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LA BRUYÈRE ET FÈNELON

Publié le 31/05/2012

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La Bruyère a mis son oeuvre sous le couvert des anciens, en faisant

précéder ses Caracteres d'une traduction de ceux de Théophraste.

Mais elle a des origines plus moderqes et tout immédiates.

Rappelons-nous le goùt de la société polie pour les maximes, d'où

était sorti le livre de La Rochefoucauld : et rappelons le goùt de

la même société pour les portraits, d'où était sorti le Recueil de

Mademoiselle en 1659, et qui, dans les romans ou comédies, et

jusque dans les sermons du siècle, mit tant de descriptions de

caractères individuels. Maximes et portraits sont une sensible

manifestation du goût du siècle pour l'exacte vérité : ce sont deux

genres faits pour la notation précise de la réalité, d'où l'invention

romanesque, dramatique, poétique est exclue, où l'art littéraire

s'approche autant qu'il est possible de l'expression scientifique.

« être précepteur du duc de Bourbon, à qui il enseigna l'histoire, la géographie, la littérature et la philosophie.

Cette éducation terminée, La Bruyère resta dans la maison comme gentilhomme de .M.

le Duc.

C'était une terrible race que ces Condé; ils n'étaient pas facile:; à vivre.

Le grand Condé, avec sa face d'oiseau de proie ct son âme de bandit féodal, avait des emportements qui faisaient trembler : encore savait-il en réparer l'effet par l'irrésistible enve­ loppement d'une délicate séduction .

.Mais le duc d'Enghien, son fils, était « Je fléau de son plus intime domestique "; et son petit­ fils le duc de Bourbon, violent, hautain, avarè, injuste, était un maître détestable et détesté : il était brutalement mystificateur, et prenait pour plastron les gens de son entourage.

Dieu sait ce qu'endura cet inoffensif et original Santeuil par la faveur de l\1.

le Duc! Mais ces Condé avaient tous quelque chose de supérieur dans l'esprit; ils avaient de vastes connaissances, un goût exquis; ils aimaient le talent sous toutes ses formes.

J'imagine qu'ils ren­ dirent la Yie dure à La Bruyère, et qu'en même temps ils lui firent trouver impossible de vivre ailleurs.

Surtout quel théâtre, quel champ d'observations que cet hôtel de Condé, que ce Chantilly, où tout cc qui comptait en France défilait devant les yeux du phi­ losophe et du peintre! Si sa bonne fortune ne l'eût placé dans ce poste, La Bruyère n'aurait sans doute pas fait son livre.

Les principaux éléments lui eussent manqué pour représenter les caractères et pour juger l'organisation de la société contempo­ raine.

Et se fût-il reconnu lui-même; son humeur se serait-elle affirmée dans son livre par une si originale amertume, s'il ne se fût éprouvé au contact de ces princes? La Bruyère est un bourgeois de Paris : un libre esprit, sans pré­ jugé de caste ni respect traditionnel, très peu révolutionnaire, mais satirique et frondeur, peu porté â l'indulgence envers les puissants et les puissances : un esprit indépendant, ayant horreur de tous les engagements, qui, pour ne pas diminuer sa libe1·té, a renoncé à tous les biens, à la fortune, aux emplois, mèmc à la famille; car une femme, des enfants, rendent le renoncement difficile : a-t-on le droit de se passer de tout pour eux, comme pour soi? C'est donc un philosophe que La Bruyère: mais à voir la fière et ombrar;euse sensibilité qui perec dans son livre, on se demande s'il est aussi détaché qu'il veut l'être.

Il a renoncé à tout, au prix où tout s'obtenait: par flatterie, bassesse, intrigue.

!\lais il en veut aux grands, de mettre la fortune à ce prix.

Il souffre de voir son mérite sans emploi : il y a en lui un ambitieux honnête, qui s'irrite d'être contraint de faire à son honneur le sacrifice de son ambi-. »

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