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BRETTON WOODS

Publié le 22/02/2012

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Dès 1941, les États-Unis et le Royaume-Uni entreprennent de jeter les bases d'un nouvel ordre international devant éviter le retour des désordres monétaires, des dévaluations compétitives et des crises économiques et sociales - notamment la crise de 1929 - qui ont marqué les années 1930 et fortement contribué au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Au nom de leurs gouvernements respectifs, un économiste anglais de renom, John Maynard Keynes (1883-1946), et un haut fonctionnaire du Trésor américain, Harry White, commencèrent chacun à diffuser leur projet de réforme monétaire internationale. L'un et l'autre prônaient le retour à la stabilité des changes et à la convertibilité des monnaies, et préconisaient la création d'organisations internationales pour assurer la multilatéralisation des échanges, la coopération monétaire et le contrôle des mouvements internationaux de capitaux. Pour le reste, les deux plans étaient en opposition, qu'il s'agît du système de financement ou bien du mode d'ajustement. Londres souhaitait relancer l'activité économique du pays et des autres États européens épuisés par la guerre. Le Royaume-Uni préconisait la création d'une Banque supranationale qui aurait émis une monnaie (le « bancor ») en fonction des besoins réels du commerce international courant, la mise en place d'un système de financement qui aurait fourni des liquidités internationales aux pays déficitaires, des mécanismes d'ajustement qui auraient amené les pays excédentaires à réduire leurs surplus commerciaux et leurs excédents financiers. Pour Washington, la priorité était de relancer le commerce mondial, de rétablir le libre-échange et d'assurer la stabilité du système monétaire international (SMI). Le plan Keynes paraît trop expansionniste et porteur d'inflation, trop interventionniste et favorable aux pays déficitaires. Les États-Unis préconisent, au contraire, de rigoureuses politiques de stabilisation, le retour à l'étalon-or sous la forme d'un « étalon-dollar », la mise en place d'un système monétaire international sans droit de tirage inconditionnel de liquidités, avec des changements de parité admis seulement à titre exceptionnel et transitoire. Pendant toute l'année 1943, un compromis est recherché entre les deux plans. Lorsque la Conférence monétaire et financière des Nations unies se réunit à Bretton Woods (États-Unis), le 1er juillet 1944, le plan White l'a déjà emporté. Les États-Unis détiennent alors les deux tiers des réserves mondiales d'or, ils fournissent les pays européens en armement et financent leur effort de guerre, et le Royaume-Uni doit s'incliner. Les vocations respectives du FMI et de la Banque mondiale. Le 22 juillet 1944, les 44 pays participant à la Conférence de Bretton Woods se séparent après avoir arrêté les objectifs et les statuts de deux nouvelles institutions : le Fonds monétaire international (FMI), la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD, appelée plus tard la « Banque mondiale »). Le FMI a pour objectif d'améliorer la stabilité des taux de changes, d'établir un système multilatéral de règlement des transactions courantes, de mettre à la disposition des États, pour une période limitée, les ressources financières leur permettant de résoudre des difficultés conjoncturelles dans l'équilibre de leur balance des paiements. Un système de parités fixes est établi autour du dollar, seule monnaie entièrement convertible en or à un cours fixe (35 dollars l'once). Les États membres doivent communiquer au FMI une parité centrale pour leur monnaie et s'engager à maintenir le cours à l'intérieur d'une marge de fluctuation étroite (à 1 % autour de la parité déclarée). Toute modification de parité nécessitera l'accord préalable du Fonds. Les États membres devront effectuer des versements en or ou en devises (pour au moins 25 %), le solde en monnaie nationale. La définition de leurs quotas détermine à la fois le montant des tirages autorisés en cas de besoin et le nombre de voix dont ils disposent dans le système de prise de décision. Alors que les négociations sur le projet de Fonds monétaire avaient occupé l'essentiel de la conférence, la création de la BIRD est décidée assez rapidement, un peu par surprise, beaucoup sous l'influence de J. M. Keynes. L'institution est conçue pour aider au financement des projets d'investissement dans les pays pauvres et à la reconstruction des infrastructures dans les États ruinés par la guerre. La Banque mondiale doit agir essentiellement comme un intermédiaire financier accordant des prêts à moyen et long terme, financés par des emprunts levés sur le marché des capitaux, et veiller, par conséquent, à la rentabilité des projets financés. Il apparaît rapidement que la Banque n'a pas les ressources suffisantes pour sortir l'Europe de son marasme économique et que le FMI ne peut pas répondre aux besoins de ces pays dont la balance des paiements est déficitaire. Les États-Unis, avec le plan Marshall, se substituent aux deux institutions de Bretton Woods en apportant, entre 1948 et 1952, 13,6 milliards de dollars à l'Europe occidentale à la fois sous forme de dons et de prêts. Avec la création de la Société financière internationale (SFI) au milieu des années 1950, puis de l'Association internationale de développement (AID) en 1960, le groupe de la Banque mondiale se consacre essentiellement au financement des projets de développement dans les pays du tiers monde. Découplage avec les problématiques de l'ONU. Parallèlement à la création des deux grandes instances, les États-Unis oeuvrent à l'établissement d'une organisation politique universelle. Le président Franklin D. Roosevelt (1932-1945) considère l'entreprise comme « le couronnement de toute sa vie ». L'obstination du département d'État fut déterminante dans la création de l'Organisation des Nations unies (ONU), avant même la fin des hostilités. Très vite, la prolifération institutionnelle à l'intérieur de la « famille des Nations unies » rend illusoire toute tentative de rationalisation des activités opérationnelles dans le secteur économique et social. L'ensemble du système mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale a été conçu pour rendre impossible la prise en considération simultanée des questions politiques, financières, commerciales, économiques et sociales dont l'interdépendance est pourtant évidente. Les compétences sont réparties entre de multiples institutions, plus ou moins spécialisées, revendiquant toutes leur autonomie. Lorsque, au temps des indépendances, les pays du tiers monde intègrent en masse l'ONU et font en sorte que l'essentiel des ressources en hommes et en moyens soit consacré aux questions de développement, ils cherchent également à utiliser leur nombre à l'Assemblée générale pour faire de cette organisation l'instrument de leurs revendications. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), créée en 1964, puis un programme de « négociations globales » soumis à l'Assemblée générale (1974-1981) devaient jeter les bases d'un Nouvel ordre économique international (NOEI) plus favorable aux pays en développement (PED). Un semblant de dialogue Nord-Sud parut s'établir à l'ONU à l'occasion du premier choc pétrolier en 1973, interrompu dès lors que le retournement du cours des matières premières aura rassuré les pays occidentaux sur leurs approvisionnements. L'ONU comme " filet de sécurité ". Paradoxalement, c'est au moment où les pays en développement contestent le fonctionnement inégalitaire des institutions de Bretton Woods, et où s'écroule le système qu'elles étaient censées garantir, qu'elles acquièrent leur pouvoir et leur autorité au détriment de toute l'organisation onusienne. En effet, au milieu des années 1960, après vingt ans de stabilité, le système de Bretton Woods commence à donner ses premiers signes de faiblesse. Malgré les tentatives de sauvetage (amendement des statuts du FMI et création d'un système de financement fondé sur les droits de tirage spéciaux - DTS) entre 1969 et 1975, la suspension de la convertibilité du dollar en or décidée par les États-Unis en août 1971, puis une nouvelle dévaluation du dollar en février 1973 entraînent le démantèlement du système de parités fixes et l'effondrement de l'ordre mis en place à l'après-guerre. Jusque-là, le Fonds monétaire et la Banque mondiale avaient bénéficié de moyens financiers et d'une autorité politique restreints. En concentrant l'essentiel de leur activité sur les plans d'ajustement structurel des économies des pays du Sud et sur le traitement de la crise de la dette, ces deux institutions trouvent bientôt une vocation nouvelle, devenant les « gendarmes du tiers monde ». Dans le même temps, toutes les instances onusiennes où le tiers monde peut bénéficier du principe de l'égalité des voix sont progressivement vidées de leur substance. À partir du début des années 1980, la suprématie des organisations de Bretton Woods sur l'ensemble des institutions onusiennes a instauré une sorte de division du travail : au FMI et à la Banque mondiale le soin de définir les termes de l'ajustement structurel et les modalités du traitement de la dette dans les pays en développement ; aux différents programmes et agences de l'ONU (en particulier le Programme des Nations unies pour le développement - PNUD) le soin de pallier les effets les plus nocifs de ces potions amères. Marie-Claude SMOUTS

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