à valeur intensive.

   De plus, on note les expressions de la totalité qui renforcent l’idée de la suprématie « toute sa gracieuse personne «. Toujours dans le discours de Blazius, l’emploi du mode indicatif qui permet d’exclure tout doute, il fait des insertions pour donner de la valeur aux propos de Perdican : il fait l’analogie avec un dimant, la métaphore du bijou.

   L’image du bijou est le topo traditionnel quand à la valeur. Pour mettre en valeur l’immense connaissance de Perdican, Blazius utilise des images et l’on remarque à ce propos la réalité triviale des comparants marquant ainsi l’opposition enter Perdican et Blazius «  Toute sa gracieuse personne est un livre d’or « « si belles si fleuries «. La comparaison « des yeux grands comme la porte que voila « met en avant cette  trivialité du discours de Blazius (un diamant fin VS des pieds à la tête).

 

   Le grotesque et le sublime se côtoient : toutes les natures humaines sont présentes dans la pièce, conformément à ce que souhaitait Victor Hugo par le drame romantique (cf. : la préface de Cromwell).

 

   On note à la fin de la présentation une dissonance entre la mise en valeur de Perdican, le sublime, et le grotesque de Blazius qui ne parvient pas à descendre de sa mule de peur de se casser le cou.

 

   D’autre part, Camille comme toutes les jeunes filles de comédie est présenté par sa beauté (si s’oppose à la laideur de Pluche) : « la belle Camille «. On remarque que cette expression est une épithète homérique en rapprochement avec l’expression « Penelope la belle «. De plus, on note l’image pieuse et religieuse de la jeune fille comme le lui a enseigné dame Pluche qui « de ses mains osseuses, égratigne son chapelet « , à travers les expressions « : «  Dieu merci «  (l.4) « fleur de sagesse et de dévotion «, et la comparaison de l’ange et celle de l’agneau qui sont des figures de pureté et d’innocence religieuse : «  jamais il n’y a rien eu de si pur, de si ange, de si agneau et de si colombe  que cette chère nonnain «. L’intensif « si « permet de mettre en valeur Camille et  d’insister sur toutes ses qualités de pureté et de dévotion.

   D’autres part, on remarque que Pluche emploie trois appellations de Dieu : « Dieu «, « seigneur «, « dieu du ciel «.

 

   ON a donc ici deux jeunes gens chacun pleins de qualités et de talents capables de former un couple idéal.

 

 2) La préfiguration d’une union harmonieuse

 

   L’action commence par l’annonce de nouvelles de tailles : l’arrivée des 2 jeunes premiers, en conséquence, la supposition d’une union «  que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d’importance «, à travers cette expression Blazius créer un effet de surprise et d’attente, ce qui permet le lancement de l’action et la valorisation de Perdican.

   Dame Pluche annonce une raison différente du mariage pour justifier la venue de Camille, l’héritage « recueillir, comme faire se doit, le bon bien qu’elle a de sa mère «.

   Cependant, le fait que monseigneur  est demandé les deux jeunes premiers de venir le même jour avec la répétition du mot « aujourd’hui « le spectateur ne peut pas être ignorant du fait à venir. Les enjeux de l’exposition sont donc respectés : donner des informations qui vont permettre de comprendre la suite et de lancer l’action.

   Le principe de la comédie traditionnelle est le suivant : les deux jeunes gens s’aiment mais en sont empêchés. Ici, il y a un retournement de situation, le repas de fête annoncé, le mariage prévu ou évoqué, la pièce se renverse. Contrairement aux pièces appartenant à la comédie, Camille refusera le mariage, lieu aussi de tradition, de mariage de fête : le château.

 

  III) Vers la nouveauté, une représentation singulière du monde et de la parole théâtrale

 

   1) Un tableau en diptyque :

 

Un tableau en diptyque est mécanique, répétitif et symétrique dans un sens. Par exemple, dans cette scène d’exposition, les deux arrivées des deux personnages, les deux montures « mule « « âne «, les deux boissons « vin « « vinaigre + eau «, le Chœur commente l’arrivée des personnages dans les deux cas, le personnage annonce l’arrivée des élèves, le chœur propose aux personnages de se détendre, et enfin la sortie des deux personnages.

La structure est binaire avec deux fantoches et les deux premiers. A première vue, il n’y a aucun lien logique entre les deux entrées, le dramaturge crée un monde mécanique, pourvu de parallélismes.

Tout se passe comme si la parole peignait ( ?) l’inanité d’un monde mécanique où les êtres passent sans s’arrêter comme des pantins synchronisées et ridicules, chacun se présente avec ses certitudes, ils affirment leur vision simpliste et ignorante d’un monde mécanisé à l’extrême. Se sont des personnages fantoches qui apparaissent comme des types théâtraux, des marionnettes menées pas le Chœur. Tout se passe comme si le caractère littéraire du Chœur, dont le statut consiste traditionnellement  moins à participer à l’action qu’à la commenter, envahissait son discours et la scène au point d’entamer l’illusion comique : le mot  parole, ses possibilités, ses ambigüités venant se substituer à l’action quel crédit leur a porté (????? WHAT THE FREAK C QUOI CETTE PHRASE ??)

 

   2) Un dialogue de sourds :

 

   On assiste à un réel problème de communication entre les personnages, les deux personnages se croisent, mais ne se rencontrent pas, ce qui est révélateur de la suite de la pièce. Après le départ de Blazius qui s’en va boire arrive dame Pluche, il n’y a apparemment aucun lien entre les deux arrivées. La parole prime mais les contacts entre les deux personnages sont réduits à néant (annonce du théâtre absurde).

   Comme les entrées, l’enchaînement des répliques  est assez flou : ce qui a pour conséquence que Dame Pluche ne répond pas aux questions du Chœur « d’où venez-vous ? «. Les effets sont poussés jusqu’à la limite du dialogue de sourd, avec très peu de subordination et les jeux de la parataxe (lien logique entre les idées) renforcent cet effet. La parole prend toute la place mais c’est une parole exagérée pour la parole qui nie toute communication : «  nous avons vu naître «  (parole exagérée, inutile), se sont des paroles vides, artificielles.

 

   Conclusion :

 

   C’est une scène d’exposition avec la présentation des personnages et l’annonce d’une suite, détournée. Le drame romantique mélange du grotesque et du sublime et l’on note la place importante de la parole, au cœur du badinage amoureux et de la représentation théâtrale mais la parole en elle-même est vide de sens.

   Ouverture : la cantatrice chauve.

   Les jeux sur le mariage.

 

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