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Baruch Spinoza: Le droit peut-il être injuste ?

Publié le 09/03/2005

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spinoza
Plus on prendra de soin pour ravir aux hommes la liberté de la parole, plus obstinément ils résisteront, non pas les avides, les flatteurs et les autres hommes sans force morale, pour qui le salut suprême consiste à contempler des écus dans une cassette et à avoir le ventre trop rempli, mais ceux à qui une bonne éducation, la pureté des moeurs et la vertu donnent un peu de liberté. Les hommes sont ainsi faits qu'ils ne supportent rien plus malaisément que de voir les opinions qu'ils croient vraies tenues pour criminelles [...] ; par où il arrive qu'ils en viennent à détester les lois, à tout oser contre les magistrats, à juger non pas honteux, mais très beau, d'émouvoir des séditions pour une telle cause et de tenter n'importe quelle entreprise violente. Puis donc que telle est la nature humaine, il est évident que les lois concernant les opinions menacent non les criminels, mais les hommes de caractère indépendant, qu'elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les plus honnêtes, et qu'elles ne peuvent être maintenues en conséquence sans grand danger pour l'État.
spinoza

« ainsi la liberté civile, garantie par les lois.

À la manière de Hobbes, et un siècle avant Rousseau, Spinoza fondel'édification d'un État de droit sur l'idée de contrat social.

Les lois ont pour but de protéger les citoyens et degarantir leur liberté civile, comme si chacun d'eux avait effectivement souscrit un tel contrat en renonçant à saliberté naturelle.

Mais Spinoza avait exclu le renoncement à la liberté de penser, considérée par lui comme «inaliénable », même dans le cadre d'une théories du contrat social.Il aborde dans ce texte un autre aspect de la question et va, en un certain sens, plus loin encore.

Lorsqu'un État,par une loi abusive, même si c'est pour lui le moyen d'assurer sa propre conservation, ravit aux hommes leur libertéd'opinion, ce n'est pas à ses ennemis, nous dit-il, qu'il portera dommage, mais aux citoyens les plus honnêtes, lesplus respectueux des vertus civiles.

Une telle loi ne pourrait aboutir, en réalité, qu'à sa propre destruction.

Plus onprendra soin de leur ôter cette liberté, plus ces hommes-là résisteront à l'épreuve que constitue une telle privation.Aussi ce ne sont pas « les avides, les flatteurs et les autres hommes sans force morale » qui s 'opposeront à cettedécision injuste, car ces derniers, subjugués par la satisfaction de leur intérêt, chercheront à l'assouvir en tirantprofit d'une telle situation.

À l'opposé, ce seront ceux à qui « une bonne éducation, la pureté des moeurs et la vertu» donnent liberté du jugement et esprit critique qui se révolteront. Ce à quoi s'oppose cet extrait: Spinoza s'oppose à un auteur comme Machiavel qui, au XVI siècle, avait conseillé aux gouvernants, dans sonouvrage Le Prince, d'utiliser la censure si nécessaire.

Pour Machiavel, si la sécurité de l'État l'exige, le pouvoir sedoit d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour lutter contre ce qui le menace, y compris le contrôle de l'opinionet de la libre expression.Pour Spinoza, au contraire, l'État, en appliquant cette politique, arrivera au résultat inverse de celui qu'il cherche àobtenir.

Au lieu de contribuer à sa propre conservation, il fera naître les germes de la décomposition du lien social, lerefus du respect de la morale civique et le rejet de l'obéissance aux lois qu'il prescrit.

C'est pourquoi « il arrive qu'ils[les citoyens honnêtes] en viennent à détester les lois, à tout oser contre les magistrats.

» Ils jugent non plushonteux mais courageux et « très beau » d'organiser ou « d'émouvoir (c'est-à-dire ici, de mettre en marche) desséditions (révoltes) », pour une telle cause, et de tenter n'importe quelle entreprise violente.Ainsi l'État aura suscité sa propre déchéance en préparant le terrain pour la guerre civile, qui en constitue la maladiela plus grave, et en conduisant à sa propre mort, l'état d'anarchie.

C'est pourquoi on peut conclure que la libertéd'opinion est « inaliénable », c'est-à-dire qu'elle ne peut être enlevée aux hommes sous aucun prétexte, sans quoice seront les hommes de bien et non les criminels qui en souffriront, c'est-à-dire en définitive les forces vives del'État tout entier.

SPINOZA (Baruch). Né à Amsterdam en 1632, mort à La Haye en 1677. Il apprit l'hébreu, le latin, le français dans les écoles juives et latines, et travailla dans la maison de commercefamiliale.

Accusé d' « effroyables hérésies », Spinoza échappa de peu à un assassinat en 1656, et fut excommuniéde la synagogue la même année.

Il apprit la taille des instruments d'optique, vendit des verres télescopes pourvivre, et s'initia à la philosophie de Descartes.

Il constitua un cercle d'études près de Leyde, travailla intensémentde 1663 à 1670, et acquit une réputation considérable.

En 1670, il s'installa à La Haye, partageant sa vie entre laméditation philosophique et la taille des verres pour microscopes.

Il fut chargé en 1673 d'une mission secrète auprèsdu prince de Condé et du maréchal de Luxembourg.

Sa position devint ensuite de plus en plus difficile.

Il se rendit àAmsterdam, mais renonça à s'y établir.

En 1676, il reçut de nombreuses visites de Leibniz, qui niera plus tard l'avoirrencontré.

Malade, il mit de l'ordre dans ses manuscrits, en brûla peut-être.

Il mourut paisiblement et fut enterrédans la fosse commune.

Un don anonyme permit la publication intégrale (le ses manuscrits.

— Il professa un grandlibéralisme en politique et se montra rationaliste dans les questions religieuses.

Malgré un certain nombre d'ouvrages,on peut dire que Spinoza fut l'homme d'un seul livre : l'Ethique.

Le caractère géométrique de ce livre permet dedéfinir la pensée métaphysique de Spinoza à l'aide de ses propres définitions : « Par cause de soi, j entends ce dontl'essence enveloppe l'existence, autrement dit ce dont la nature ne peut être conçue qu'existante.

— Parsubstance, j'entends ce qui est eu soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont.

le concept n'a pas besoin duconcept d'une autre chose pour être formé.

— Par attribut, j'entends ce que l'entendement perçoit de la substancecomme constituant son essence.

— Par mode, j'entends les affections de la substance, autrement dit ce qui est enautre chose, par quoi il est aussi conçu.

— Par Dieu, j'entends un être absolument infini, c'est-à-dire une substanceconsistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.

— Est dite libre la chosequi existe d'après la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir.

— Par éternité, j'entendsl'existence elle-même, en tant qu'elle est conçue comme suivant nécessairement de la seule définition d'une choseéternelle.

— D'une cause déterminée donnée, suit nécessairement un effet.

— Par corps, j'entends un mode quiexprime, d'une façon définie et déterminée, l'essence de Dieu en tant qu'elle est considérée comme chose étendue.— Par idée, j'entends un concept de l'esprit que l'esprit forme parce qu'il est une chose pensante.

— La durée est la. »

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