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Bergson et la pure durée

Publié le 18/04/2005

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bergson
La pure durée pourrait bien n'être qu'une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contour précis, sans aucune tendance à s'extérioriser les uns par rapport aux autres, sans aucune parenté avec le nombre: ce serait l'hétérogénéité pure. Bergson
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« et divisible, c'est à l'espace parcouru que l'on pense, comme si on pouvait le confondre avec le mouvementlui-même.

»C'est à cette confusion entre le mouvement et l'espace qu'on doit, selon Bergson, le fameux paradoxe deZénon.

Ce dernier affirmait qu'Achille, le plus rapide des Grecs, ne pourrait rattraper la tortue si celle-cidisposait d'une certaine avance, car il devrait sans cesse parcourir la moitié de l'intervalle qui le sépareraitde la tortue.

Autrement dit, l'écart entre deux mobiles est irréductible car, si petit que soit l'écart, on peuttoujours en trouver un plus petit.

Or, l'intuition sensible montre qu'Achille rejoindrait sans difficulté la tortue,tout simplement parce que sa course, au lieu d'être arbitrairement divisible comme l'espace, n'est en réalitédivisée que selon les foulées successives.Le sophisme de Zénon repose donc sur la décomposition arbitraire du mouvement et sur la confusion dumouvement d'un mobile avec les positions successives de ce mobile à chaque point de sa trajectoire.

Or,ces positions en des points immobiles représentent autant d'immobilités et, comme telles, ne sauraientcomposer le mouvement.

Autrement dit, à moins qu'il ne s'arrête en un point de son trajet, c'est toujoursd'un seul bond qu'un mobile effectue sa course.

Tout mouvement continu, comme le temps, est doncindivisible.

Qu'en est-il du vrai temps ?« Si je veux me préparer un verre d'eau sucrée, j'ai beau faire, je dois attendre que le sucre fonde.

Ce petitfait est gros d'enseignement.

Car le temps que j'ai à attendre n'est plus ce temps mathématique quis'appliquerait aussi bien le long de l'histoire entière du monde matériel, lors même qu'elle serait étalée toutd'un coup dans l'espace.

Il coïncide avec mon impatience, c'est-à-dire avec une certaine portion de durée àmoi, qui n'est pas allongeable ni rétrécissable à volonté.

Ce n'est plus du pensé, c'est du vécu.

Ce n'est plusune relation, c'est de l'absolu.

»Dans la conscience de l'attente, nous éprouvons dans le temps ce quelque chose d'absolu qui n'est niextensible ni rétrécissable, quelque chose qui n'a rien à voir avec le temps des scientifiques.

Pour distinguerle temps ainsi éprouvé dans l'expérience intérieure du temps spatialisé dont se satisfait la pensée courante,fût-elle scientifique ou même philosophique, Bergson le désigne souvent par le mot « durée ».Dire que « la durée est hétérogénéité pure », cela signifie que le vrai temps ne s'écoule pas toujourssemblablement à lui-même, qu'il n'est pas quantifiable, qu'il n'est pas une simple juxtaposition d'instants,c'est-à-dire une succession linéaire de points qui sont extérieurs les uns aux autres, qui se distinguent lesuns des autres.

Le vrai temps se confond avec le cours de la vie consciente, c'est-à-dire avec ce fluxd'éléments hétérogènes qui s'interpénètrent, qui fusionnent les uns avec les autres. Il est vrai que, le plus souvent, nous appréhendons la vie de notre conscience comme une successiond'états de conscience qui se distinguent.

Nous ne percevons la mobilité de notre conscience que lorsqu'unnouvel état est venu se substituer à l'ancien : le 'sentiment de joie, par exemple, à celui de tristesse.

Or,chaque état de conscience varie insensiblement à chaque instant et ne peut être séparé de celui quiprécède et qui suit.

C'est, en particulier, parce que le présent est lié au passé et au futur par la mémoire etl'imagination.

Pourquoi, alors, la durée qu'incarne notre vie consciente nous échappe-t-elle ? Toutsimplement parce que notre vie intérieure nous apparaît comme un prisme « dont une face est espace, etdont l'autre est langage ». La durée originelle nous apparaît comme réfractée à travers le langage, qui est une juxtaposition de mots, età travers l'image qui nous est familière d'un temps homogène composé d'une succession d'instants, c'est-à-dire d'un temps spatialisé qui ne conserve de la durée que la succession.

Que faudrait-il faire pourappréhender cette durée ? Ne point l'exprimer dans et par les mots, renoncer à analyser, c'est-à-dire àséparer ce qui est donné uni dans le concret.La durée pure est vie.

Or, ce qui caractérise la vie, c'est qu'elle est un progrès, c'est-à-dire ce qui esttoujours en train de se faire.

Une telle continuité de création, dont les phases s'interpénètrent par uneespèce de croissance intérieure, est comparable à l'organisation mélodique d'une phrase musicale.

Si lesnotes d'une mélodie se succèdent, nous les percevons néanmoins les unes dans les autres, comme dans unêtre vivant dont les parties, quoique distinctes, se pénètrent par l'effet même de leur solidarité.

La preuveen est que « si nous rompons la mesure en insistant plus que de raison sur une note de la mélodie, ce n'estpas sa longueur exagérée, en tant que longueur, qui nous avertira de notre faute, mais le changementqualitatif apporté par là à l'ensemble de la phrase musicale ».On pourrait donc concevoir la durée pure comme la durée sans la distinction, comme « une pénétrationmutuelle, une solidarité, une organisation intime d'éléments dont chacun, représentatif du tout, ne s'endistingue et ne s'en isole que pour une pensée capable d'abstraire ».

Tel est le sens de la citation : « Lapure durée...

ce serait l'hétérogénéité pure.

»Il est vrai que la représentation spatiale d'un temps homogène, mesurable, élimine la durée concrète,vivante.

Les instants sont divisés, dissociés les uns des autres, et donc immobilisés.

Néanmoins, la mesuredu temps est une nécessité pratique et même psychique.

Elle permet de fixer des repères ; elle constitue uncadre social de la mémoire.

Si le temps des horloges n'existait pas, les hommes ne pourraient s'accorderentre eux ni sur les points de division,ni sur la longueur des intervalles choisis comme unités de temps; car ce qui caractérise la durée vécue, c'estqu'elle varie d'une conscience à une autre.

En outre, sans cette représentation abstraite d'un tempsspatialisé, nous n'accéderions même pas à la conscience du temps.

Il suffit, pour s'en convaincre, d'observerl'enfant qui ne sait pas lire l'heure : il n'a pas conscience de son vécu comme temporalité.

Autrement dit,c'est par opposition au temps des horloges, temps extérieur et uniforme, qu'on prend conscience de la durée. »

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