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Berkeley: le libre usage de la raison

Publié le 27/02/2008

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Si nous prenons la peine de plonger et de pénétrer au fond des choses, d'analyser les opinions jusqu'à leurs premiers principes, nous trouverons que les opinions qui passent pour avoir le plus d'importance sont des plus ténues à l'origine. Elles dérivent soit des usages qui se trouvent régner au pays où nous vivons, soit des premières notions qu'on a insinuées dans notre esprit encore tendre avant que nous fussions capables de discerner le bien et le mal, le vrai et le faux. Le vulgaire (j'entends par là tous ceux qui ne font pas un libre usage de leur raison) est porté à prendre ces préjugés pour des choses sacrées et indiscutables. Il croit qu'elles ont été imprimées au coeur de l'homme par Dieu lui-même, ou apportées du ciel par la Révélation, ou qu'elles portent en elles assez de lumière et d'évidence pour forcer l'assentiment sans recherche et sans examen. Ainsi la multitude bornée des hommes ont la tête farcie d'un ramassis de conceptions, de principes et de doctrines en religion, en morale et en politique, qu'ils soutiennent avec un zèle proportionné à leur manque de raison. Au contraire, ceux qui emploient comme il faut leurs talents à la recherche de la vérité, prennent spécialement soin de sarcler leur esprit, et d'en arracher toutes les notions et tous les préjugés qu'on a pu y planter avant qu'ils fussent parvenus au libre et entier usage de leur raison. BERKELEY

•    Définitions : leurs premiers principes : leurs origines un libre usage de leur raison : un usage critique.

•    Il conviendrait de rapprocher ce texte de la pensée de Descartes qui se fonde sur une défiance générale à l'égard de tout ce qui lui a été enseigné : cf. Discours de la méthode, ire partie. Cf. aussi, Règles pour la direction de l'esprit : « Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connuss évidemment telle. «

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« Le vulgaire défini par la valeur qu'il accorde à ces principes II.

Définition du vulgaire1.

« ne font pas un libre usage de leur raison » : c'est l'idée cartésienne que l'entendement peut très bienne jamais sortir de son enfance.

Ainsi il est toujours possible de vivre sans philosopher et c'est même ce que font laplupart des gens.

Mais il est significatif que Berkeley n'emploie pas ici le terme de philosophie mais de libre usage dela raison.

C'est que ce qui s'oppose au vulgaire pour Berkeley ce sera moins la philosophie en général qu'une certainesorte de philosophie, celle qui suppose précisément doute et rupture méthodiques avec le sens commun, autrementdit le rationalisme cartésien.

Manifestation du vulgaire2.

« prendre ces préjugés pour des choses sacrées et indiscutables » : c'est l'intolérance du vulgaire qui secontente de ce qu'il a.

Le préjugé est selon le Discours de la méthode un jugement tenu pour vrai sous l'empire de la prévention, c'est-à-dire la persistance dans notre pensée de jugements irréfléchis que nous avons portés sur leschoses au cours de notre enfance, et qui s'imposent actuellement à nous comme si nous les avions démontrés.

Ducoup la tendance inhérente à tout préjugé consiste à assimiler remise en cause du préjugé et remise en cause desoi-même.

Motivations du vulgaire3.

Cette remise en cause de soi-même est immédiatement assimilée à une remise en cause de Dieu, ce quirend compte de l'intolérance du vulgaire : « il croit qu'elles ont été imprimées au cœur de l'homme par Dieu lui-même ».

On retrouve ici de manière condensée la critique que fait Locke des idées innées au Livre I de l'Essai sur l'entendement humain , qui explique que si le vulgaire croit en de telles idées, c'est parce que ses maîtres 1) ont assimilé l'évidence de certains principes à leur présence originelle dans l'esprit humain, 2) ont conçu que cetteassimilation leur permettrait d'inculquer des dogmes sans que ceux-ci ne puissent être remis en cause.Du coup il faut refuser tout critère de vérité : 1) La lumière surnaturelle : « apportées du ciel par la Révélation ». 2) La lumière naturelle : « elles portent en elles assez de lumière et d'évidence » La foi et l'intuition sont disqualifiées au même titre que les idées innées.

Transition : apparaît à ce stade une première tension entre la vérité et son critère subjectif : même révélée la vériténe devrait être admise que par un assentiment produit par l'évidence, assentiment qui n'est donc pas le propre d'unsens commun ou d'un état initial du savoir.

Qu'est-ce qui permet à la philosophie moderne de dépasser cettepremière tension ? Conséquences : l'opposition entre deux usages de la raison III.

Usage non libre = absence d'usage1.

La disqualification est aggravée par le résultat que l'on peut attendre du vulgaire, et le diagnostic quiest porté à son sujet.

Le vulgaire n'est que « multitude bornée » : l'assentiment universel à certaines opinions esten fait le résultat du fait que le vulgaire ne fait que ressasser les principes qu'on lui a appris de telle manière,précisément, à ce qu'ils ne les remettent pas en cause.

Ce diagnostic est exprimé avec une image qui peut faire penser à Rabelais : « tête farcie deconceptions, de principes et de doctrines en religion, morale et en politique » : par quoi l'on voit la viséeessentiellement émancipatrice de la philosophie moderne.

Tout cela ne s'explique finalement que par un « manque de raison » : le seul usage de la raison étantalors conçu comme usage libre.

Mais si usage non libre = pas d'usage alors comment dire encore que le bon sens estchose du monde la mieux partagée ? N'est-ce pas s'enfermer dans un fatalisme stérile reconnaissant que lesopinions du vulgaire ne peuvent être réformée ? Conséquence : il n'y a d'usage de la raison que libre2.

C'est pour le moins ce que suggère l'opposition marquée (« au contraire ») entre le vulgaire et « ceuxqui emploient comme il faut leurs talents à la recherche de la vérité ».

Mais cette opposition suggère déjà l'idée queces derniers ne retrouveront jamais les critères d'une quelconque vérité, critères qui se trouvent désormais situésdu côté de « l'assentiment forcé ».

Tout se passe comme si l'opposition entre non usage de la raison et usage librese réduisait à une opposition entre assentiment sans recherche et recherche sans assentiment, donc sans terme.

Signification : l'injonction métaphorique3.

L'image de l'esprit qu'on doit prendre soin de « sarcler » est révélatrice de l'ambiguïté du doutehyperbolique.

L'idée consiste à arracher les préjugés d'un esprit comme on arrache les mauvaises herbes d'unchamp.

Mais ici, on a l'impression que finalement tout est mauvaise herbe : « en arracher toutes les notions et tousles préjugés ».

Ainsi la philosophie moderne n'aurait qu'une partie destructrice, car on voit mal ce qui resterait àrécolter.

Si l'usage de la raison est dit libre, c'est sans doute finalement à la manière de la fantaisie, du moins à la. »

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