Cervantès : Nouvelles exemplaires
Publié le 21/02/2013
Extrait du document
Cervantès a donné à son recueil le titre de Nouvelles exemplaires (1613) parce que, selon lui - mais ce n'est pas toujours l'avis de la critique -, de chacun des douze récits qu'il contient on peut « tirer un exemple utile «. On doit à Cervantès trois autres nouvelles, souvent publiées avec celles-ci. Deux appartiennent au Don Quichotte, la troisième, La fausse tante, découverte en 1788, n'a été publiée qu'en 1814.
«
EXTRAITS------------,
La Petite Gitane
A peine Précieuse eut-elle achevé sa ro
mance que de l'illustre auditoire
et grave
sénat qui l'écoutait une seule voix se forma
et
dit:
- Recommence, Précieuse, les cuartos ne
..
· ;; . ..
: , .
.
.
te manqueront pas plus que la :illlr.~~ ;.
--:-i ~-_.- - .......
· ;-'.'>1
· terre' ~ ·~~:!t:~· ..
~->.,..
i: : ~ .
;~ ,..::.
~ • • -· r ..,~ •• .-.
c,':;i".
' ...
;, -~..
Il y avait plus de deux cents personnes
''· à regarder la danse et à écouter le chant
«Il n'y en eut aucun
qui nous répondit autre chose, sinon que cette
pèlerine était une dame
de Castille-la- Vieille
fort noble et fort riche.
,.
des gitanes, et dans l'instant
de
la plus grande ardeur,
un des lieutenants de
la
ville vint à passer par là
et, .
voyant tant de gens
asse,;,,blés, demanda ce
que
c'était: on lui répon
dit qu'on écoutait chanter
la
belle petite gitane.
Le lieu
tenant s'approcha, car
il
était curieux , écouta un mo
ment
et, pour demeurer fidèle
à
la gravité de son état, s'en fut
avant
la fin de la romance.
Mais la
petite gitane lui avait plu à l'ex
trême,
et il manda un sien page au
près de la vieille afin que, le soir
-::.
tombé, elle allât chez lui avec ses
compagnes,
car il voulait que sa
femme
dofta Clara les entendît.
A quoi la
vieille répondit qu'elle irait.
Le ballet, le
chant s'achevèrent, on changea de lieu ;
là-dessus un page
fort galamment mis se
présenta devant Précieuse
et, lui tendant un
papier plié, lui dit :
- Précieuse, chante
la romance que voici :
elle est fort belle.
Je t'en donnerai d'autres
de temps en temps, de sorte que tu auras
renom d'être
la plus grande chansonnière
du monde .
- J'apprendrai celle-ci de fort bonne grâce,
répondit Précieuse,
et ne manquez point,
monsieur, de me donner les chansons dont vous
parlez, à condition qu'elles soient
hon
nêtes.
Si vous voulez que je vous les paie,
accordons-nous
par douzaines : dou zaine
chantée , douzaine payée.
Car penser que
je
vous payerai d'avance, cela est impossible.
L'Amant généreux
-L'histoire demande plus de loisir, répon
dit Léonise.
Apprends pourtant qu'au bout
d'une journée après notre séparation, le
bateau de
Yousouf revint, par un gros vent,
sur l'île de Pantellaria, où nous vîmes aussi
notre galiote .
Mais
la nôtre, sans que l'on y
pût remédier, alla droit aux rochers.
Mon
maître , voyant sa perte si proche, vida pres
tement deux barils qui étaient pleins d'eau,
les boucha fort soigneusement et les attacha
l'un à l'autre avec des cordes; il me mit au
milieu , se déshabilla
et, prenant un autre
baril entre ses bras, se noua
un corde autour
de
la ceinture et de la même cordes' attacha
à mes barils .
Puis courageusement, il se jeta
à l 'eau , m 'entraî
nant avec lui.
Je
n'eus pas le cœur
de me jeter, un autre
Turc me poussa
derrière Yousouf.
je
tombai inanimée et
ne retrouvai le sens
que dans les bras
de deux Turcs qui
me tenaient
la face
contre terre, vomis
sant toute l'eau que
j'avais bue.
Tout ef
frayée,
j'ouvris les
yeux et vis
Yousouf
à mes côtés, la tête en miettes , on m'apprit
qu 'il avait été donner sur les rochers
et y
avait terminé ses jours.
Ces
Turcs ajoutèrent
qu'en tirant sur la corde , ils m'avaient
amenée à terre à demi noy ée.
« -Sur les deux mules
grises que tu sais que
j'ai, je la doterais de
bon cœur si on me la
voulait donner
pour femme.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR De la même manière, Crist6bal Suarez de
Figueroa, en 1615, deux ans après leur
publication, les présente
« comme
intrinsèquement nocives et perverses
considérées
d'un point de vue moral ».
Ortega y Gasset (1883-1955) précise: littéraire
contemporain, nous répond
Comme tous les grands auteurs, Miguel de
Cervantès est un écrivain extrêmement
ambigu.
Avec les
Nouvelles exemplaires , il
veut divertir le lecteur, certes, mais aussi
l'édifier et le porter à la vertu.
Cependant,
le caractère exemplaire des
Nouvelles
semble douteux à de nombreux critiques.
Ainsi, le célèbre dramaturge espagnol Lope
de Vega (1562-1635) écrit
que« Les
Nouvelles de Cervantès pourraient être
exemplaires», c'est-à-dire qu'à son son
avis, elles ne l'étaient pas.
«Cet adjectif d'exemplaire n'est pas si
étrange.
Ce soupçon de moralité que le plus
profane de nos écrivains verse sur ses
nouvelles appartient à l'héroïque hypocrisie
exercée par les élites du
xvue siècle.
»
Qu'en penser? Les Nouvelles ex emplaires
n'auraient-elles plus rien d'exemplaire?
Mariano Baquero Goyanes, critique
1 Roger · Vio llcl 2 .
3 , 4 .
5 grav.
de Enrique Mari n.
Centraux biblioph iles .
Pari s.
19 70 / B.N .
qu' « en donnant le titre de Nouvelles
e x emplaires
à son recueil, Cervantès
signalait à la fois une ressemblance et une
différence par rapport aux nouvelles
italiennes, modèles du genre.
Les
Nouvelles
étaient bien des " novellas " au sens italien
du terme, c'est-à-dire des récits courts.
Mais elles ne l'étaient pas en ce qui
concernait leur tonalité morale, bien sage
comparée aux fictions italiennes, insolentes
et osées
».
CERVANTÈS03.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Nouvelles exemplaires [Cervantès] - Fiche de lecture.
- Nouvelles exemplaires [Cervantès] - fiche de lecture.
- Nouvelles exemplaires de Cervantès (Résumé & Analyse)
- TROIS NOUVELLES EXEMPLAIRES ET UN PROLOGUE (Résumé et analyse)
- Miguel de CERVANTES Nouvelles exemplaires