Devoir de Philosophie

campagnes, histoire des 1 PRÉSENTATION campagnes, histoire des, histoire de l'espace rural, par opposition à l'histoire des villes.

Publié le 15/04/2013

Extrait du document

histoire
campagnes, histoire des 1 PRÉSENTATION campagnes, histoire des, histoire de l'espace rural, par opposition à l'histoire des villes. Sans avoir été le siège des gouvernements ni un lieu décisionnaire d'importance, les campagnes ont occupé une place particulière et non négligeable dans l'histoire de l'humanité : pendant des millénaires, elles ont abrité la majeure partie de la population et produit l'essentiel des richesses de la société occidentale. 2 DES PREMIÈRES CAMPAGNES À LA VILLA ROMAINE 2.1 Une invention révolutionnaire : l'agriculture Après une longue période durant laquelle les activités des hommes ont été dominées par la chasse et la cueillette -- c'est-à-dire par l'itinérance et la complète dépendance des ressources offertes par la nature --, l'invention de l'agriculture entre le huitième et le cinquième millénaire avant notre ère a définitivement bouleversé la destinée de la civilisation humaine : elle a profondément modifié le cours de l'histoire et a imposé, pour plusieurs millénaires, la figure du paysan comme personnage principal de la civilisation occidentale. Avec l'agriculture, l'homme n'invente pas seulement un moyen de travailler la terre, de semer et de récolter, il crée également un nouveau rapport à l'espace, au temps et à la société. Désormais sédentarisés, les nouveaux paysans, abandonnant l'habit du chasseur et du cueilleur, se regroupent progressivement et créent le village. La révolution néolithique est en effet marquée par l'association de l'agriculture-élevage et du village. Les hommes développent alors une céramique originale qui donne son nom à leur culture dite « rubanée «, indiquant une volonté de stockage et marquant une différence profonde avec les sociétés nomades. De longues maisons se construisent, de forme rectangulaire, qui protègent les familles, les animaux et surtout le grain (essentiellement du blé). Le mouton est domestiqué et concurrence dorénavant les autres formes d'acquisition de nourriture carnée, même si la chasse ne disparaît pas. Signe des limites d'une agriculture encore peu productive, le village regroupe une population relativement faible, totalisant moins de deux cents habitants. 2.2 Une nouvelle société rurale émerge du développement de la métallurgie En introduisant une plus grande diversité professionnelle, les découvertes de la métallurgie du bronze (vers 2000 av. J.-C.) puis du fer (vers 750 av. J.-C.) changent le paysage social des villages. Si l'agriculteur reste le personnage le plus courant, il doit dorénavant tenir compte de l'arrivée de l'artisan et du commerçant. Un trafic commercial et des échanges culturels de première importance prennent bientôt place sur les pourtours méditerranéens. Les hommes acquièrent la maîtrise du cheval et savent désormais tirer du lait des vaches et le conserver sous la forme de fromage. Tous ces progrès s'accumulent et constituent, progressivement, une civilisation prospère. En pénétrant en Gaule à la tête de ses armées en 58 av. J.-C., Jules César découvre un pays riche, animé, aux villages placés aux carrefours commerciaux ou sur les sommets, protégés des invasions (oppidum). 2.3 La villa romaine L'implantation romaine apporte une nouveauté dans le paysage rural : la villa. À côté de l'habitat groupé qui dominait auparavant, s'érigent en effet des habitations beaucoup plus vastes, à vocation essentiellement agricole. Elles comportent plusieurs pièces spécialisées, dédiées aux tâches agricoles, au logement du maître et des ouvriers, à la protection des instruments et des récoltes. La villa, qui se dote souvent d'une cour centrale agrémentée de colonnades (péristyle), est le signe d'une romanisation des campagnes. Le cadastre mis au point par l'envahisseur lui permet d'offrir à ses vétérans les plus belles terres, juste récompense de vingt-cinq années de services et moyen privilégié d'imposer sa marque culturelle, politique et économique sur les terres conquises. Outil fiscal de premier ordre, le cadastre quadrille l'espace, au sens propre comme au sens figuré. Cela n'empêche pas les populations locales de résister au processus de romanisation : elles conservent bien des aspects de leur culture antérieure ou adaptent les nouveautés romaines à leurs réalités, que ce soit dans le domaine de la langue, des modes de vie ou des croyances. 3 LES CAMPAGNES MÉDIÉVALES La chute de l'Empire romain au Ve siècle apr. J.-C. laisse place à une période de troubles suscités par des mouvements de populations venus de l'est qui convergent par vagues successives en Europe occidentale (tels les peuples germaniques, les Slaves, Arabes, Vikings, Hongrois ; voir Grandes Invasions). Ces temps agités et mal connus sont le prélude à trois siècles de croissance (de l'an mil à 1348) qui cèdent le pas, à partir du 3.1 Les VIe XIVe siècle, aux misères de la guerre et des fléaux naturels. Fluctuation de la condition rurale : crise, croissance, crise et VIIe siècles correspondent à une période sombre. Aux désordres militaires s'ajoute la fragilité des hommes, peu nombreux, travaillant le sol sans grande efficacité, et par conséquent mal nourris. Les caprices de la nature sont durement ressentis ; froid, famines, épidémies sont monnaie courante. L'époque carolingienne (VIIIe-Xe siècle) n'est guère plus souriante, même si certaines évolutions positives se dessinent, notamment à travers une progression, lente et tardive, des rendements agricoles. L'amélioration des labours en est sans doute la cause, malgré une atmosphère générale de grande rigidité de l'ordre social et des mentalités. À partir du XIe siècle, les campagnes médiévales semblent se débloquer : autrefois recroquevillés sur des terres et des conceptions immobiles, les paysans se font désormais conquérants. À la force du bras, ils s'emparent des terres jusqu'alors négligées, les meilleures d'abord puis les moins rentables. L'importance des défrichements s'explique sans doute par la croissance de la population, véritable aiguillon de la croissance économique qui est alors essentiellement agricole : entre la publication du Domesday Book en 1086 et l'avènement d'Édouard III en 1327, la population anglaise aurait triplé. L'extension des terres cultivées n'est pas seule en cause dans ce succès. L'optimisation de la rotation triennale des cultures, mais également l'amélioration de l'outillage, où le métal supplante le bois et crée le métier de maréchal-ferrant, ont contribué à l'amélioration des rendements. Les hommes, mieux nourris, plus nombreux, semblent alors prendre leur revanche sur une nature qui les dominait jusqu'alors. Pourtant, cette éclaircie longue de plus de trois siècles s'achève brutalement. Épidémie fulgurante en provenance de la mer Noire, la Grande Peste apparaît en 1348 dans le port de Marseille, et se diffuse bientôt dans toute l'Europe. Après avoir décimé les populations, la peste s'installe de façon endémique et sape périodiquement la démographie européenne. En parallèle, l'Europe s'embrase militairement ; la guerre de Cent Ans, qui oppose l'Angleterre et la France, n'en est que l'illustration la plus longue et la plus célèbre. Les campagnes européennes, inégalement frappées par ces deux fléaux, sombrent alors dans un marasme économique, démographique et agricole. Les terres conquises sont laissées à l'abandon, les villages reculent, l'insécurité gagne... et la peur avec elle. 3.2 Seigneurs et paysans L'histoire des rapports sociaux dans les campagnes coïncide avec cette chronologie ternaire du Moyen Âge. Dans la déroute du pouvoir impérial de Rome, des pouvoirs alternatifs se mettent en effet en place, utilisant l'unité d'exploitation que représente la villa et le vaste domaine qui l'entoure. Des relations de sujétion -- le clientélisme -- existaient déjà entre le propriétaire et sa main-d'oeuvre d'esclaves ou d'affranchis ; l'envahisseur ne les fait pas disparaître et, lorsque le pouvoir carolingien s'affaiblit, la seigneurie apparaît comme le pouvoir local par excellence, mettant en place le système de la vassalité. Le seigneur capte le banum, ou ban, pouvoir royal à l'origine ; il exerce également la justice et peut donc condamner ou arbitrer des conflits ; il prélève des taxes diverses sur le commerce et met en valeur la réserve seigneuriale en partie grâce à de multiples corvées (charroi, labours) ; il perçoit les banalités qui découlent du monopole qu'il détient sur certaines activités (moulin, four, pressoir). La terre ne peut se transmettre sans le paiement d'une taxe (lods et vente) qui permet de compenser la baisse de la valeur réelle du cens. Enfin, le paysan est soumis au champart, impôt en nature correspondant à une part de sa récolte. En principe, le paysan est attaché à sa terre et à son seigneur, mais cette contrainte s'affaiblit à la suite de l'immense saignée que représente pour l'Europe occidentale la Grande Peste de 1348. De nombreuses régions sont alors à conquérir et à défricher. Les maîtres des lieux offrent des conditions très favorables à l'implantation de nouveaux venus, constituant une main-d'oeuvre indispensable à la mise en valeur du sol. Profitant de la conjoncture, les paysans peuvent faire jouer une concurrence qui les avantage désormais. Certains partent, d'autres négocient l'obtention de chartes de franchises, dont la diffusion commence au XIIe siècle. Elles prennent des formes diverses selon les lieux et les pays : statuti italiens, fueros espagnols, Weistümer allemands. Il s'agit d'une transcription écrite de la coutume, qui permet d'abolir -- au moins en principe -- l'arbitraire seigneurial, et d'atténuer les clauses les plus dures des relations entre le seigneur et ses dépendants. D'une façon générale, ces chartes permettent d'améliorer la condition paysanne même si elles ont un prix, facteur d'endettement. 3.3 Vivre au village Les villages modernes naissent vers le Xe siècle, se structurant autour de l'église et du château. Il ne s'agit pas uniquement de rechercher une protection, car le seigneur impose parfois par la contrainte le regroupement des maisons autour de sa demeure. La maison n'est que rarement construite pour durer ; le bois et le torchis ne sont pas des matériaux qui résistent au feu, pas plus qu'à l'usure du temps ; une maison dure en moyenne quarante ans. Elle se colle aux autres maisons du village, souvent de façon anarchique, à l'abri du château. Les pièces sont sombres, pour ne pas laisser pénétrer le froid et meublées de façon spartiate : le lit, très large pour abriter toute la famille, est en bois ; le matelas est souvent en paille, les draps sont rares, on se couvre avec des fourrures, on dort nu. L'espace est compté ; aussi, la table est-elle dressée pour le repas, puis tréteaux et planche sont remisés après avoir mangé. L'alimentation est également sommaire, dominée par les céréales et pauvre en protides. La vie paysanne est scandée par le rythme des saisons, ainsi que le montrent les calendriers médiévaux. Les mois de l'année apparaissent dominés par une activité spécifique. En décembre, on tue le cochon, en mars on bêche et laboure, en juillet et août on moissonne et sépare le grain de l'ivraie sur l'aire, en novembre on laboure et sème le blé d'hiver. Les croyances des hommes sont difficiles à cerner, mais le village de Montaillou atteste de croyances développées au début du XIVe siècle, comme le souligne l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie. Les villageois connaissent et vénèrent la Vierge, mais ils apprécient surtout les saints protecteurs. Pour la protection de la maison, on conserve en ses murs des fragments d'ongles et de cheveux du chef de famille défunt. Mécontentant l'Inquisition, les croyances sont en fait composées d'un mélange de scepticisme, de vieux rites païens et de christianisme. 4 LES CAMPAGNES D'ANCIEN RÉGIME : PERMANENCES ET NOUVEAUTÉS 4.1 Une conjoncture difficile, des progrès lents et mesurés La peste médiévale ne s'est pas éteinte avec la découverte des Amériques par Christophe Colomb (1492). Elle persiste et cause de multiples ravages ponctuels. À ce fléau endémique, qui touche l'Europe une dernière fois en 1720, s'ajoutent les crises fréquentes que produisent les difficultés climatiques et, localement, les troubles liés aux conflits militaires. Ainsi, un été « pourri « provoque une baisse des rendements et des difficultés de stockage, ayant des répercussions immédiates sur le prix des grains et du pain. Dans un premier temps, la crise provoque l'endettement des plus pauvres. Mais si celle-ci dure, l'endettement s'aggrave à un point tel que la disette, parfois la famine, s'installe. Fragilisés, les organismes résistent mal aux maladies. À cette mortalité, s'ajoute un déficit des naissances, dû à l'infertilité temporaire des femmes, mal alimentées, et au recul des mariages. Ce type de crises, très fréquentes au XVIIe siècle, se produit suffisamment régulièrement pour interrompre la croissance démographique de l'Occident. S'il est vrai que le XVIe siècle a connu une croissance agricole réelle, elle ne s'explique pas par des innovations mais par l'extension du domaine cultivé, reconquis sur les friches abandonnées par un XVe siècle mal remis de la Grande Peste. Cependant, cette extension concurrence dangereusement l'élevage, et la société européenne entre à nouveau dans le cercle vicieux d'une agriculture incapable de maintenir un troupeau suffisant pour enrichir les terres de ses déjections. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir l'agriculture s'émanciper de ses vieux cadres rigides, augmenter ses rendements et développer une spécialisation à vocation commerciale, plus rentable et plus innovante que la polyculture de subsistance. Ainsi, à cette époque, la Provence se spécialise-t-elle en partie dans la vigne et l'arboriculture, sans souffrir de la baisse de la production céréalière, grâce aux importations de grain. Ailleurs, les progrès proviennent de la diffusion des cultures fourragères, qui permettent l'abandon de la jachère. 4.2 Force de l'unité villageoise La paroisse, la seigneurie et la communauté d'habitants sont les trois institutions qui résument et encadrent les habitants du village. D'un point de vue identitaire et territorial, c'est la paroisse, entité religieuse à l'origine des communes modernes, qui représente le village. La communauté d'habitants est une institution chargée de gérer les affaires collectives, un peu à l'image de la mairie contemporaine ; elle est composée de la « plus saine partie des habitants «, c'est-à-dire les chefs de famille, homme ou veuve, réunis en assemblée. Un vote de cette assemblée désigne le représentant de la communauté, appelé « syndic «, « consul « ou « capitoul « selon les régions. Le berger communal est également élu, tout comme le garde messier. La communauté est enfin chargée de l'élection de collecteurs des impôts qui répartissent entre feux (ou foyers) les sommes à prélever pour la taille, définie globalement pour l'ensemble de la communauté. Cette tâche est sans doute la plus délicate, car elle implique ressentiments, services rendus, négociations. Les jeunes manifestent aussi leur présence et leur appartenance à la communauté en tentant d'empêcher les mariages hors normes : ceux des veuves et des veufs, ceux des villageois qui se marient hors du village. Ils manifestent leur mécontentement par le charivari, manifestation bruyante et violente qui ne s'arrête qu'après l'obtention d'une réparation en nature ou en argent. Les habitants protègent de fait le territoire villageois contre les étrangers, comme le font les bergers aux marges du village. La société rurale n'étant pas encore profondément touchée par le processus urbain de civilisation des moeurs, elle règle donc ses conflits dans la violence. 4.3 Contre-Réforme La grande affaire religieuse de l'Ancien Régime, la naissance et l'affirmation de la Réforme, touche plus les villes que les campagnes. Cela n'empêche pas l'Église catholique de mener la Contre-Réforme jusque dans les terres rurales, afin de remettre de l'ordre dans les croyances, toujours menacées par la superstition, et d'imposer le respect de la chose sacrée. La qualité de l'encadrement clérical, marqué par l'absentéisme et le concubinage, n'est alors, il est vrai, pas suffisante pour faire des paroissiens des catholiques fervents. Pourtant, le religieux imprègne avec force la vie entière des habitants des campagnes : le baptême est mené promptement, car on craint les limbes en cas de mort précoce ; la messe est un moment incontournable de la vie paroissiale auquel peu échappent ; enfin, les fêtes chrétiennes encadrent le temps paysan. Mais l'hérésie se mélange sans peine à l'orthodoxie, dans des campagnes où le curé est bien souvent incapable de cerner, lui-même, la différence entre l'une et l'autre. Souhaitant reconquérir le terrain perdu, l'Église commandite alors de vigoureuses campagnes de missions dans les villages, menées dans les campagnes bretonnes comme dans les terres des Amériques. Au fil des décennies, le travail de fond entrepris par l'Église porte ses fruits : aux curés résidents, dorénavant formés et prédicateurs, correspond peu à peu une masse de fidèles plus informés de la chose divine, plus respectueux du sacré et des rites catholiques. Cela n'empêche pas la persistance de poches protestantes, persécutées mais vivaces, qui se sont réfugiées dans le « Désert «, ces campagnes reculées et difficiles d'accès, même pour les dragons. 4.4 Vers la « nuit du 4 août « Au sortir du Moyen Âge, les seigneurs ont beaucoup perdu de leur superbe, mais ils sont parvenus à préserver des positions suffisantes pour qu'on leur envie leur statut. Durant tout l'Ancien Régime, ils continuent à percevoir les droits de mutations médiévaux (lods et ventes) et le champart. Même si la monarchie a récupéré l'essentiel du droit de haute justice, le seigneur exerce toujours, contre rétribution, les basse et moyenne justices. De plus, il jouit de préséances dans les cortèges et à l'église, où il a son banc. Enfin, il impose encore une corvée d'une dizaine de jours. Ces privilèges, à la fois source de revenus et d'honneurs, sont perçus comme archaïques. S'il est vrai que dans le sud de la France le pouvoir du seigneur est faible, en Bretagne, la ponction seigneuriale est pesante. La diversité est la règle et dépend également du caractère du seigneur. Faible ou élevé, le prélèvement seigneurial est toujours trop important aux yeux des paysans ; il devient insupportable après l'été 1788, humide au Nord, et l'hiver 1788-1789, rigoureux au Sud (gel d'oliviers). Dans ce contexte, la Grande Peur n'est pas qu'une vaste panique éphémère : elle donne lieu à la prise de châteaux et à l'incendie des documents qui attestaient de l'emprise seigneuriale sur les terres villageoises. Ainsi, les campagnes prennent-elles leur part à la Révolution française qui aboutit à l'abolition des privilèges lors de la nuit du 4 août 1789, ouvrant ainsi l'ère contemporaine. 5 LA FIN DES TERROIRS ? (DEPUIS 1789) 5.1 L'émigration rurale Incapables d'assurer leur croissance à partir de leurs seules forces, les villes profitent de l'arrivée continue d'habitants des campagnes. Cette émigration rurale change d'intensité à partir du milieu du XIXe siècle et commence à être qualifiée d'exode rural par des observateurs inquiets. Pourtant, l'augmentation continue de l'émigration rurale après 1850 n'est ni brutale ni dramatique. Bien souvent, il s'agit d'une migration saisonnière qui prend par la suite un caractère définitif. La migration ne prive pas les campagnes de main d'oeuvre, elle opère un rééquilibrage dans des régions surpeuplées. Les facteurs répulsifs sont nombreux, comme le Code forestier de 1827, dont la progressive application prive le petit peuple des campagnes de ressources complémentaires indispensables. De même, la concurrence des industries urbaines, dans le domaine textile par exemple, accentue le désarroi de certaines populations. Les facteurs attractifs sont sans doute plus importants. Le premier d'entre eux est l'espoir de mieux gagner sa vie, car les salaires sont généralement plus élevés en ville. On peut y être domestique mais aussi employé, travailler au Bon Marché en col blanc... en somme, avec l'éducation que fournit l'instituteur du village, on peut espérer gagner suffisamment d'argent pour échapper à sa condition. En outre, il ne faut pas négliger les histoires individuelles, avec en particulier l'espoir d'émancipation familiale que représente l'éloignement du village. Ainsi, l'émigration rurale, même amplifiée par la dépression des années 1880, n'est pas nécessairement un geste de désespoir. L'exemple de ceux qui ont réussi, comme Martin Nadaud ou les Mexicains de Barcelonnette, n'est-il pas là pour donner du courage aux candidats au départ ? 5.2 La modernisation des campagnes Le départ vers la ville ne doit pas laisser croire que les campagnes sont immobiles et archaïques, écrasées par la misère et l'inculture. Au contraire, elles entament un vaste mouvement de modernisation culturelle, économique et politique, qui permet de parler d'apogée des campagnes au XIXe siècle. Entamant le processus de diffusion de l'enseignement primaire, la loi Guizot de 1833 est complétée par les lois scolaires de Ferry au début des années 1880. En imposant la gratuité, l'obligation et la laïcité de l'école, la République permet aux campagnes de rattraper leur retard sur les villes. La construction d'écoles, le recrutement d'instituteurs mieux formés, la mise en place de programmes nationaux convergent pour unir le peuple des champs par la langue et par le sentiment national. L'obligation de parler français au détriment des patois n'a pas été mal vécue par les populations. En effet l'éducation ne se fait pas malgré les populations rurales, mais avec leur consentement, car l'espoir d'une promotion sociale par l'école est réel. La modernisation des campagnes passe également par l'introduction de nouveautés en provenance des villes et par la désaffection de certaines formes culturelles anciennes. Ainsi, très lentement, le charivari s'estompe, et avec lui son cortège de violences. Les vieilles traditions agricoles sont progressivement supplantées, ce qui mène dans l'entre-deux-guerres à la multiplication des tracteurs et des moissonneuses-batteuses. L'usage des sous-vêtements se répand après 1890. Il était traditionnellement difficile, dans les campagnes françaises, de distinguer temps de loisir et temps de travail. La Première Guerre mondiale marque, à cet égard, une rupture particulière qui accélère une évolution en cours depuis un demi-siècle. La porosité entre temps de travail et temps de loisir s'atténue, comme le montrent les associations exclusivement ludiques, nombreuses et variées : sociétés de boules, orphéons, sociétés sportives. Dans l'entre-deux-guerres, le téléphone et l'électricité marquent l'arrivée vigoureuse d'une modernité qui facilite les échanges et améliore le confort. 5.3 La politisation des campagnes Le deuxième axe de pénétration de la modernité dans les campagnes est, sans conteste, l'arrivée du politique. La politisation des campagnes est facilitée par le développement de l'instruction primaire. L'école concourt en effet à souligner avec force l'appartenance et la solidarité avec la nation et surtout elle permet la lecture des journaux qui se multiplient après 1880. L'existence d'une sociabilité villageoise, particulièrement forte dans le sud de la France, favorise également cette prise de conscience politique par le débat et par la gestion commune. Sans doute, les régimes censitaires du premier XIXe siècle n'accordent-ils que peu d'attention aux campagnes, ne sortant de l'ombre que les plus fortunés propriétaires. Cependant, les formes embryonnaires de vie politique municipale existant alors marquent une première étape dans l'introduction du politique dans les campagnes. Tout change avec l'instauration du suffrage universel masculin en 1848. Le 23 avril 1848, les campagnes, très mobilisées, élisent des républicains modérés à l'Assemblée constituante. Pourtant, le 10 décembre 1848, elles élisent Louis Napoléon Bonaparte ; la gloire du nom et le ressentiment contre Cavaignac ont suffit à ce bouleversement : les campagnes sont devenues une force politique. Elles pèsent d'un tel poids sur la démocratie qu'elles peuvent faire et défaire les majorités. Le monde rural se transforme dès lors en thème majeur des campagnes électorales. Le second Empire, avec ses candidatures officielles, n'est pas qu'une parenthèse dans l'apprentissage de la démocratie : il joue le rôle d'une initiation lente. Lorsque la IIIe République est proclamée, les républicains savent qu'ils ne pourront asseoir le régime sans rallier à sa cause les campagnes. Ils y parviennent dans les années 1880, grâce aux lois sur la liberté d'expression, sur l'école et sur l'élection des maires par les conseillers municipaux. Ce ralliement n'empêche pas l'affirmation de profondes divergences régionales, entre « pays à démocratie « et « pays à hiérarchie «. Il n'empêche pas non plus l'expression virulente de mécontentements, comme lors de la crise de surproduction viticole de 1907, ou encore comme les jeunesses paysannes d'Henri Dorgères à partir de 1935 (les « chemises vertes «). 5.4 Les nouvelles campagnes contemporaines Depuis la fin du XIXe siècle, la ville conquérante a mauvaise presse. Les livres d'école dénoncent cet espace sale et dangereux qui abrite la délinquance et la brutalité, favorise la décadence des bonnes moeurs et accélère la ruine de la nation. La Révolution nationale voulue par Pétain recycle ce thème, faisant son fond de commerce du mythe d'une ruralité vertueuse et immémoriale. Ce mythe ne disparaît pas avec l'étiage de l'exode rural dans les années soixante-dix. Il prend de nouveaux atours, ceux de la qualité de vie, du calme, des charmes de la nature. Avec la résidence secondaire et les migrations pendulaires, les campagnes proches des villes se couvrent de lotissements. La culture rurale et la culture urbaine parachèvent leur mouvement de convergence. Les modes de vie s'unifient à un rythme accéléré. Le périurbain, qui accueille de plus en plus de monde, repousse les limites de la ville, empiétant sans cesse sur les campagnes, préférant aux immeubles en hauteur l'allure campagnarde de pavillons engazonnés. Cette convergence entre villes et campagnes est le dernier acte d'une histoire millénaire qui a connu une imbrication profonde entre les deux types d'espaces. 6 DES CAMPAGNES IMMOBILES ? Les soubresauts de cette histoire millénaire démentent l'image traditionnelle de campagnes immobiles. Les murailles étroites et fragiles des villes n'ont pas toujours été le refuge de populations en danger. Les temps sombres qui suivent la dislocation de l'Empire romain et qui marquent la Seconde Guerre mondiale sont là pour prouver que les campagnes peuvent, elles aussi, abriter et nourrir des individus ou des familles en déroute. S'il est vrai que, depuis l'invention de l'agriculture, la terre a toujours été mise en valeur selon les mêmes principes et les mêmes rythmes saisonniers (labours, semaison, récolte, stockage, consommation), les progrès et les régressions se sont succédé, de la généralisation du métal dans l'outillage aux reculs des terres cultivées des XXe XIVe et siècles. Plus encore, durant 7 000 ans d'histoire, les campagnes ont connu de profonds changements culturels. Malgré la persistance de certains gestes professionnels, il serait illusoire de vouloir chercher une continuité entre l'univers mental du paysan du néolithique, de l'habitant d'une villa romaine et d'un grand fermier beauceron au XIXe siècle. Même au débouché des chemins de terre les plus reculés du Massif central, les moeurs, les croyances et les langages n'ont jamais cessé d'évoluer. Malgré la persistance de solidarités et de conflits aiguisés par le caractère confiné de la communauté villageoise, les campagnes occidentales ont connu de profondes mutations qui se sont produites selon un rythme séculaire. Soumises aux rythmes des saisons et aux aléas climatiques, fermées sur elles-mêmes, ancrées à la terre, elles n'ont pourtant jamais connu l'isolement complet. Le commerce local, régional, national et même international a toujours tissé sa toile aussi loin que les temps, troublés ou sûrs, l'ont permis. Les migrations de travail -- saisonnières, annuelles ou définitives -- n'ont cessé de mettre en relation les villages entre eux, les bourgs et les villages, les villages et les villes. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
histoire

« seigneurie apparaît comme le pouvoir local par excellence, mettant en place le système de la vassalité.

Le seigneur capte le banum, ou ban, pouvoir royal à l’origine ; il exerce également la justice et peut donc condamner ou arbitrer des conflits ; il prélève des taxes diverses sur le commerce et met en valeur la réserve seigneuriale enpartie grâce à de multiples corvées (charroi, labours) ; il perçoit les banalités qui découlent du monopole qu’il détient sur certaines activités (moulin, four, pressoir).

La terrene peut se transmettre sans le paiement d’une taxe (lods et vente) qui permet de compenser la baisse de la valeur réelle du cens.

Enfin, le paysan est soumis au champart,impôt en nature correspondant à une part de sa récolte. En principe, le paysan est attaché à sa terre et à son seigneur, mais cette contrainte s’affaiblit à la suite de l’immense saignée que représente pour l’Europe occidentale laGrande Peste de 1348.

De nombreuses régions sont alors à conquérir et à défricher.

Les maîtres des lieux offrent des conditions très favorables à l’implantation denouveaux venus, constituant une main-d'œuvre indispensable à la mise en valeur du sol.

Profitant de la conjoncture, les paysans peuvent faire jouer une concurrence quiles avantage désormais.

Certains partent, d’autres négocient l’obtention de chartes de franchises, dont la diffusion commence au XIIe siècle.

Elles prennent des formes diverses selon les lieux et les pays : statuti italiens, fueros espagnols, Weistümer allemands.

Il s’agit d’une transcription écrite de la coutume, qui permet d’abolir — au moins en principe — l’arbitraire seigneurial, et d’atténuer les clauses les plus dures des relations entre le seigneur et ses dépendants.

D’une façon générale, ces chartespermettent d’améliorer la condition paysanne même si elles ont un prix, facteur d’endettement. 3.3 Vivre au village Les villages modernes naissent vers le Xe siècle, se structurant autour de l’église et du château.

Il ne s’agit pas uniquement de rechercher une protection, car le seigneur impose parfois par la contrainte le regroupement des maisons autour de sa demeure.

La maison n’est que rarement construite pour durer ; le bois et le torchis ne sont pasdes matériaux qui résistent au feu, pas plus qu’à l’usure du temps ; une maison dure en moyenne quarante ans.

Elle se colle aux autres maisons du village, souvent defaçon anarchique, à l’abri du château.

Les pièces sont sombres, pour ne pas laisser pénétrer le froid et meublées de façon spartiate : le lit, très large pour abriter toute lafamille, est en bois ; le matelas est souvent en paille, les draps sont rares, on se couvre avec des fourrures, on dort nu.

L’espace est compté ; aussi, la table est-elle dresséepour le repas, puis tréteaux et planche sont remisés après avoir mangé.

L’alimentation est également sommaire, dominée par les céréales et pauvre en protides. La vie paysanne est scandée par le rythme des saisons, ainsi que le montrent les calendriers médiévaux.

Les mois de l’année apparaissent dominés par une activitéspécifique.

En décembre, on tue le cochon, en mars on bêche et laboure, en juillet et août on moissonne et sépare le grain de l’ivraie sur l’aire, en novembre on laboure etsème le blé d’hiver. Les croyances des hommes sont difficiles à cerner, mais le village de Montaillou atteste de croyances développées au début du XIVe siècle, comme le souligne l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie.

Les villageois connaissent et vénèrent la Vierge, mais ils apprécient surtout les saints protecteurs.

Pour la protection de la maison, on conserveen ses murs des fragments d’ongles et de cheveux du chef de famille défunt.

Mécontentant l’Inquisition, les croyances sont en fait composées d’un mélange de scepticisme,de vieux rites païens et de christianisme. 4 LES CAMPAGNES D'ANCIEN RÉGIME : PERMANENCES ET NOUVEAUTÉS 4.1 Une conjoncture difficile, des progrès lents et mesurés La peste médiévale ne s’est pas éteinte avec la découverte des Amériques par Christophe Colomb (1492).

Elle persiste et cause de multiples ravages ponctuels.

À ce fléauendémique, qui touche l’Europe une dernière fois en 1720, s’ajoutent les crises fréquentes que produisent les difficultés climatiques et, localement, les troubles liés auxconflits militaires.

Ainsi, un été « pourri » provoque une baisse des rendements et des difficultés de stockage, ayant des répercussions immédiates sur le prix des grains etdu pain.

Dans un premier temps, la crise provoque l’endettement des plus pauvres.

Mais si celle-ci dure, l’endettement s’aggrave à un point tel que la disette, parfois lafamine, s’installe.

Fragilisés, les organismes résistent mal aux maladies.

À cette mortalité, s’ajoute un déficit des naissances, dû à l’infertilité temporaire des femmes, malalimentées, et au recul des mariages.

Ce type de crises, très fréquentes au XVIIe siècle, se produit suffisamment régulièrement pour interrompre la croissance démographique de l’Occident. S’il est vrai que le XVIe siècle a connu une croissance agricole réelle, elle ne s’explique pas par des innovations mais par l’extension du domaine cultivé, reconquis sur les friches abandonnées par un XVe siècle mal remis de la Grande Peste.

Cependant, cette extension concurrence dangereusement l’élevage, et la société européenne entre à nouveau dans le cercle vicieux d’une agriculture incapable de maintenir un troupeau suffisant pour enrichir les terres de ses déjections.

Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir l’agriculture s’émanciper de ses vieux cadres rigides, augmenter ses rendements et développer une spécialisation à vocation commerciale, plus rentable et plusinnovante que la polyculture de subsistance.

Ainsi, à cette époque, la Provence se spécialise-t-elle en partie dans la vigne et l’arboriculture, sans souffrir de la baisse de laproduction céréalière, grâce aux importations de grain.

Ailleurs, les progrès proviennent de la diffusion des cultures fourragères, qui permettent l’abandon de la jachère. 4.2 Force de l’unité villageoise La paroisse, la seigneurie et la communauté d’habitants sont les trois institutions qui résument et encadrent les habitants du village.

D’un point de vue identitaire etterritorial, c’est la paroisse, entité religieuse à l’origine des communes modernes, qui représente le village.

La communauté d’habitants est une institution chargée de gérerles affaires collectives, un peu à l’image de la mairie contemporaine ; elle est composée de la « plus saine partie des habitants », c’est-à-dire les chefs de famille, hommeou veuve, réunis en assemblée.

Un vote de cette assemblée désigne le représentant de la communauté, appelé « syndic », « consul » ou « capitoul » selon les régions.

Leberger communal est également élu, tout comme le garde messier.

La communauté est enfin chargée de l’élection de collecteurs des impôts qui répartissent entre feux (oufoyers) les sommes à prélever pour la taille, définie globalement pour l’ensemble de la communauté.

Cette tâche est sans doute la plus délicate, car elle impliqueressentiments, services rendus, négociations. Les jeunes manifestent aussi leur présence et leur appartenance à la communauté en tentant d’empêcher les mariages hors normes : ceux des veuves et des veufs, ceuxdes villageois qui se marient hors du village.

Ils manifestent leur mécontentement par le charivari, manifestation bruyante et violente qui ne s’arrête qu’après l’obtentiond’une réparation en nature ou en argent.

Les habitants protègent de fait le territoire villageois contre les étrangers, comme le font les bergers aux marges du village.

Lasociété rurale n’étant pas encore profondément touchée par le processus urbain de civilisation des mœurs, elle règle donc ses conflits dans la violence. 4.3 Contre-Réforme La grande affaire religieuse de l’Ancien Régime, la naissance et l’affirmation de la Réforme, touche plus les villes que les campagnes.

Cela n’empêche pas l’Église catholiquede mener la Contre-Réforme jusque dans les terres rurales, afin de remettre de l’ordre dans les croyances, toujours menacées par la superstition, et d’imposer le respect dela chose sacrée. La qualité de l’encadrement clérical, marqué par l’absentéisme et le concubinage, n’est alors, il est vrai, pas suffisante pour faire des paroissiens des catholiques fervents.Pourtant, le religieux imprègne avec force la vie entière des habitants des campagnes : le baptême est mené promptement, car on craint les limbes en cas de mortprécoce ; la messe est un moment incontournable de la vie paroissiale auquel peu échappent ; enfin, les fêtes chrétiennes encadrent le temps paysan.

Mais l’hérésie semélange sans peine à l’orthodoxie, dans des campagnes où le curé est bien souvent incapable de cerner, lui-même, la différence entre l’une et l’autre. Souhaitant reconquérir le terrain perdu, l’Église commandite alors de vigoureuses campagnes de missions dans les villages, menées dans les campagnes bretonnes commedans les terres des Amériques.

Au fil des décennies, le travail de fond entrepris par l’Église porte ses fruits : aux curés résidents, dorénavant formés et prédicateurs,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles