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CHATEAUBRIAND, René - LES RÊVERIES DE RENÉ

Publié le 02/10/2010

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chateaubriand

Le jour, je m'égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie : une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s'élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le tronc d'un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait! Le clocher s solitaire, s'élevant au loin dans la vallée, a souvent attiré mes regards; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent; j'aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret instinct me tourmentait; je sentais que je n'étais moi-même qu'un voyageur; mais une voix du ciel semblait me dire : « Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton coeur demande. « Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie! Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon coeur. CHATEAUBRIAND, René - LES RÊVERIES DE RENÉ

René raconte à Chactas sa jeunesse rêveuse et tourmentée. Après s'être lancé sur « l'océan du monde » au cours de voyages qui n'ont fait qu'entretenir sa mélancolie; après s'être mêlé à la foule parisienne, « vaste désert d'hommes », il s'est retiré à la campagne, dans son pays natal, avec l'espoir d'y trouver enfin la paix du coeur; mais le spectacle de la nature accroît encore son incurable tristesse. Le texte. Les rêveries de René (lignes 1 à 6). — Bien que René ne précise pas l'endroit de son « exil champêtre », le paysage qu'il évoque rappelle les landes de Combourg : Le jour, je m'égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts; ainsi, à travers les rêveries passionnées de René, nous devinons celles de Chateaubriand lui-même dans le vieux manoir familial. Pour tromper son ennui, René cherche dans les lieux qui l'entourent des aliments à son besoin de sensations nouvelles. Les objets les plus humbles suffisent à éveiller son imagination toujours sur le qui-vive : Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie. Les images sont en effet d'une simplicité extrême : une feuille, une cabane, de la mousse, une roche, un étang; nul éclat, nulle profusion de couleurs, et pourtant Chateaubriand réussit à créer un paysage d'un charme pénétrant et mystérieux.

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