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A chacun autant. A chacun selon son travail. A chacun selon ses besoins. A chacun selon ses mérites. L'une de ces maximes définit-elle, mieux que les autres, l'idéal de la justice ?

Publié le 27/02/2008

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A chacun autant. A chacun selon son travail. A chacun selon ses besoins. A chacun selon ses mérites. L'une de ces maximes définit-elle, mieux que les autres, l'idéal de la justice ?

  • Analyse du sujet

-          A chacun autant : Une telle maxime a pour fondement l’égalité irréductible de chaque individu. Quelque soit donc le travail fournit, quelque soit l’effort, la peine, le temps, etc., chaque personne doit recevoir la même rétribution. Il semble alors qu’une telle maxime exprime l’égalité idéale entre les hommes et ce indépendamment de toutes les contingences économiques, politiques ou sociales. Elle prône donc une égalité absolue et irréductible des individus entre eux.

-          A chacun selon son travail : Là où précédemment l’on faisait primer une égalité inconditionnelle, c’est le principe d’équité qui est au fondement de cette maxime-ci. En effet, dire que chacun doit être rétribuer en fonction de son travail, c’est poser le principe d’une rétribution équitable sur fond de proportionnalité. Est-il juste que quelqu’un qui produit plus qu’un autre soit plus rétribué ? C’est au fond la question que pose une telle maxime. Notons par ailleurs qu’elle fait ici entrer un étalon qui était non pas seulement absent mais plus profondément indifférent, à savoir le travail – et plus précisément la productivité engendrée par le travailleur. Une telle maxime lie donc justice et économie. Et c’est cette liaison qui peut faire problème : l’idéal de justice doit-il être attaché à une question économique ?

-          A chacun selon ses besoins : Ici, ce n’est plus le travail qui sert d’étalon à la rétribution mais bien le besoin. En effet, il s’agit de faire valoir ici aussi le principe d’équité mais appliqué en référence au besoin : ceux qui seront le plus dans le besoin auront une rétribution plus grande. Il s’agirait alors d’une sorte de justice corrective, au sens aristotélicien, qui viendrait combler les inégalités de ressources et de richesses.

-          A chacun selon ses mérites : Ici, et encore une fois selon le principe d’équité, c’est le mérité qui sert d’étalon à l’évaluation équitable des rétributions. On fait donc primer ici la notion d’effort produit par le travailleur. Mais le mérité n’est pas simplement lié à l’effort, à la pénibilité du travail, il peut aussi être tenu pour un avantage dû à un certain talent. On comprend en tout cas que dans une telle maxime, c’est encore la notion d’efficacité économique, sociale ou encore politique qui est ici privilégiée.

-          Le mot français « justice « vient du latin jus qui veut dire le droit ; aussi le terme signifie-t-il, dans son acceptation la plus générale, le respect du droit, la conformité au droit. Cette définition peut elle-même renvoyer à deux choses : à l’institution judiciaire et à une notion morale. Le sens de la justice est propre aux individus, aux consciences, face à ce qui est inhumain. Il vaut par sa spontanéité, par son exigence ardente et le refus a priori des compromissions de la prudence ou de l’intérêt bien compris. Il vaut aussi par son indifférence aux positions sociales, aux mérites divers, aux talents : tout homme peut l’avoir et notre propre sens de la justice nous dit même que tout homme doit l’avoir.

-          Or, l’idéal de justice, c’est-à-dire la justice dans sa perfection, dans son essence même – quand bien même les modèles de justice existants ne seraient que des réalisations imparfaites – est-il représenté par l’une de ces maximes, et si oui, laquelle l’expriment le plus adéquatement ? Ce qui est donc ici mise à la question c’est la définition de la justice dans ce qu’elle a de plus pure et de plus accompli.

  • Problématique

L’idéal de justice auquel nous aspirons tous – c’est-à-dire que l’on doit tendre à réaliser aussi parfaitement et aussi adéquatement que possible dans nos sociétés – a-t-il pour fondement une égalité inconditionnée et inconditionnelle ou passe-t-il plutôt par un principe d’équité ? Et si tel est le cas, quel est cet étalon par lequel la rétribution sera la plus juste possible ? En quoi donc l’idéal de justice est-il ce qui doit guider toutes nos actions et ce vers quoi l’on ne doit jamais cesser de tendre, ne serait-ce qu’asymptotiquement ?

 

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« échois son droit en partage, et le principe forme de la possibilité de cet état, considéré d'après l'idée d'unevolonté universellement législatrice, s'appelle la justice publique.

» Kant , Métaphysique des mœurs, Doctrine universelle du droit.Par ailleurs, Mill, dans L'utilitarisme se pose la question suivante : « Est-il juste ou non que le talent oul'habileté donnent doit à une rémunération plus élevée ? » Certains répondront à cette question en disant qu'ilserait injuste de privilégier des gens alors que la nature leur a déjà donné un privilège, alors que d'autre diraitqu'une telle rétribution est logique dans la mesure où l'ouvrier habile et méritant apporte plus à la société qu'unautre.

Or, voici la réponse de Mill : « La justice, dans le cas en question, présente deux face entre lesquelles ilest impossible d'établir l'harmonie, et les deux adversaires ont choisi les deux faces opposées ; ce quipréoccupe l'un, c'est de déterminer, en tout justice, ce que l'individu doit recevoir, ce qui préoccupe l'autre,c'est de déterminer, en toute justice, ce que la société doit donner.

Chacun des deux, du point de vue où ils'est placé, est irréfutable et le choix entre ces points de vue, pour des raisons relevant de la justice, ne peutqu'être absolument arbitraire.

C'est l'utilité sociale seule qui permet de décider entre l'un et l'autre.

» En cesens, la maxime qui représentera le mieux l'idéal de justice serait celle qui dont les bénéfices seront les plusavantageux pour l'utilité sociale.

Ce n'est donc plus le principe d'égalité qui peut être ici vainqueur, ni d'ailleurscelui qui fait du besoin l'étalon de l'équité : une telle maxime ne rapporte socialement et économiquementaucun bénéfice.

Au contraire, dans la perspective utilitariste, il sera plus juste de faire prévaloir le travailcomme étalon de rétribution, et a fortiori le travail méritant, dans la mesure où c'est lui qui apporte le plusgrand bénéfice à la société. II.

La maxime qui exprime le plus adéquatement l'idéal de justice est celle qui prend le plus en compte l'utilité sociale Avec Rawls , s'inaugure la réconciliation de la justice sociale et de l'efficacité économique : selon lui, il est nécessaire de recourir à une fiction : celle de personnes libres et rationnelles, encore ignorantes de leursintérêts particuliers.

Sur quelles règles d'association se mettraient-ils d'accord ? Rawls estime que d'une part,et prioritairement, elles affirmeraient la nécessaire égalité des « droits de base », aussi étendus que possiblepour tous, et d'autre part elles admettraient des inégalités à la condition que celles-ci profitent à tous.

Oncomprend aucune de ces maximes, seules, peuvent être représentative, de manière adéquate de l'idéal dejustice qui réside bien plutôt dans la combinaison raisonnée de chacune d'elle.« En 1 er lieu : chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base égales pour tous qui soit compatible avec le même système pour les autres.

En 2 nd lieu : les inégalités sociales et économiques doivent être organisées de façon à ce que, à la fois l'on puisse raisonnablement s'attendre à cequ'elles soient à l'avantage de chacun et qu'elles soient attachée à des positions et à des fonctions ouvertes àtous.[…] » (Théorie de la justice).Comprenons donc que pour Rawls, la liberté est la valeur morale première ; on ne saurait identifier la justice àla maximisation du bien, du bonheur (comme le font les utilitaristes).

En voyant dans le bien l'origine de lajustice, l'utilitarisme est incapable de prendre en compte la multiplicité des conceptions du bien.

Il fait del'utilité commune un simple agrégat et est ainsi indifférent aux différences entre les personnes et leurspréférences.

Aveugle au contenu de ces préférences, il risque de conduire à des conséquences tout à faitimmorales (que l'on pense à la « préférence nationale » de l'extrême droite française).En se plaçant donc dans un contexte pré constitutionnel, Rawls montre ainsi que principe d'égalité et principed'équité ne peuvent pas séparément contribuer adéquatement à la réalisation de l'idéal de justice.

Aucontraire, pour ce faire, ce sont deux principes fondamentaux qu'il faut poser : d'abord, donc il faut concevoirque « chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu des libertés de base égales pourtous ».

Autrement dit, chacun a droit à la liberté maximale compatible avec la liberté des autres.

C'est leprincipe d'égalité ; ensuite Les inégalités sociales ne peuvent être justifiées que dans deux cas : à la conditionque l'on puisse penser avec raison qu'elles se révèleront avantageuses à chacun ; ou si elles sont liées à desfonctions auxquelles chacun peut prétendre, à des charges ouvertes à tous.

Ce principe distributif est leprincipe de différence.

Si donc l'on fait entrer le travail ou encore le mérité comme critère de distinction desrétributions, encore faut-il donc s'assurer que ces charges qui donnent des avantages soient ouvertes à touset non pas simplement réservées à une minorité avantagée.On comprend alors qu'à elles seules, même dans une synthèse dialectique égalité/équité telle que la proposeRawls, on ne puisse parfaitement réaliser l'idéal de justice.

Est-ce à dire qu'il faut se satisfaire de cetteinadéquation ou qu'il faut tout de même persévérer ? III. De l'idéal de justice à poursuivre : un horizon régulateur En réalité, si à elles seules de telles maximes sont incapables de réaliser effectivement l'idéal de justice auquelpourtant l'on aspire profondément – elles ne le peuvent, de manière synthétique, que de manière imparfaite, ilne faut pourtant pas céder à son penchant fataliste qui, au contraire, justifierait nombres d'injustices.En effet, il faut continuer de penser un certain sens ou une certaine idée de la justice indépendamment detoute considération de l'intérêt personnel.

Rousseau pense ainsi que la justice se fonde sur la sociabilité des hommes, plus particulièrement sur leur faiblesse commune, leurs insuffisances.

Car s'il est vrai que c'est lebesoin qui nous attache aux autres par intérêt (et c'est en ce sens qu'Aristote disait qu'il ne peut y avoir decommunauté possible entre deux médecins, mais seulement entre un médecin et un charpentier par exemple :chacun a nécessairement besoin d'avoir recours au travail de l'autre.

En ce sens l'on pourrait conclure que laseule chose qui nous attache socialement aux autres est la simple satisfaction de notre intérêt) ; or, il ne fautpas oublier que les « misères communes » nous y attachent par affection ; ce sont elles qui nous dévoilent. »

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