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Candide - Chapitre XVIII

Publié le 03/04/2011

Extrait du document

CANDIDE, Chapitre XVIII
Eléments biographiques
Introduction générale de l’œuvre
Résumé rapide des épisodes précédents
INTRODUCTION :
Entrés en Eldorado au chapitre XVII après un voyage qui rappelle celui des contes initiatiques (nombreuses difficultés d’accès, nécessité de franchir des étapes successives et de passer une véritable frontière symbolique cf chap 17), Candide et Cacambo découvrent un univers fabuleux qui pourrait bien être « le meilleur des mondes ». Les richesses sont immenses et accessibles à tous, l’accueil est chaleureux. Les deux personnages se trouvent donc tout à fait déconcertés et obligés de revoir constamment leurs propres critères de jugement. L’Eldorado est à ce titre un contexte qui oblige à la relativisation. Après avoir rencontré un vieillard qui les renseigne sur la religion du pays (un déisme tolérant comme celui que prônait Voltaire), ils sont conduits auprès du roi et découvrent la réalité politique du pays.
Annonce du plan :
Une utopie
Une lecture critique
La fonction de l’utopie
Une utopie
Cet épisode du conte présente les caractéristiques de l’utopie. Ce mot a une double étymologie grecque : eutopie, le pays où tout est parfait, et outopie, le pays qui n’existe pas. Ce mot a été inventé par l’Anglais Thomas More qui publie un livre en 1516 intitulé l’Utopie. Cet ouvrage rapporte le récit d’un voyageur qui visite un pays imaginaire où un régime politique idéal gouverne un peuple heureux. Tout est passé en revue dans le moindre détail : institutions, mœurs, religion, organisation du travail…
La composition du passage
La structure est chronologique. Tout se passe en une journée :
 
 
La matinée sert au voyage :  en moins de quatre heures on arriva au palais
L’après dîner (l’après-midi) comporte la toilette des voyageurs :les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes…, le salut au roi Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, la découverte de la ville et le souper chez le roi. Le passage d’un épisode à l’autre est bien marqué dans le texte par des expressions temporelles : après quoi, en attendant, après avoir parcouru.
Or, ce type de composition, où un voyageur découvre peu à peu un monde nouveau, est celui des livres nombreux à l’époque qui décrivent une utopie.
La description politique
La structure politique de l’Eldorado est décrit comme une monarchie de type libéral. Le roi n’a rien d’un souverain autoritaire. Il est facile de l’aborder et de s’entretenir avec lui. Il reçoit les voyageurs avec toute la grâce imaginable. Il est simple et courtois dans ses rapports avec ses invités : qui les pria poliment à souper. Il est gai et agréable puisqu’il fait des bons mots, plaisanterie subtile qui nécessite la complicité des interlocuteurs. Par ailleurs, c’est un monarque qui ne fait peser aucune tyrannie sur ses sujets, puisqu’il n’y a ni palais de justice ni prison.
La description sociale
Cette absence d’appareil judiciaire répressif montre aussi qu’il n’y a pas d’antagonismes sociaux et pas de délits. Les habitants de l’Eldorado vivent dans le respect des autres et de la morale.
En effet, l’harmonie semble régner entre les gens. Il n’y a pas de différence entre les sexes : on trouve vingt belles filles dans la garde du roi et les femmes n’ont pas que des rôles subalternes : les grandes officières siègent à côté des grands officiers. Il n’est pas fait mention de classes sociales, il ne semble pas y avoir de noblesse.
L’Eldorado apparaît ici comme une civilisation essentiellement urbaine. Le principe est, comme il est dit au chapitre XVII, de joindre l’utile à l’agréable. Pour cela, l’espace est agrandi par de longues perspectives horizontales et verticales : édifices publics élevés jusqu’au nues, grandes places, galerie de deux mille pas… Les relations commerciales prennent une forme esthétique : les marchés sont ornés de mille colonnes. Les fontaines et les pavés odoriférants créent en outre un climat de fraîcheur et de propreté, confirmé par l’existence des bains.
La richesse est le bien de tous.
La place de la culture
L’Eldorado consacre de grands moyens à la science et à la recherche. On peut y voir une galerie de deux mille pas, toute pleine d’instruments de mathématique et de physique.
L’intelligence et la culture semblent régner à la cour du roi : jamais on n’eut plus d’esprit à souper.
Cette civilisation semble avoir atteint une forme de perfection. Elle permet à Voltaire d’exprimer, par le moyen de la fiction, ses propres aspirations : monarchie libérale, urbanisme harmonieux, développement des sciences. Mais Candide, surpris agréablement à travers les merveilles qu’il découvre, peut être conduit à penser qu’il se trouve dans « le meilleur des mondes possibles ».
Une lecture critique
L’Eldorado offre l’image d’un monde lisse et heureux, une sorte de paradis où tout ce qui fait les charmes du monde réel se trouve porté à un degré qui relève de l’imagination.
Un monde merveilleux
Le texte se présente à première vue comme un épisode de conte merveilleux. Les visiteurs vont d’étonnement en étonnement.
 
 
Tout ce qu’ils voient leur paraît grand : les grands officiers et les grandes officières, les édifices publics élevés jusqu’au nues, les grandes places.
A l’impression de grandeur s’ajoute un sentiment d’abondance rendu par l’exagération des nombres : 220 pieds de haut, et 100 de large, 2 files, chacune de 1000 musiciens, 1000 colonnes, une galerie de 2000 pas, la 1000ème partie de la ville.
Cette magnificence est soulignée par l’usage constant du pluriel et par le procédé de l’accumulation : on leur fit voir la ville, les édifices publics…, les marchés…, les fontaines…, les fontaines…, celles de liqueur…
L’emploi du superlatif et des expressions à valeur superlative mettent en évidence la perfection : supériorité prodigieuse, avec toute la grâce imaginable, élevés jusqu’aux nues, continuellement, le plus de plaisir, toute pleine, jamais on ne fit…, jamais on n’eut plus d’esprit.
La richesse et le luxe sont omniprésents : richesse de la matière dont est fait le portail du palais (supériorité par rapport à l’or et aux pierreries), richesse des costumes dont sont revêtus les deux personnages (tissu de duvet de colibri), richesse des éléments urbains : places pavées d’une espèce de pierreries…
Voltaire empêche cependant son lecteur d’adhérer naïvement à la fiction de ce conte ; il l’incite à prendre une distance à l’égard de l’émerveillement béat de ses héros. Tout est trop beau, trop parfait. Cette surenchère se traduit par des redondances (grands, fontaines, emploi systématique du nombre 1000, clichés…). L’aveu d’une incapacité de rendre les choses telles qu’elles sont : il est impossible d’exprimer.., et le décalage entre cette incapacité et l’affirmation on voit assez bien, concourent également à suggérer au lecteur qu’il s’agit d’un monde dans lequel tout est exagéré et donc inacceptable tel quel.
Un point de vue naïf
Voltaire fait constamment ressortir la naïveté de Candide, son absence d’esprit critique et son incapacité à établir des critères de jugement.
Candide et Cacambo sont seulement impressionnés par les apparences et on peut remarquer :
 
-L’absence d’un réel émerveillement : Candide décrit tout sur le même plan, il ne fait pas de différence entre les moutons qui volent, les richesses… Il n’a aucun regard critique ou hiérarchique. A propos des bons mots du roi, Voltaire écrit : De tout ce qui étonnait Candide, ce n’était pas ce qui l’étonna le moins. Cela revient à dire que Candide ne fait pas de différence entre les bons mots du roi et les institutions politiques ou le palais des sciences.
L’importance absurde accordée aux convenances : interrogation sérieuse de Candide sur la façon de saluer le roi : si on se jetait…, si on mettait…, si on léchait…La fantaisie des trois hypothèses avancées par Cacambo met comiquement en valeur leur méprise.
La spontanéité du comportement devant le roi : sautèrent au cou de Sa Majesté. Cette expression familière traduit un empressement enfantin et introduit un écart comique.
Les deux protagonistes ne perçoivent donc pas à sa juste valeur le sens de ce qu’ils découvrent : ils n’en ont qu ‘une vue superficielle et candide. Mais, comme dans le reste du roman, cette candeur a un rôle de révélateur : au-delà du merveilleux, il faut bien comprendre que l’Eldorado n’est qu’une utopie. La fonction critique de la candeur incite le lecteur à percevoir le contenu philosophique, car cette description de l’Eldorado n’est pas gratuite.
La fonction de l’utopie
La présence d’une utopie au chapitre XVIII a une double fonction : critique et narrative.
Une fonction critique
En présentant un monde idéal, l’utopie met indirectement en évidence les insuffisances et les imperfections de la société du XVIIIème siècle.
 
 
Voltaire s’élève contre la monarchie absolue des rois de France, qui représente pour lui une tyrannie insupportable, en faisant le portrait d’un souverain libéral.
La familiarité de la manière d’aborder le roi met en évidence la faiblesse d’une monarchie sclérosée par un protocole grotesque.
La garde royale assurée par des filles et la présence de grandes officières dénonce la misogynie de la société française.
L’Eldorado, où règnent la justice et la générosité, où les tribunaux et les prisons n’existent pas, révèle en négatif l’arbitraire et le fanatisme de la justice royale.
Par sa longue description de la ville, ce texte est une critique de l’urbanisme anarchique de Paris. Les pavés qui sentent la gérofle et la cannelle renvoient ironiquement à la puanteur et à la saleté des rues de la capitale à cette époque.
En soulignant enfin le plaisir de Candide au palais des sciences, Voltaire rappelle qu’il est un défenseur acharné de la culture et du progrès ; associé aux écrivains de l’Encyclopédie, il s’insurge contre toutes les formes d’obscurantisme.
Ainsi par cette utopie, Voltaire n’a pas eu l’ambition de proposer un système directement applicable, mais a dessiné un monde où des valeurs qui lui sont chères sont présentées : bonheur, générosité, soif de justice…
Une fonction narrative
La place de l’Eldorado au milieu du roman montre que ce n’est pas un aboutissement, mais seulement une étape dans l’évolution intellectuelle de Candide. Il ne vaut pas comme absolu, mais comme une référence nouvelle pour notre héros. Il devient une alternative possible aux valeurs de Thunder-ten-tronck, dont le contact avec les faits a montré qu ‘elles reposaient sur une illusion. Les valeurs de l’Eldorado sont plus élaborées que celles du paradis perdu au premier chapitre.
On peut également penser que c’est une réponse de Voltaire à Leibniz : le meilleur des mondes n’est qu’une utopie.
Candide va d’ailleurs quitter l’Eldorado, parce qu’il ne comprend pas encore le prix de ces nouvelles valeurs et parce qu’il reste attaché à une valeur de Westphalie : Cunégonde.
CONCLUSION :
L’épisode de l’Eldorado constitue une pause régénératrice pour Candide. Il n’a pas encore une vision exacte des choses qu’il découvre : son apprentissage n’est pas terminé. Ainsi, sur le plan de la structure du conte, il n’est pas pensable que Candide s’enferme dans l’Eldorado, qu’il va quitter et qui va devenir pour lui une nouvelle référence après Thunder-ten-tronck.
Sur le plan de l’idéologie voltairienne, l’Eldorado est une manière de jeter les bases d’un monde qui transcrit les options religieuses, politiques et sociales du philosophe. Le fait que l’Eldorado soit présenté comme une utopie rappelle que c’est un contexte idéalisé, qu’il n’est pas réel. Ce n’est pas la solution.

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